(Corfou) Dosage subtil entre précautions sanitaires liées au nouveau coronavirus et nécessité économique : l’Union européenne a rouvert mercredi de façon ciblée ses frontières en plein démarrage de la saison touristique estivale, comme en Grèce où les nolisés sont de retour.

Baignée par les eaux turquoises de la mer Ionienne, l’île grecque de Corfou espère « rattraper le temps perdu » et a vu atterrir mercredi ses premiers touristes.

« C’est fantastique, on est très heureux d’être ici et de profiter du soleil […] on attendait ce moment depuis si longtemps », s’enthousiasme Molnar Istvan, touriste hongrois débarquant à Corfou du premier vol de la journée, en provenance de Budapest, accueilli par le ministre grec du Tourisme, Haris Theocharis.

Le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a de son côté averti dans la semaine que ce serait cependant « une saison touristique très difficile ».

L’ONU estime mercredi que les restrictions liées à la COVID-19, qui a fait d’ores et déjà fait plus de 500 000 morts dans le monde, devraient se traduire ces prochains mois par un manque à gagner allant de 1200 à 3300 milliards de dollars pour le tourisme et les secteurs liés.

L’UE a autorisé les vols en provenance de 14 pays de tous les continents, ainsi que de Chine, à la seule condition que celle-ci admette sur son sol les visiteurs « non essentiels » venant de l’UE, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Fruit de difficiles tractations, cette liste adoptée mardi et révisable dans deux semaines est fondée « en particulier » sur des critères épidémiologiques.

Seront admis dans l’UE et l’espace Schengen les voyageurs venant d’Algérie, Australie, Canada, Géorgie, Japon, Monténégro, Maroc, Nouvelle-Zélande, Rwanda, Serbie, Corée du Sud, Thaïlande, Tunisie et Uruguay.

En sont notamment exclus les États-Unis, pays le plus touché au monde par la pandémie avec 125 928 décès pour près de 2,6 millions de cas répertoriés, mais aussi le Brésil, la Russie, l’Inde, la Turquie et Israël notamment.

L’Autriche a cependant maintenu ses restrictions de déplacement avec la Serbie et le Monténégro.

L’aéroport de Corfou affichait mercredi dix-sept vols charters d’Allemagne, d’Irlande, d’Autriche ou de Suisse notamment, que les professionnels du tourisme espèrent chargés de voyageurs.

« Il faut nous aider »

Au milieu des façades ocres et roses écrasées de soleil, Yannis a encore « 1 % d’espoir » de voir déferler les touristes dans sa boutique de souvenirs et ses seize chambres et ainsi « rattraper le temps perdu ».

« Nous sommes optimistes avec les vols arrivant » mercredi, explique à l’AFP Amelia Vlachou, qui tient une boutique de bijoux dans une ruelle ombragée de l’île : « Nous aurons des touristes, même si bien sûr ce ne sera pas comparable avec les années précédentes ».

Plus de 3200 vols internationaux ont convergé en 2019 sur Corfou, bondés surtout de Britanniques, d’Allemands, de Polonais et d’Italiens.

La contagion marque le pas en Europe, ancien épicentre de la pandémie qui poursuit son retour progressif à la normale : mercredi le musée du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau accueille à nouveau des visiteurs en Pologne, les cinémas et évènements culturels de petite taille reprennent leurs activités en Autriche… et les maisons closes rouvrent aux Pays-Bas.

Mais des foyers subsistent et inquiètent. Notamment dans la région de Lisbonne, de nouveau soumise depuis une semaine à des restrictions pour éviter les attroupements. 19 quartiers de la banlieue de la capitale portugaise sont reconfinés pour deux semaines à compter de mercredi, afin d’endiguer des contaminations reparties à la hausse.

Difficile toutefois pour les 700 000 habitants de ses quartiers populaires d’arrêter de travailler ou de prendre les transports en commun : « Si nous ne pouvons pas quitter le quartier, alors il faut nous aider », plaide un jeune habitant.

« Si on ne peut pas travailler, on ne peut pas payer […] Nous avons besoin de soutien alimentaire et d’une suspension du paiement de factures », explique à l’AFP Iuri Fidalgo, un Portugais d’origine capverdienne vivant à la cité de Quinta do Mocho, dans la commune de Loures.

Épidémie hors contrôle

Mardi, c’était les 600.0 habitants de l’agglomération de Leicester qui ont été reconfinés en raison d’une flambée de cas dans cette ville du centre de l’Angleterre.

Principal pays exclu de la liste de l’UE, les États-Unis, où l’épidémie flambe, notamment dans le Sud et l’Ouest du pays, dont certains États ont dû faire une pause dans le processus de déconfinement.

« Il est évident que nous n’avons pas le contrôle total actuellement », a expliqué le docteur Anthony Fauci, membre de la cellule de crise présidentielle sur le coronavirus.

Dans les quartiers défavorisés de Miami, en Floride, où le gouverneur refuse d’imposer le port du masque malgré la flambée de contaminations, des équipes de volontaires distribuent des kits avec matériel de protection, gel désinfectant et brochure explicative aux habitants.

« Nous avons des masques ! » crient-ils, avant d’expliquer à ceux qui s’approchent, comment le mettre correctement.

Bien que figurant sur la liste de l’UE, son voisin canadien, dont le premier ministre Justin Trudeau a dit craindre une « deuxième vague » épidémique « qui pourrait frapper très fort » a prolongé jusqu’au 31 juillet l’interdiction d’entrée des étrangers, sauf — paradoxalement — des Américains, et jusqu’au 31 août la quarantaine obligatoire à l’arrivée dans le pays.

Sur le continent, la situation reste également inquiétante en Amérique latine et dans les Caraïbes, où le bilan pourrait dépasser 400 000 morts dans les trois mois si des mesures sanitaires plus strictes ne sont pas prises, selon l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS).

En Colombie, notamment, de plus en plus de jeunes sont hospitalisés en soins intensifs.

En Inde, une centaine de personnes ont été déclarées positives après avoir participé, à quelques jours d’intervalle, au mariage puis aux funérailles d’un jeune homme ayant potentiellement contracté la COVID-19.