Trois fois par jour, les Balinais présentent des offrandes aux dieux, en signe de respect ou pour s'attirer leurs faveurs. Ils en offrent aussi aux démons, afin que ceux-ci, comblés, ne soient pas tentés de les importuner.

Faites de feuilles de palmier, de riz et de fleurs colorées, les offrandes destinées aux êtres supérieurs sont de véritables oeuvres d'art. Les jours de fête, des agrumes, voire de la viande, complètent ce présent surmonté d'un bâtonnet d'encens.

Moins fleuries, les offrandes destinées aux démons contiennent du riz, mais aussi des craquelins et parfois... des cigarettes!

Ces petits présents sont produits en quantité industrielle, généralement par les femmes. Or comme un nombre croissant d'entre elles occupent un emploi, on trouve au marché des offrandes «prêtes à offrir». La demande en feuilles de palmier est si grande que l'île, pourtant couvertes de palmiers, doit en importer de Java...

Cette surproduction est malheureusement une grande source de pollution. Sur la plage de Kusamba, petit hameau de pêcheurs de la côte est de l'île, les fleurs fanées et les feuilles de palmier jaunies sont plus nombreuses que les coquillages. Dans les villages, les trottoirs sont jonchés de riz cuit.

11 000 temples

Les temples sont le théâtre de toutes les célébrations. L'île en compte environ 11 000, plus de 200 000 si l'on inclut les sanctuaires domestiques. Il faut donc jouer de malchance pour ne pas en voir au moins un s'animer durant notre séjour...

Qu'ils jouxtent la mer ou de vastes rizières, ces lieux de culte sont presque toujours construits de la même façon. On les repère grâce à leur meru - une tour de bois sculptée et coiffée de trois, cinq, sept, neuf ou 11 toits de chaume, selon l'importance de la divinité auquel le temple est consacré - ainsi qu'à leur candi bentar, un immense portail fendu fait de pierre volcanique ouvragée.

Tous les temples font face au pura Besakih, le «temple mère», juché à quelque 1000 m d'altitude sur le flanc du volcan Agung, le plus haut (3142 m) et le plus sacré de l'île.

Sur les bons conseils de leur agent de voyages, des milliers de touristes empruntent tous les jours les routes abruptes et sinueuses qui mènent au pura Besakih. Plusieurs d'entre eux - et nous en sommes - restent cependant sur leur faim.

Aussi important soit-il aux yeux des Balinais, ce temple, malgré sa superficie de 3 km2, a bien peu à offrir en dehors des jours de cérémonie. D'une part parce que les touristes ne peuvent franchir l'enceinte et, d'autre part, parce que les «faux» guides et les commerçants ambulants y sont franchement désagréables.

Sur quel temple devez-vous jeter votre dévolu? Vous pouvez certes visiter l'un des principaux temples de l'île, dont le pura Tirta Empul (ses eaux investies de pouvoirs spirituels attirent chaque année des milliers de pèlerins), le pura Tanah Lot (érigé sur un îlot accessible seulement à marée basse) ou le pura Luhur Uluwatu (construit au sommet d'un promontoire battu par les vagues). Inutile cependant de tous les inscrire à votre programme; l'exercice pourrait rapidement s'avérer lassant.

Le mieux reste encore d'ouvrir bien grand les yeux et les oreilles afin de trouver un lieu de culte, aussi petit soit-il, où une cérémonie est sur le point de se mettre en branle.

Ainsi, dans vos souvenirs, nous ne verrez pas qu'un candi bentar, mais bien une horde de femmes vêtues d'habits colorés franchissant lentement la porte du temple. Le bale piasan ne sera pas qu'un pavillon destiné aux offrandes - il embaumera bel et bien les fleurs, les fruits et l'encens. Et les percussions de la vingtaine de joueurs de gamelan assis sous le bale gong résonneront encore longtemps dans vos oreilles.

Des villages fig������©s dans le temps

Contrairement aux temples, qui s'animent seulement les jours de fête, les villages balinais grouillent constamment d'activité.

