(Paris) Tiré du lit aux aurores, un jeune homme encore en t-shirt ouvre la porte aux contrôleurs : la mairie de Paris poursuit sa chasse aux locations illégales d’AirBnb en espérant un nouveau tour de vis de l’État.

« Ce n’est pas une location, c’est l’appartement de mes parents et je vis ici », souffle l’habitant de cet immeuble du très chic VIIe arrondissement, situé à un jet de pierre de la Tour Eiffel, aux agents du Bureau de protection des locaux d’habitation de la Ville de Paris.

Prisés par les touristes, les logements de ce type sont omniprésents sur les plateformes de location de courte durée, rappelle Marlène. Elle fait partie de la trentaine d’agents qui, une fois par mois, font du porte-à-porte, dans l’espoir de surprendre des locataires AirBnb.

Le hic, concède-t-elle, « c’est que les propriétaires préviennent les touristes et leur demandent de ne pas ouvrir la porte » voire « de se faire passer pour des amis, ou de la famille ».

Environ 65 000 logements parisiens sont mis en location sur AirBnb. Et « une bonne partie d’entre eux, sans doute une bonne moitié, sont des locations illégales qui n’ont pas de numéros d’enregistrement », pourtant obligatoires, peste Ian Brossat, adjoint (PCF) responsable du Logement.

En février, la mairie de Paris avait assigné AirBnb en justice pour avoir mis en ligne 1000 logements non enregistrés.

Les règles sont claires : un logement en résidence principale ne peut être mis en location que dans la limite de 120 jours par an. Mais « aujourd’hui, nous sommes de plus en plus confrontés à des professionnels, des multipropriétaires qui achètent des logements avec pour seul objectif de les transformer en machine à cash », s’agace M. Brossat.

« En 2018, à la suite des opérations de contrôle, 188 propriétaires ont été convoqués au tribunal » pour une présomption d’infraction, « parmi lesquels, 179 ont été condamnés », se réjouit la mairie de Paris. Au total, le montant des amendes s’élevait à 2 138 500 euros (3 101 331 $).

Mais pour Ian Brossat, « si on veut être plus efficace il faut sans doute renforcer les règles ».

« Pas le pouvoir d’interdire »

Lundi, au micro de France Inter, la maire socialiste Anne Hidalgo a estimé qu’il fallait « aller plus loin et peut-être même interdire AirBnb dans un certain nombre d’arrondissements » du centre de la capitale.

« Je n’ai pas envie, et je n’en ai d’ailleurs pas le pouvoir, d’interdire de façon générale AirBnb », précise-t-elle cependant dans son livre paru mercredi Le Lieu des possibles (Éditions de L’Observatoire).

Interdire AirBnb serait « une violation du droit de propriété des Parisiens » répond la plateforme, et cette mesure irait « à l’encontre de la Constitution et des grands principes de l’UE ». « Les problèmes de logement à Paris sont anciens et n’ont pas été causés par la location de logements de courte durée », ajoute l’entreprise.

De surcroît, « le nombre de résidences secondaires et de logements inoccupés n’a cessé d’augmenter depuis les années 1960 », souligne auprès de l’AFP AirBnb, citant les chiffres de l’Insee estimant à « 100 000 le nombre de logements vacants à Paris ».

Paris fait également face à un nouveau problème : la transformation de « très nombreux locaux commerciaux » en « hébergements dédiés aux touristes », auxquels les règles actuelles ne peuvent être appliquées, selon un courrier adressé en juillet par la mairie au ministre du Logement, Julien Denormandie. La lettre, qui demande à l’État « de faire rapidement évoluer la législation », est à ce jour restée sans réponse, selon le cabinet de Ian Brossat.

Un lobbying de plusieurs villes contre AirBnb se met par ailleurs en place : jeudi, les représentants de Lisbonne, Madrid, Reykjavík, Berlin, Bologne ou Barcelone seront réunis à Bruxelles pour échanger sur « les perspectives de collaboration » et « les contraintes posées par la législation européenne et les futurs délibérés de la Cour de justice de l’UE », dont deux décisions sont attendues prochainement.