A priori, toutes les montagnes du monde se ressemblent. Pourquoi alors aller jusqu'au Japon pour dévaler les pentes? Parce que la neige y est d'une rare qualité. Et parce que la riche culture nippone donne une tout autre saveur à l'après-ski.

Des flocons virevoltent au-dessus de nos têtes. C'est enfin notre tour. On glisse lentement nos skis sur la neige vers notre remontée mécanique. Au moment où notre chaise prend son envol vers le sommet de la station Tsugaike Kogen, le préposé nous lance un «itterasshai» («bon ski»)! Voilà comment débute notre séjour au coeur de la culture et de la neige nippones.

Parmi les destinations de rêve, le Japon figure souvent au haut de la liste des skieurs et des planchistes. C'est que les Alpes japonaises reçoivent une impressionnante quantité de précipitations. Chaque hiver, au moins 11 m de neige s'accumulent dans le village alpin d'Hakuba, dans la préfecture de Nagano, ce qui est quatre fois, voire cinq fois plus que ce que les Laurentides ou l'Estrie peuvent recevoir en un hiver.

Et cette neige japonaise est non seulement abondante, mais légendaire pour sa qualité aussi. Lorsqu'il tempête, la neige ne se compacte pas au sol. Pour déblayer une voiture, on pourrait presque s'y prendre avec notre souffle plutôt qu'avec un balai tant elle est légère.

«C'est une sorte de "poudreuse de champagne". La neige est très légère et très aérienne. Ça donne un ski de poudreuse complètement hallucinant», explique Dave Enright, propriétaire de l'Evergreen Outdoor Center.

L'Evergreen Outdoor Center est l'endroit tout désigné où trouver un instructeur de ski ou un guide de montagne. Amateur de plein air, Dave Enright a tellement été charmé par les montagnes japonaises (et par une Japonaise) qu'il a délaissé les Rocheuses canadiennes pour s'installer à Hakuba. Ce n'est pas peu dire!

Les Alpes japonaises ne sont peut-être pas aussi imposantes que les Alpes françaises, mais c'est quand même une chaîne de montagnes impressionnante, avec force grandeur et beauté. Avec les 10 stations de ski de la région d'Hakuba, tous les skieurs trouvent de quoi s'amuser. Des exemples? Tsugaike Kogen propose plusieurs pistes vertes et une pente peu abrupte tandis que les sentiers cachés de Cortina charment les amateurs de poudreuse lorsqu'il neige.

C'est d'ailleurs à Happo-One (prononcer «hapo-oné») que les épreuves olympiques de montagnes ont eu lieu lors des Jeux de Nagano, en 1998. C'est là que nous avons rencontré Mario Daniel, le chroniqueur plein air pour les stations de radio de Cogeco et pour la chaîne de télévision MétéoMédia, au Québec. Avec un petit groupe de skieurs avertis, il a fait une ascension vers la crête de la montagne, où il a découvert de vastes terrains de neige intacte. Comble de chance, il a même pu apercevoir le mont Fuji, un phénomène assez rare puisque le ciel d'Hakuba est souvent chargé de nuages... et de neige.

«Ç'a vraiment été le temps fort de mon voyage. La météo était de notre côté et les paysages étaient à couper le souffle», raconte M. Daniel.

«Au sommet, il y avait 2 m de neige vierge, contre peut-être 65 cm de neige damée en station. Ç'a été la journée la plus extraordinaire de mon voyage.»

Ce Québécois ne possède peut-être pas la plus grande expérience en ski de randonnée (c'est lui qui le dit!), mais il a quand même skié de grosses montagnes à Whistler, en Utah, au Colorado, à Val d'Isère... Encore fébrile, il n'hésite pas à dire que cette descente dans la poudreuse du Japon est la plus belle expérience de hors-piste de sa vie.

Hakuba contre Niseko

Yoshisawa Hirokazu est né à Hakuba. Dans un anglais au fort accent japonais, il affirme qu'il est rare de voir un ciel bleu et un soleil radieux dans son village. «Les vents glacés de Sibérie soufflent les nuages vers la mer du Japon, où ils accumulent beaucoup d'humidité. Les nuages restent ensuite bloqués dans les montagnes, où ils rejettent toute leur neige», explique-t-il.

En plus d'Hakuba, le Japon compte une seconde destination de ski fort populaire: Niseko. Comme ce village se situe plus au nord, sur l'île de Hokkaido, la saison de ski y commence un peu plus tôt et elle s'y étire un peu plus longtemps. Par contre, c'est plus long et plus cher de s'y rendre à partir de Montréal.

Malgré la situation climatique favorable de Niseko, Yoshisawa préfère son Hakuba natal parce qu'il est «plus authentique», «moins Walt Disney», dit-il. «Niseko a été construit pour accueillir des touristes. On dirait presque que ça fait partie de l'Australie parce qu'on y trouve plus d'Aussies que de Japonais», blague Yoshisawa.

Du ski et du dépaysement

À Hakuba, les skieurs en quête de dépaysement vont assurément se délecter: de la pop japonaise résonne dans les remontées mécaniques, des tiges de bambou percent les bancs de neige en début de saison et des affiches incompréhensibles (ah, c'était pour annoncer des bosses!) apparaissent parfois au milieu des pistes. Mais le détail qui frappe par-dessus tout, c'est le nombre de skieurs, ou plutôt de planchistes. Au Japon, 75 % des amateurs de glisse sont des surfeurs des neiges. C'est une faune pour le moins différente de celle de l'Amérique du Nord!

À l'heure du lunch, l'exploration se poursuit dans les cafétérias. On n'y sert évidemment ni hot-dogs américains ni poutine québécoise. Le porc frit de Nagano, les plats de curry et les soupes à base de nouilles soba sont toujours à l'honneur. Faites la file avec votre plateau et préparez-vous à montrer du doigt le repas qui vous fait saliver. Même en région touristique comme Hakuba, les Japonais sont peu nombreux à parler l'anglais.

Mais ces petites expériences culturelles, c'est tout ce qui fait le charme d'un voyage de ski dans les montagnes de Hakuba.

* Les frais de ce voyage ont été payés par Japan Airlines et par Gendron Ski.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

On doit se compter chanceux quand le ciel est bleu à Hakuba. À quelque chose malheur est bon, car il neige souvent dans cette région du Japon.