«... et entre autres, il y a plusieurs coudres, que nous trouvâmes fort chargés de noisettes. Et pour cela, la nommâmes Isle-aux-Coudres...»

Ces mots sont ceux de Jacques Cartier, datés du 6 septembre 1535. Pour les cinéphiles, ce sont ceux magnifiquement lus par Alexis Tremblay dans la scène d'ouverture du documentaire Pour la suite du monde (1962) de Pierre Perrault et de Michel Brault. Naître ici vient avec tout un héritage, chargé de masques de Mi-Carême et de paysages grandioses, peuplé de chasseurs de marsouins et de personnages plus grands que nature à la langue «verte et dure», comme l'écrivait Perrault. Les Coudrilois (dit Marsouins) le savent. Et veillent jalousement sur ce passé dont leur Isle aux noisettes garde encore les traces.

Le Cabaretier - Boîte à chansons

1075, chemin des Coudriers

Un projet mis sur pied par deux «étranges» venus déballer leurs pénates aux confins du Saint-Laurent. Le Cabaretier reprend le flambeau là où le bistrot culturel le Crapet-Soleil l'avait laissé à sa fermeture en 2009. Ce qui le distingue de son grand frère, toutefois, c'est que le Cabaretier est une boîte à chansons, une vraie, où les musiciens dégourdis, mais pas nécessairement professionnels, se partagent la scène au gré de l'inspiration. Vous risquez même d'attraper au vol quelques chansons à répondre interprétées par des insulaires pure laine, qui prennent tranquillement l'habitude d'aller y faire leurs vocalises... Côté resto, les planches-repas du terroir qu'on y sert sont généreuses et joliment présentées: accras de morue sauce chien, croûtons gratinés au Fleurmier ou au Ciel de Charlevoix, salade de légumes rôtis.

La Boulangerie Bouchard

1648, chemin des Coudriers

La légende veut que les «traverseux» du début du XXe siècle qui bravaient le fleuve pour «aller chercher la malle» de l'autre côté de la rive, retrouvaient souvent leur encas en piteux état, au fond du canot à glace... Pour les accommoder, les femmes de l'Isle-aux-Coudres ont inventé ces petits chaussons à la viande refermés en forme de demi-lune et bien nommés «pâtés croches», qui avaient la vertu de s'engloutir d'une seule main. C'est aujourd'hui une spécialité de l'Isle-aux-Coudres, que la boulangerie Bouchard interprète depuis 1945. À ce classique s'ajoutent les pains à l'anis, les pains «ronds», les tartes grand-mère (aux pets de soeur), les brioches fraîches du jour. Ah! les brioches de l'Isle... Aux fraises, glacées à la vanille (avec les doigts!), pommes caramel, du carême (nature), au sucre à la crème (les meilleures). Lorsque la mie sucrée des pâtisseries devient sèche, il suffit de les tremper dans une préparation à pain dorée pour leur insuffler un second souffle. Parole de la propriétaire, Noëlle-Ange Harvey. Une halte-vélo a été aménagée en plein air pour ceux qui souhaitent manger sur place. Vue pittoresque sur le massif de la Petite-Rivière-Saint-François qui s'élève de l'autre côté du fleuve.

Les Moulins de l'Isle-aux-Coudres

36, chemin du Moulin

L'économusée de la meunerie est situé un peu en retrait de la route qui ceinture l'Isle. On y divulgue les secrets de ce savoir ancestral aux visiteurs, de la mouture du grain jusqu'à la production de la farine (blé ou sarrasin) ensachée et vendue sur place. Il s'agit du seul endroit au Canada où se côtoient un moulin à eau (1825) et un moulin à vent (1836), tous les deux fonctionnels et classés monuments historiques. Le bâtiment principal accueille également deux salles d'exposition. Celle du rez-de-chaussée retrace l'histoire populaire de l'Isle-aux-Coudres à travers les oeuvres d'Alfred Desgagnés. À l'étage est projetée en continu «La Trilogie de l'Isle-aux-Coudres» de Pierre Perrault, chefs-d'oeuvre du cinéma direct québécois dont on célèbrera le 50e anniversaire cette année, à la grande fierté des Marsouins.

