C'est dans Charlevoix, en 1996, qu'a été créée la première Route des saveurs, incitant de la sorte les autres régions du Québec à créer leur propre circuit agrotouristique. «Mais ce qui fait la particularité de Charlevoix, c'est le lien étroit qui unit les producteurs et chefs cuisiniers de la région», explique Nancy Chabot, agronome et conseillère en développement économique. Les premiers font découvrir aux visiteurs de passage les secrets de la ferme et de la transformation. Et les seconds mettent en valeur les produits des producteurs-transformateurs dans l'assiette.

Qu'elle passe par le fleuve ou la montagne, la Route des saveurs compte plus d'une quarantaine d'arrêts. Et que trouve-t-on le long de cette route? Des élevages de gibier, d'agneaux, d'émeus, de canards, des fromages, des bières, des charcuteries, des chocolats, des cidres, des pains, des poissons fumés... et, bien sûr, d'excellentes tables où déguster tous ces produits.

 

Plusieurs de ces producteurs, Charlevoisiens pure laine, poursuivent ou réinventent la tradition sur la ferme familiale. D'autres, Charlevoisiens d'adoption, développent des productions originales, en accord avec le terroir régional.

Voilà donc une bonne façon de découvrir cette magnifique région située à l'est de Québec. «L'agroalimentaire est en effet devenu un produit d'appel pour notre région», précise Nancy Chabot.

Yves Huppé et sa conjointe Line St-Pierre ont acheté en 2003 la vieille forge du village des Éboulements dans le but de s'installer en permanence dans Charlevoix. Parce qu'eux aussi, lors de leurs vacances, sont carrément tombés amoureux de la région. Occupée par le forgeron Arthur Tremblay jusqu'en 1984, la vieille maison plantée en bordure du chemin a été transformée en atelier de poterie et la maison arrière en chocolaterie. «J'adore le chocolat. Et j'aime en fabriquer, car je fais plaisir aux gens...» affirme Yves Huppé, qui se rend chaque année en Belgique pour parfaire sa formation. Le couple produit une soixantaine de variétés de chocolats : des sans sucre, bio, équitables, avec ganaches alcoolisées et des chocolats en provenance de 21 pays. Ils fabriquent aussi des chocolats à saveur charlevoisienne, en utilisant les produits de la région, tels le piment d'Espelette de la Ferme basque, les cidres des Vergers Pednault de l'île aux Coudres, ainsi que le fameux Migneron de Charlevoix... Durant la saison estivale, les chocolatiers produisent pas moins de 2000 petits chocolats par jour, que s'arrachent les visiteurs de passage.

Une tradition fromagère

La fabrication du fromage dans Charlevoix ne date pas d'aujourd'hui. «Chaque village avait sa petite fromagerie», explique Jean Labbé, copropriétaire de la Laiterie Charlevoix, une entreprise de Baie-Saint-Paul que dirige la quatrième génération de la famille Labbé, depuis 1948. Au départ, l'entreprise se consacrait à la fabrication du cheddar. Aujourd'hui, elle diversifie sa production avec un fromage à pâte molle (le Fleurmier), un cheddar vieilli de cinq ans et un fromage au lait de vache Jersey qui s'apparente au gruyère. Le petit dernier, le 1608, lancé à l'occasion du 60e anniversaire de l'entreprise (et du 400e de Québec), est un fromage fabriqué avec le lait de vaches canadiennes, qui s'inspire de la tradition montagnarde.

«L'élevage de la vache canadienne a été abandonné pendant 50 ans et est pratiquement disparu au pays, explique Jean Labbé. Il n'y a que deux troupeaux dans la région de Charlevoix, mais nous comptons bien développer le cheptel d'ici trois à cinq ans et mettre en place une production laitière fortement liée au terroir de Charlevoix. C'est un renouveau dans l'agriculture de Charlevoix...» La Laiterie Charlevoix est également un économusée, où on peut découvrir l'histoire de cette fromagerie fondée par Stanislas Labbé.

Avec le lait des vaches canadiennes, Éric Marquis et Mélodie Champagne-Desbiens fabriquent des crèmes glacées et sorbets artisanaux. «Je travaille en étroite collaboration avec les producteurs de la région», explique Éric Marquis, qui est cuisinier de formation. Et il aime explorer les idées les plus folles. La preuve? Dans la liste des 25 variétés de crèmes glacées et sorbets que propose l'Armoire à glaces, on trouve une crème glacée au safran et à l'eau de rose, une crème glacée au piment d'Espelette, un sorbet à la citrouille, un sorbet tomates et estragon et le fameux dolce de leche, une crème glacée avec confiture de lait. Les produits d'Éric et de Mélodie se retrouvent évidemment sur les bonnes tables de la région.

