(Paris) À 10 h lundi, la plus belle avenue du monde a entamé son réveil : après deux mois de confinement, les boutiques des Champs-Élysées ont relevé le rideau et certaines ont renoué avec les files d’attente, même si les habituels touristes étrangers font cruellement défaut.

« J’avais un cadeau en retard à faire. Et c’est aussi ma récompense après 53 jours à la maison, j’ai posé une journée de congés », explique à l’AFP Perrine Bourgeois, qui attend l’ouverture de la boutique Louis Vuitton, au numéro 101.

Masque bleu ciel sur le visage et foulard de soie fleuri autour du cou, la jeune femme travaille dans les ressources humaines. Elle admet que le confinement pour endiguer l’épidémie de COVID-19 l’a fait « réfléchir sur ce qui est essentiel, sur ce qu’on consomme, surtout sur les filières qu’on utilise. Mais cela ne passe pas par se priver de consommer, surtout ces symboles du luxe à la française ».

Claudine et David Herbault patientent aussi devant Vuitton, marque phare du groupe LVMH. Ils sont venus spécialement de Nemours (Seine-et-Marne) : « C’est les 20 ans de notre fille et on veut lui faire un beau cadeau exceptionnellement. On a voulu commander en ligne, mais c’était compliqué. On a un budget d’environ 300 euros (455 $), on voudrait lui acheter un foulard ou une ceinture ».

Sur la longue avenue des Champs-Élysées — vitrine de la France à l’étranger plébiscitée par les touristes internationaux — les averses ont laissé place à des rafales de vent désagréables. Les clients sont encore peu nombreux, et seules des files d’attente se forment devant la Fnac ou certaines boutiques de luxe.

« La moitié des commerces de détail rouvrent aujourd’hui, et d’ici lundi prochain ce sera le cas pour la quasi-totalité des enseignes, à l’exception des cafés et hôtels », résume Édouard Lefebvre, délégué général du Comité Champs-Élysées, qui rassemble la centaine d’enseignes de l’avenue.

PHOTO FRANCOIS MORI, ASSOCIATED PRESS

Sur la longue avenue des Champs-Élysées, les averses ont laissé place à des rafales de vent désagréables. Les clients sont encore peu nombreux, et seules des files d’attente se forment devant la Fnac ou certaines boutiques de luxe.

« La reprise sera très timide », admet-il, alors que « le tiers des flux sur les Champs sont des touristes, qui reviendront, mais pas tout de suite ».

Dès l’ouverture du parfumeur Guerlain, Françoise Falck, habitante du quartier, est venue se réapprovisionner : « Je n’avais plus de Cologne Impériale, je voyais mon flacon descendre pendant les deux mois. Je sais, ça peut paraître ridicule quand la priorité est de prendre trois repas par jour ».

« C’est le nouveau normal »

« Ce qui me manquait, c’était de voir les produits, de toucher, d’essayer », indique Abby Hsieh, étudiante taïwanaise qui vit à Paris depuis trois ans.

Mais les mesures sanitaires sont draconiennes dans toutes les boutiques : « c’est le vendeur qui vous tend les produits. Cela ne nous dérange pas, c’est le nouveau normal. On est encore en plein virus, beaucoup de gens sont morts, il faut prendre des précautions », soulignent deux amies devant Sephora.

L’enseigne beauté a notamment décidé de retirer les testeurs de maquillage, et indique « désinfecter en permanence » ceux pour le parfum et les soins.

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Outre le gel hydroalcoolique de rigueur dans toutes les boutiques, tout comme le plexiglas aux caisses ou la limitation du nombre de clients à l’intérieur, certaines marques ont décidé d’imposer aussi le masque aux clients et pas seulement au personnel.

Chez Zara, pas d’essayage de vêtement possible : « vous pouvez essayer chez vous et rapporter le vêtement si cela ne va pas, en gardant le ticket de caisse », explique une vendeuse.

De son côté, Dior fait essayer ses souliers « avec des chaussons jetables », et nettoie les accessoires qui sont manipulés par les clients « avec des lingettes quand le matériau le permet ». Quant aux vêtements essayés en cabine, ils subissent « 48 h en quarantaine » avant d’être remis en boutique.

Généralement, « les vêtements qui ont été essayés seront mis de côté pour être passés à la vapeur », détaille M. Lefebvre pour le Comité Champs-Élysées.

Après deux mois sans activité pour les boutiques de l’artère, il dit s’inquiéter des conséquences : « le confinement a tout figé, les chiffres d’affaires sont en berne. Sans oublier qu’entre les grèves dans les transports de décembre dernier et les “gilets jaunes”, ça fait deux ans que les commerçants des Champs-Élysées souffrent ».