En 2005, Michel Jodoin a eu la frousse. Une frousse professionnelle: il venait d'engager deux graphistes pour refaire l'image de sa cidrerie, lui qui était dans une famille de pomiculteurs depuis quatre générations. Les deux jeunes lui ont fait comprendre qu'il ne devait pas faire les choses à moitié. Il les a laissés aller.

«Finalement, ç'a été la meilleure décision que j'ai prise de ma vie», confie aujourd'hui Michel Jodoin. En effet, le studio Champigny Raymond a fait exactement ce qu'il fallait: il a dépoussiéré l'image terroir-nappe-à-carreaux qui habille encore plusieurs produits d'ici. Il a donné au cidre de Michel Jodoin, et à toute la maison, une allure très moderne qui n'est pas sans rappeler celle de certains vignobles avant-gardistes du Nouveau Monde, particulièrement de la Californie.

 

L'effet est immanquable, dès que l'on se pointe le nez à la cidrerie de Rougemont. Des fauteuils confortables accueillent les visiteurs. Sur des murs foncés comme une ardoise de tableau d'école, on raconte des bribes de l'histoire de la cidrerie. La même écriture se retrouve sur les immenses photos de famille. Le comptoir de dégustation est un vrai comptoir de dégustation, chic sans être intimidant. Les boîtes de cidres portant en très gros le nom du proprio sont empilées un peu partout. L'effet visuel est efficace. Michel Jodoin y tenait. Présentement, 45% des ventes se font à la propriété. Ce pourrait être encore plus: le cidriculteur adore recevoir. C'est désormais l'une des facettes qu'il préfère dans son métier.

Michel Jodoin a été l'un des pionniers du cidre au Québec. À la fin des années 80, il s'est lancé dans la transformation de la pomme en se disant que c'était peut-être la meilleure façon de vivre du fruit au Québec. Mais avant de bien en vivre, il y a eu les années de vaches maigres. Au départ, il s'était donné le défi de vendre 100 bouteilles par mois. Après une demi-année en affaires, il en avait vendu 150. Il a ensuite approché des restaurateurs pour faire inscrire son cidre sur la carte des vins. On lui a répondu que le cidre était à peine bon pour déglacer les poêlons.

Aujourd'hui, Michel Jodoin produit annuellement 160 000 bouteilles. Le cidre de glace n'est qu'une toute petite partie de la production. Il fait du cidre plat, du cidre pétillant. Du cidre rosé pour les belles journées d'été et trois spiritueux, son nouveau dada depuis qu'il s'est procuré un véritable alambic. Il s'occupe personnellement de l'affinage du brandy et travaille sur une nouvelle eau-de-vie.

La cidrerie sera de nouveau agrandie au cours des deux prochaines années, pour y ajouter une salle de dégustation privée. Peut-être aussi un comptoir de fromage et de foie gras, pour que les visiteurs - 30 000 par année, se fassent un petit panier et pique-niquent sous les pommiers.

L'idée lui est venue lors d'un voyage en Californie, alors qu'il visitait des producteurs qui misent sur la vente au vignoble. «Les gens qui habitent dans la vallée de Napa n'achètent pas leur vin au dépanneur, dit-il. Ils vont le chercher au vignoble. Il n'y a pas de raison pour que les Québécois ne viennent pas chercher leur cidre ici!»

 

CIDRERIE Michel Jodoin (Descriptions de François Chartier)

Fondation: 1988

Quantité: 10 000 bouteilles de cidre de glace

Méthode: cryoconcentation

Exportation: 2% des cidres. En Australie, où il se trouve sur la carte de certains restaurants; chez quelques cavistes en France, ailleurs au Canada.

Accueil: tous les jours, toute l'année

www.cidrerie-michel-jodoin.qc.ca

1130, Petite-Caroline

Rougemont

450-469-2676

 

Cidrerie Michel Jodoin

Michel Jodoin Cidre de glace 2007

Cidre de glace, Cidrerie Michel Jodoin, Rougemont

21,30$ (375 ml) (10 317 415) ***,$$ MODÉRÉ"

Michel Jodoin se passe pratiquement de présentation tant il a fait pour la reconnaissance des cidres en sol québécois. D'ailleurs, son cidre de glace exprime très bien la quête de qualité que ce producteur de Rougemont s'est donnée. Vous y dénicherez une aubaine des plus classiques, aux notes d'abricot confit et de pomme chaude légèrement caramélisée, passablement riche, à la bouche vive et moelleuse tout en étant vitalisante comme se doit de l'être tout bon cidre de glace. Ceux chez qui le froid hivernal provoque invariablement une envie irrépressible de glucides opteront à table pour un dessert comme un croustillant aux pommes et pacanes, qui sait être au diapason de ce style de cidre de glace.