Dans les rues, les chiens et les poules circulent librement. Aboiements et caquètements se mêlent aux rires des enfants. Seuls les coqs destinés aux combats sont gardés dans des cages. Ils font la fierté de leurs propriétaires, qui les engraissent et les bichonnent jalousement - certains vont même jusqu'à les teindre en rose!

Si cette cacophonie peut, à nos oreilles d'Occidentaux, s'apparenter à une certaine forme de chaos, la réalité est tout autre. Les villages balinais sont en fait de véritables modèles d'organisation.

Toujours construits selon un axe mer-montagne, ils s'organisent autour de trois temples - le pura puseh, ou temple des origines (côté montagne), le pura desa, consacré aux divinités protectrices du village (au centre) et le pura dalem, ou temple des morts (côté mer).

Au coeur du village, le wantilan, grand pavillon ouvert, accueille les événements publics. Sous son toit sont présentés des concerts de gamelan - un orchestre de musique traditionnelle principalement composé de métallophones, de gongs et de tambours - , des spectacles de danse ainsi que des combats de coqs.

Les demeures, qui abritent une famille élargie, sont construites derrière de hautes enceintes. Chaque lot comprend plusieurs petits pavillons séparés: un pour la cuisine, un autre pour la lessive et les toilettes, un pour les cérémonies, et un pour chaque chambre. Le sanggah, réservé au culte des ancêtres, occupe généralement un vaste espace.

Étrangement, aucun enclos familial n'abrite de salle à manger, ni même de table suffisamment grande pour accueillir les membres d'une même famille. En dehors des jours de fête, les Balinais mangent seuls, la plupart du temps dans la cour. L'heure des repas est fonction du travail.

Rares sont les affiches «À vendre». C'est que les lots familiaux ne peuvent être vendus. Une fois adultes, les fils demeurent dans l'enclos familial de leurs parents, tandis que les filles s'installent dans celui de leur mari. Faute d'héritier, le lot devient la propriété du village.

Si les petits pavillons de briques recouverts de chaux et les enceintes de pisé nous font remonter le temps, une foule de petits éléments nous rappellent que nous sommes bel et bien au XXIe siècle.

C'est le cas des motos qui, étrangement, circulent sans gêne dans les abruptes ruelles de pierre, ou encore des téléviseurs, que les Balinais préfèrent installer à l'extérieur. C'est sans compter les antennes paraboliques que l'on voit parfois poindre entre les palmiers et les téléphones cellulaires, dont les sonneries semblent provenir d'un autre univers.

Le������§on de botanique en plein air

Aussi impressionnantes soient-elles, les rizières, qui recouvrent 20 % de la superficie de l'île, ne représentent qu'une infime partie de la végétation balinaise. Pour en découvrir la diversité, mieux vaut programmer une excursion.

Les verts sentiers de Munduk, petit village de montagne situé au centre de l'île, font le bonheur des randonneurs. Les guides locaux savent y transformer la plus courte des randonnées en leçon de botanique avancée!

Caféiers, girofliers, jaquiers, bananiers et figuiers bordent les sentiers. Ici, un bosquet de citronnelle. Là, des gousses de vanille dont on remplirait bien notre sac à dos.

Nyoman, notre guide, chiffonne une feuille verte entre ses mains. Un doux parfum sucré s'en dégage. Pas de doute possible, elle provient d'un manguier. Zut! La récolte n'aura lieu qu'en novembre...

Puis il nous tend une goyave pas tout à fait mûre, de même que des baies qu'on prend pour des framboises mais qui ont le goût... des fraises! Et que dire de la pulpe des fèves de cacao, dont le goût rappelle celui des litchis!

Nous nous arrêtons devant un immense poinsettia. Rien à voir avec la petite plante en pot qu'on offre à belle-maman pour le Nouvel An... Nyoman nous explique que ses larges fleurs rouges servent de bornes dans les plantations.

La leçon se poursuit ainsi pendant six heures. Mais nous ne prenons pas de notes; dans les sentiers boueux, le bâton de pèlerin est bien plus utile que le calepin...