En ce vendredi ensoleillé de juin, Brioude était fébrile.

Dans les rues, sur les places, dans les cafés de cette petite ville de la Haute-Loire, les conversations allaient bon train. Le regard des gens exprimait un mélange de fierté et de fébrilité. Tout autour de la basilique Saint-Julien, des sections de clôtures métalliques, de l'équipement électronique et une nuée de gros projecteurs annonçaient un grand spectacle.

Ce n'est quand même pas tous les jours qu'une basilique inaugure de nouveaux vitraux! Et encore moins, comme ici, des pièces résolument modernes, contemporaines, voire audacieuses, portant la signature du père Kim en Joong.

La ville plastronnait. Avec raison.

Les vitraux du père Kim - c'est comme ça que les gens l'appellent - n'ont rien à voir avec l'image traditionnelle que l'on se fait d'une telle oeuvre. Ils n'empruntent pas à la figuration, encore moins à l'iconographie religieuse. Ils sont comme de gigantesques coups de pinceau éparpillés spontanément sur une toile translucide. Sous la lumière du jour, leurs tons éclatent en coulées de rouges, de verts, de bleus, de jaunes d'un vif hallucinant.

«Je n'aime pas les choses descriptives, a dit le père Kim en entrevue à La Presse après avoir longuement médité, seul, dans la partie avant de la nef. Le rôle de l'art, c'est de nous aider à creuser pour retrouver le chemin du paradis.»

Il voit ainsi ses vitraux comme des guides. «Lorsqu'on entre dans une église, on entre dans la paix, a poursuivi cet artiste d'origine coréenne ordonné prêtre à 34 ans (il en a maintenant 69). C'est comme une libération. Je veux aller dans ce sens.»

À propos du caractère contemporain de son travail, il dit ne pas aller à contre-courant des éléments architecturaux des vieilles églises mais s'y fondre. «Je ne voulais pas insulter cette architecture qui est si belle, a-t-il affirmé en promenant son regard sur les pierres. Je voulais participer à la splendeur divine. Des gens m'ont dit que mes vitraux ont l'air d'être installés depuis très longtemps. C'est le plus beau compliment qu'on puisse me faire.»

Jamais statique

Le père Kim n'en était pas à sa première oeuvre. Ses vitraux contemporains ornent plusieurs édifices religieux en France et des bâtiments - religieux comme laïques - ailleurs en Europe et dans le monde.

Pour les 36 vitraux de la basilique de Brioude, il était assisté du maître verrier Bruno Loire.

L'histoire de cette basilique, qui est la plus grande église romane d'Auvergne, s'étend sur plusieurs siècles. Elle est érigée sur la tombe de Julien, un soldat romain qui, en 304 de notre ère, a été martyrisé et décapité. Dans les décennies et les siècles qui ont suivi, l'endroit est devenu un lieu de pèlerinage et de miracles. Une première église a été érigée. La construction du temple actuel remonte au XIIe siècle. La majorité des éléments sont d'origine.

Par contre, les vitraux du Moyen-Âge ont disparu, «probablement à la Révolution», croit le maire de l'endroit, Jean-Jacques Faucher.

Ce dernier reconnaît que le choix des vitraux du père Kim n'a pas, à l'origine du moins, été unanime. Mais l'idée a fait son chemin. «Cet édifice n'est pas demeuré statique durant 1000 ans, a-t-il dit. Chaque époque a apporté quelque chose.»

L'installation des vitraux constituait la dernière étape d'importants travaux de rénovation réalisés depuis 2004. Estimés à quatre millions d'euros, ils ont permis de restaurer le clocher, les bas-côtés, le porche et les parements du transept. Des fouilles menées en parallèle ont mis au jour des trésors oubliés.