Dans un marché des voyages en pleine déprime, l'oenotourisme fait figure d'exception et pourrait s'avérer un remède efficace contre la chute mondiale de la consommation de vin, selon les professionnels réunis à Paris pour un salon du tourisme international.

«Les visites de châteaux dans le vignoble bordelais ont grimpé de 8% depuis le début de l'année», constate Sophie Gaillard, chargée de l'oenotourisme de l'Office de tourisme de Bordeaux qui a dénombré 22.000 amateurs de vin en 2008.Pour la première fois, le salon IFTM Top Resa abrite un «village» consacré à l'oenotourisme (International Wine Travel Market) qui réunit producteurs, exploitants, régions et «routes des vins» ainsi que professionnels du tourisme.

Déguster un grand cru dans les chais du château Lynch Bages, passer la nuit dans les bodegas Salentein dans les environs de Mendoza en Argentine ou parcourir des vignobles à vélo ou à pied font partie du répertoire classique de la filière viticole.

Mais désormais, les touristes demandent plus: «ils ont envie d'être acteurs au lieu de se contenter des traditionnelles visites des caves. On les emmène dans les vendanges, ils font la cueillette et participent au tri», explique Sophie Gaillard. D'autres se convertissent en apprentis oenologues.

Les vignobles en France accueillent chaque année cinq millions de visiteurs français et 2,5 millions de touristes étrangers. Environ 5.000 caves, exploitations, domaines ou châteaux sont ouverts au public pour une surface totale de vignobles de 800.000 hectares.

Décidé à exploiter le filon, Henry Martinet, directeur général du Golf du Médoc Hôtel et Spa près de Bordeaux, propose aux touristes de combiner parcours de golf et dégustation de grands crus dans les châteaux du Médoc.

«L'oenotourisme est en plein essor, la fréquentation de notre hôtel a grimpé de 20% cette année», estime-t-il. Ce week-end, l'hôtel attend un groupe de touristes chinois qui vont s'initier aux vendanges. Dans leur chambre, ils trouveront «un sécateur, une paire de bottes et un panier», raconte-t-il.

Freinée dans ses campagnes de marketing par la loi Evin de 1991 de lutte contre l'alcoolisme, la filière mise sur les visites dans les châteaux pour initier les touristes à la culture du vin et redémarrer des ventes en berne.

«L'oenotourisme est un moyen de faire découvrir le monde du vin et de capter de nouveaux clients», commente Sophie Schÿler Thierry, propriétaire du château Kirwan à Margaux (sud-ouest). La propriété, qui tire 10% de ses recettes de l'oenotourisme, a accueilli cette année «beaucoup de Russes et de Brésiliens».

La France a perdu en 2007 sa première place de pays consommateur de vin au profit de l'Italie, qui a aussi détrôné l'Hexagone comme premier exportateur en volume. Et dans l'oenotourisme aussi, l'Italie monte en puissance.

La région viticole d'Ogliastra en Sardaigne a vu ainsi «depuis deux ans une explosion de la demande de touristes pour l'arrière-saison» (septembre et octobre), relève Tiziana Tirelli, consultante pour l'oenotourisme. Malgré la crise, la fréquentation de la région est en hausse de 8% cette année.

Autre concurrent de la France dans la course aux touristes, l'Espagne a «beaucoup investi dans les bodegas et hôtels, pour promouvoir un produit différent du tourisme de la plage», explique Eduardo Garcia Aguinaga, chargé de la route des vins de la Rioja (nord).

La région, qui compte 250 châteaux ouverts au public, a «senti les effets de la crise, mais moins que le reste du tourisme en Espagne», note M. Aguinaga. Les dépenses ont certes baissé, «mais le nombre de visiteurs est resté stable».