(Tbilissi) Le printemps fleurit dans la capitale géorgienne, mais la vieille ville de Tbilissi, mélange d’édifices Art Nouveau et d’églises médiévales, fait grise mine.

Les terrasses de cafés ensoleillées sont désertes, les restaurants fermés et les rares passants dans ses rues pavées portent des masques chirurgicaux.

L’état d’urgence a été décrété en Géorgie à cause du nouveau coronavirus, à l’origine d’une pandémie qui a sapé en quelques semaines une industrie du tourisme florissante. Devenue en une quinzaine d’années un moteur de l’économie, elle assure près d’un cinquième du PIB et fournit des dizaines de milliers d’emplois.

Depuis la révolution pro-occidentale de 2004 dans cette ex-république soviétique du Caucase, et malgré une guerre contre la Russie en 2008, de grands projets d’infrastructures ont été menés à bien. Comme la reconstruction de la station balnéaire de Batoumi, sur les bords de la mer Noire, devenue une destination prisée des touristes arabes comme européens.

Ce petit État de 3,7 millions d’habitants avait accueilli quelque neuf millions de visiteurs étrangers en 2019.

L’année 2020 s’annonce tout autre. À mesure que des pays entiers ferment leurs frontières et confinent leurs populations pour juguler l’expansion de la COVID-19, le secteur du tourisme dépérit, menaçant la croissance économique dans son ensemble.

Le Gallery Palace, hôtel chic de 70 chambres du centre-ville de Tbilissi, est l’un de ceux qui ont dû fermer leurs portes, raconte à l’AFP sa propriétaire, Tamriko Sikharoulidze.

« Ça m’a brisé le cœur. Nous avions fait de gros investissements pour préparer une saison touristique réussie », soupire-t-elle.

Selon Mme Sikharoulidze, plus que les 54 cas de COVID-19 été enregistrés en Géorgie et la quarantaine imposée à 3000 personnes, c’est la perspective du chômage et de la pauvreté qui fait peur à la population. Depuis son indépendance à la chute de l’URSS en 1991 elle a déjà traversé chaos économique, pénuries et conflits armés.

Les Géorgiens « ont peur que demain, ils ne puissent plus gagner assez pour leur pain quotidien », dit-elle, expliquant avoir dû contraindre ses 65 employés à un congé sans solde.

« Si la crise perdure encore deux ou trois mois, des milliers de personnes vont perdre leur emploi », prédit l’hôtelière.

« Grave, mais gérable »

Les autorités admettent qu’un vaste ralentissement de l’activité est imminent, tout en assurant que l’économie géorgienne est suffisamment solide pour surmonter la crise.

« Nous avons une économie libérale, de beaux indicateurs macroéconomiques et le libre-échange avec 46 pays, y compris l’Union européenne », a déclaré la ministre géorgienne de l’Économie, Natia Tournava, rappelant que la hausse du PIB a été de 5,2 % en 2019.

« C’est pourquoi nous nous attendons à ce que le rétablissement après la crise soit rapide », a-t-elle ajouté, jugeant la situation « grave, mais gérable ».

Pour soutenir l’industrie touristique en détresse, le gouvernement a annoncé une aide d’un milliard de lari, environ 295 millions d’euros.

Ces mesures comprennent une trêve fiscale de quatre mois pour 18 000 entreprises et 50 000 salariés, ainsi qu’une assistance aux petits hôtels pour les aider à rembourser leurs prêts bancaires.

« Nous sommes prêts à un soutien supplémentaire », affirme encore la ministre.

Les analystes affichent quant à eux un optimisme prudent.

« La Géorgie risque de perdre une part importante de ses revenus touristiques qui constituent environ 20 % du produit intérieur brut », dit à l’AFP Beso Namtchavadze, un économiste de Transparency International en Géorgie.

Ce pays a cependant de « bonnes chances » de se remettre « si le virus est maîtrisé d’ici à l’automne », estime-t-il.

Les analystes de Renaissance Capital en Russie Sofya Donets et Andreï Melachtchenko pensent de leur côté que la Géorgie peut encore espérer une croissance de 2,3 % cette année et de 6 % dès 2021.

Mais à condition que « le tourisme puisse se remettre avant août-septembre ». Sans quoi, « on ne peut exclure que la Géorgie entre en récession ».