(Savannah) « Comme si le virus n’était jamais arrivé ici » : fatigués des mesures restrictives imposées dans leurs États, de plus en plus d’Américains vont changer d’air dans ceux qui ont déjà rouvert, comme la Géorgie et la Caroline du Sud, destinations privilégiées de ce nouveau tourisme de déconfinement.

Les fantômes ne sont plus seuls à errer la nuit dans les squares arborés de Savannah, connue — et promue — comme l’une des villes les plus hantées des États-Unis.

Depuis que le gouverneur républicain de la Géorgie a fait de son État, dès fin avril, l’un des premiers du pays à s’affranchir de son confinement, les visites guidées nocturnes ont repris dans la perle touristique du « Deep South » américain.

Les trolleybus, avec un taux de remplissage réduit, malmènent à nouveau leurs suspensions sur les pavés cahoteux du centre historique, et les magasins de souvenirs et de friandises pralinées ont retrouvé leurs clients sur les quais du fleuve Savannah qui a donné son nom à la ville, ancien port négrier.

Regards de travers

Arthur Parker, New-Yorkais de 56 ans, rêvait depuis longtemps de venir y flâner en famille à l’ombre des chênes majestueux drapés de mousse espagnole. La pandémie lui a donné une bonne raison d’avaler d’une traite les 12 heures de route vers le sud.

PHOTO SÉBASTIEN DUVAL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les commerces de River Street à Savannah en Géorgie attirent les touristes.

« C’est tellement déprimant New York en ce moment. Tout est fermé, les rues sont désertes, les gens ont peur. On avait besoin de se changer les idées », raconte-t-il, assis à la terrasse d’un café. « Les gens nous regardent un peu de travers quand on dit qu’on vient de New York (la ville la plus durement touchée du pays). On essaie donc de le cacher, mais notre accent de Brooklyn nous trahit ».

Après avoir perdu beaucoup d’argent en mars et avril, deux des meilleurs mois de l’année pour l’industrie touristique de Savannah, Jonathan Morgan a vu la clientèle revenir progressivement ces dernières semaines dans ses trois B & B.

« Nous avons généralement deux types de touristes : ceux qui viennent en avion et ceux qui viennent en voiture », explique-t-il. « C’est surtout du tourisme régional dernièrement, des gens qui conduisent jusqu’ici sur la journée. Et toute une génération trop jeune pour véritablement craindre quelque chose de la COVID-19 ».

C’est le cas de Kaycee, une étudiante texane qui faute de pouvoir se rendre à Paris pour fêter la fin de son année universitaire s’est rabattue sur Savannah et l’un des établissements de Jonathan, dans une belle maison victorienne décorée à la française sur le thème de la Citroën 2 CV.

« On se croirait presque à Paris, il manque juste la tour Eiffel », se console la jeune femme, « pas du tout inquiète » des risques de contagion. « Je ne voyagerais pas si c’était le cas ».

Fête de déconfinement

PHOTO SÉBASTIEN DUVAL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les touristes semblent être moins nombreux dans la vieille ville de Charleston, en Caroline du Sud, qui a rouvert un peu plus tard que la Géorgie voisine.

À deux heures de route de là, les touristes semblent être moins nombreux dans la vieille ville de Charleston, en Caroline du Sud, qui a rouvert un peu plus tard que la Géorgie voisine.

Avec la hausse des températures, beaucoup ont préféré la plage, comme Anne Miller, la vingtaine, venue de l’Ohio avec une dizaine d’amis pour un week-end de folie à Folly Beach.

« On en avait marre d’attendre le retour à la normalité, à la liberté. On a donc loué une grande maison au bord de mer pour une fête de déconfinement », confie-t-elle, les épaules rougies par le soleil.

Dans les restos-bars bondés de la station balnéaire proche de Charleston, les clients, presque tous sans masque, ne font même pas semblant de vouloir respecter les gestes barrière devant leurs assiettes de crevettes, la spécialité du coin.

On se serre la main, on s’embrasse, on se bouscule...

« C’est comme si le virus n’était jamais arrivé ici ! », apprécie Anne, contente de pouvoir dépenser ici l’argent économisé pendant deux mois de confinement sans sorties ni magasinage. « C’est bon pour l’économie locale ».