(Paris) Rachid Saidi a choisi de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de garder le sourire malgré la chute des réservations dans son hôtel parisien, liée à la crise du nouveau coronavirus, affectant particulièrement commerçants et hôteliers.

« C’est une période difficile, mais il faut être solide. On est obligé ! », commente le patron de l’hôtel quatre étoiles Monsieur Saintonge, niché dans le très touristique quartier du Marais, au cœur de la capitale française, un ancien quartier juif toujours parsemé de restaurants casher, mais aussi de boutiques à la mode et de bars gais.

« On est à 50 % du prix », explique le dynamique quadragénaire. « Malgré cela, on n’a pas de retombées de réservations. Donc, même si vous mettez la chambre à un euro, il n’y aura pas de gens qui viendront pour un euro ! », ajoute-t-il avec un petit rire nerveux.

Il estime que son chiffre d’affaires va être amputé de 30 % à 40 % en mars. Les voyages d’affaires ont chuté avec l’annulation d’événements majeurs comme le salon mondial du tourisme ou le prestigieux salon Livre Paris.

L’inquiétude est généralisée dans le secteur, déjà affecté en 2019 par une vague de grèves et de manifestations. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), premier syndicat patronal des cafés, hôtels, restaurant et établissements de nuit indépendants, a récemment alerté les pouvoirs publics de la « situation dramatique » des entreprises et appelé l’État à aider petites et moyennes entreprises.

« Notre secteur est fortement touché : sur les 900 entreprises qui ont déjà fait une demande d’activité partielle, plus de la moitié sont des hôteliers, des restaurateurs », a souligné l’UMIH.

Pas d’attente au Louvre

Dans ce contexte, Rachid Saidi ne ménage pas ses efforts pour protéger au maximum clients et employés. À la réception, il a placé une grande bouteille de gel hydroalcoolique et affiché les recommandations officielles pour éviter une contagion massive dans le pays, l’un des trois principaux foyers européens avec l’Italie et l’Espagne.

Il a également donné des consignes à ses employés pour un ménage poussé dans les 22 chambres, « surtout les boutons de porte, les télécommandes et tout ce que les clients peuvent toucher ».

Non loin de son établissement, Gilles, un des bouquinistes typiques des bords de Seine parisiens, se lamente.

« C’est la catastrophe ! On est mi-mars. On devrait commencer à voir plus de touristes, mais ce n’est pas le cas... » dit le vendeur de livres anciens. « Ils ont peur de venir et on comprend ».

Lui-même salue ses confrères désormais d’un petit coup de coude. Plus de serrages de main ni d’embrassades...

Les touristes ne se pressent pas non plus dans la boutique de souvenirs Made in Paris, dont les étagères regorgent de porte-clés de la tour Eiffel, de miniatures de l’Arc de Triomphe ou de maillots du club de foot Paris Saint-Germain.

« C’est vide, ça chute chaque jour davantage… La question est : “Est-ce que je vais arriver à payer le loyer ?” Nous en sommes là ! », résume le gérant, Aurélien Vargas.

Certains touristes bravent les peurs ambiantes et se réjouissent de visiter un Paris moins fréquenté. « Nous sommes entrés au Louvre presque directement, il n’y avait pas la longue file d’attente qui existe normalement », explique en souriant le Britannique Chris Prousa.

Et d’autres n’ont pas voulu faire l’impasse sur un spectacle sans doute réservé de longue date. Jeudi soir au Moulin Rouge, le doyen des cabarets à plumes parisiens, la salle affichait complet.

Bien sûr, pour la première fois en 130 ans d’existence, l’établissement proposait à l’entrée à ses clients sur leur 31 du désinfectant pour les mains. Entre chaque numéro, les danseuses de 14 nationalités enduisaient de gel hydroalcoolique leurs mains aux ongles manucurés.

À travers son histoire, le cabaret « en a vu d’autres ». Mais « même quand il y a eu des moments difficiles, les gens venaient. Ils disaient “pendant deux heures, on pense à autre chose et on rêve” », dit l’attachée de presse du Moulin Rouge, Fanny Rabasse.