(Rome) La croisière pourra continuer de s’amuser, mais plus loin : les paquebots, accusés de mettre en péril le centre historique de Venise classé au patrimoine de l’UNESCO, en seront bannis à partir du 1er août.

Le premier ministre italien Mario Draghi a salué « une étape importante pour la préservation de la lagune vénitienne », soumise depuis des décennies au ballet continuel des monstres de la mer déversant des millions de visiteurs dans la Cité des Doges.

Les défenseurs de l’environnement et du patrimoine culturel accusent les grosses vagues engendrées par ces navires, longs de plusieurs centaines de mètres et hauts de plusieurs étages, d’éroder les fondations de la Sérénissime, et de menacer le fragile écosystème de sa lagune. Le débat avait été relancé le mois dernier avec le retour des croisières après des mois de pandémie qui avaient rendu aux Vénitiens calme et air pur, tout en les privant d’importants revenus.

Les bateaux de plus de 25 000 tonnes de jauge brute, de plus de 180 mètres de long, de 35 mètres de tirant d’air, ou dont les émissions contiennent plus de 0,1 % de soufre ne seront plus autorisés à entrer dans le bassin de Saint-Marc, le canal de Saint-Marc et le canal de la Giudecca.

Ils devront s’amarrer dans le port industriel de Marghera, où des aménagements seront réalisés, tandis que les navires de croisière plus petits (environ 200 passagers) pourront continuer à accoster au cœur de la ville, précise un communiqué du gouvernement.

L’Italie, a souligné le ministre de la Culture et du Patrimoine, Dario Franceschini, a voulu ainsi « éviter le risque concret d’une inscription de la ville sur la liste du patrimoine en péril ».

Patrimoine en péril

Le temps pressait, car les organismes consultatifs de l’UNESCO ont proposé cette inscription fin juin et le Comité du patrimoine mondial doit statuer lors de sa réunion en Chine du 16 au 31 juillet.

L’inscription sur la liste du patrimoine en péril peut permettre au comité d’accorder une assistance rapide au site concerné dans le cadre du Fonds du patrimoine mondial.

Mais elle sert aussi à « alerter la communauté internationale dans l’espoir que celle-ci se mobilise pour sauver les sites concernés » et peut aussi être perçue « comme un déshonneur », écrit l’UNESCO sur son site.

Surtout, si rien n’est fait à terme, le site peut être retiré de la liste du patrimoine mondial, auquel Venise est inscrite depuis 1987.

Entreprises lésées

Le débat sur la présence des géants des mers ne se cantonne pas à Venise et a depuis toujours une dimension internationale, due à la notoriété de cette destination touristique, l’une des plus prisées au monde.

Début juin, une pléthore d’artistes internationaux, de Mick Jagger à Wes Anderson en passant par Francis Ford Coppola et Tilda Swinton, avaient adressé une lettre ouverte au président italien Sergio Mattarella, au premier ministre Mario Draghi et au maire de Venise pour demander entre autres un « arrêt définitif » de la circulation des navires de croisière.

Le décret adopté mardi par le conseil des ministres « est un bon compromis », a réagi le président de l’association des entreprises touristiques de Vénétie, Confturismo Veneto. « La solution de Marghera maintiendra la vocation portuaire de Venise, en sauvant l’emploi et l’activité d’un côté, et en libérant le canal de la Giudecca de l’autre ».

Car les croisières génèrent des revenus considérables pour les commerçants et le port de Venise : 400 millions d’euros par an et 5000 emplois. Mais ce sont pas moins de 90 000 personnes qui dépendent directement ou indirectement des infrastructures portuaires de la ville.

Le gouvernement s’est engagé à compenser le manque à gagner pour la filière, notamment le gestionnaire du terminal, ses sous-traitants, les sociétés de logistique, etc. Le port de Marghera devra aussi être aménagé pour accueillir les paquebots et 150 millions d’euros seront débloqués à cet effet.