À Baie-Saint-Paul, dans la vallée du Gouffre, Maurice Dufour a repris la ferme paternelle pour fonder, en 1994, la Maison d'affinage Maurice Dufour. L'entreprise qui se spécialise dans la fabrication des fromages fins s'est taillé au départ une réputation enviable au Québec avec le lancement, en 1995, du fameux fromage Migneron. Ont suivi Le Ciel de Charlevoix, un bleu très doux au lait de vache, Le Deo Gratias, un fromage de lait de brebis, La Tomme d'Elles, moitié lait de vache et moitié lait de brebis. Et le dernier-né, Le secret de Maurice, un fromage de pur lait de brebis, dont le procédé a été divulgué par un chercheur espagnol. «Il s'agit d'une nouvelle façon de faire du fromage», explique Maurice Dufour, qui semble bien fier de son petit dernier.

Des viandes et des poissons

Damien Girard a lui aussi repris la ferme laitière familiale à Baie-Saint-Paul, pour en faire une ferme d'élevage de porc et de poulet bio. Son entreprise Les viandes biologiques de Charlevoix transforme le porc et le poulet en une quinzaine de produits de charcuterie, allant des pâtés de campagne aux pâtés de foie, en passant par le jambon, saucisson sec, verrines... «Tout est fait ici», explique Damien, agronome de formation, qui dirige l'entreprise avec sa femme Natacha. «C'est un élevage à dimension humaine sur lequel nous gardons le contrôle jusqu'à la fin, sauf pour l'abattage. Les animaux consomment des céréales biologiques et leur fumier est ensuite composté...»

Et les poissons? Daniel Girard, pêcheur commercial de Saint-Irénée, saura vous surprendre avec la longue liste de poissons frais et fumés qu'il propose à son entreprise de Clermont : saumon, esturgeon, anguille, capelan, hareng, sardines... Vers la fin du mois de mai, vous trouverez le pêcheur à Saint-Irénée, en train de faire la capture du capelan dans ses pêches à fascine. «Ce sont les trois dernières pêches à fascine au Québec», dévoile fièrement M. Girard.

Faites donc un détour par la boulangerie artisanale Pains d'exclamation, à La Malbaie. La boulangère Josée Gervais vous ravira avec ses pains au levain fabriqués avec la farine produite au Moulin patrimonial des Éboulements. Josée produit des pains santé, sans gras et sans sucre, à la méthode française, des brioches et viennoiseries, des confitures et des tartes fort originales, telle sa tarte au fromage à la crème et aux pommes...

Des pains, des viandes, des fromages, des poissons... qui garnissent évidemment les bonnes tables de Charlevoix. Et elles sont fort nombreuses dans cette région. Dans la plupart des villages de Charlevoix, des chefs de réputation usent d'audace et de créativité pour concocter des mets qui mettent en valeur tous ces produits régionaux. Charlevoix est également l'hôte d'un établissement membre de la prestigieuse chaîne Relais & Châteaux (La Pinsonnière, située à La Malbaie dans le secteur de Cap-à-l'Aigle).

Mais l'événement gastronomique majeur dans Charlevoix est le Gala des grands chefs, qui se tient annuellement en novembre au Fairmont Le Manoir Richelieu. Il s'agit d'un événement unique destiné au grand public, qui depuis sa création, il y a huit ans, ne cesse de gagner en popularité. Le chef exécutif du Fairmont Le Manoir Richelieu, Jean-Michel Breton, invite d'autres grands chefs québécois à se joindre à ce gala pour offrir aux 300 convives rassemblés dans la grande salle à dîner du Manoir un repas gastronomique de huit services, placé sous le signe de l'innovation et du raffinement. L'an dernier, par exemple, les chefs invités étaient Jean Soulard (Fairmont Le Château Frontenac), Christian Levêque (Intercontinental Montréal) et Marcel Bouchard (Auberge des 21, La Baie). Plus de 2400 assiettes, ce soir-là, sont sorties des cuisines, où s'activait une brigade de 60 cuisiniers. À chaque service, un chef vient présenter son plat, et le sommelier vient y parler de l'accord des vins. Ce Gala des grands chefs est un événement exceptionnel qui prouve hors de tout doute que les tables de Charlevoix n'ont rien à envier aux tables internationales.

Information, Tourisme Charlevoix : 418 665-4454

www.tourisme-charlevoix.com

La Table agrotouristique : 418 435-3673