Épicerie Chez Paul

3269, chemin des Coudriers

Pourquoi s'arrêter Chez Paul, une épicerie, dépanneur, station d'essence et hébergement touristique? Le pâté à la truite. La recette de cette tarte rustique est pourtant simplissime, assure Noëlline Harvey. De la truite taillée en petits cubes, des pommes de terre coupées plus finement encore, de la crème, beaucoup de poivre en grains, une tonne de poireaux fondants, tombés au beurre, une pâte maison qui, au four, devient aussi croustillante qu'un croissant. Et un petit je-ne-sais-quoi, un tournemain, que la cuisinière a tout intérêt à garder secret... On prépare ici aussi pâtés croches, cretons, ketchup aux fruits, brioches et autres tartes au sucre blanc.

Chez Charlotte!

1292, chemin des Coudriers

L'atelier-boutique présente les créations cousues et vêtements pour petits et grands de Pascale Perron, artisane textile, ainsi que sa ligne de bijoux baptisée Garnotte. C'est aussi le chef-lieu des trouvailles typiques de Charlevoix, choisies avec délicatesse. Planches à découper en bois d'érable de Baie-Saint-Paul, conserves des Jardins du Centre des Éboulements, catalognes et nappes tissées au métier par le Cercle des fermières de Saint-Bernard: ici, pas de toc ni d'attrapes-touristes. Une petite Place d'art est jouxtée à cette coquette boutique, où sont exposées les oeuvres d'artistes de la région.

Photo: Mélanie Roy, collaboration spéciale

Chez Charlotte! atelier-boutique, où se cache aussi une Petite Place d'Art.

L'esturgeon fumé des Desgagnés

Sur le chemin de la Baleine

Un petit extra. Une adresse un peu particulière, discrète, pour ne pas dire méconnue, même des insulaires. Pour la dénicher, il faut remonter à l'intérieur des terres, vers le chemin de la Baleine qui traverse l'Isle-aux-Coudres d'est en ouest. Avec de la chance, vous repérerez sur le bord de la route un écriteau un peu rudimentaire, facile à manquer, sur lequel est tracé au feutre noir: «Esturgeon fumé à vendre». Si la pancarte est là, c'est ouvert. Sinon, pas la peine d'insister, c'est fermé. Vous êtes chez les Desgagnés. Un permis de pêche à l'esturgeon noir, fortement réglementée par le MAPAQ, leur permet de produire entre 300 et 400 livres de poisson fumé au bois sucré (d'érable) par année, «juste pour s'amuser». Les filets d'esturgeon fumé, emballés sous vide, ne sont vendus qu'à des particuliers, à la pièce. La recette de la marinade a été ajustée avec l'aide du chef de l'auberge La Coudrière. On apprête ce produit délicat à la manière du saumon fumé: quelques câpres, de l'oignon rouge et un filet d'huile.

Cidrerie et vergers Pedneault

3384, chemin des Coudriers

En 1918, la famille Pedneault a planté 300 pommiers sur ses terres ancestrales. Près d'un siècle plus tard, Éric Desgagnés, habile raconteur, préfère encore parler de la superficie des vergers en arbres fruitiers, 5000 au total, pommiers, cerisiers, pruniers et poiriers confondus. Depuis l'obtention du permis de producteur artisan de cidre en 1999, le grand druide Michel Pedneault a développé pas moins de 24 produits. Ils sont tous offerts à la dégustation: crèmes de prunes, d'amélanchiers, mistelles, cidres de glace... Pour un tour de l'Isle en voiture hors du commun, on peut se procurer sur place un audioguide réalisé par Éric Desgagnés: 70 minutes en compagnie de locaux, qui ne se font pas prier pour révéler les légendes et les beautés de leur Isle.