«Allez! Goûte! Goûte!» insiste Vanessa Michy, mon ange gardien d'un après-midi, à l'occasion d'une vadrouille touristique dans Clermont-Ferrand.

Vanessa, qui travaille au comité touristique d'Auvergne, m'a organisé une tournée infernale de trois jours dans cette région méconnue du centre-sud de la France.

Il est 14 h. À peine sortis de table, elle m'entraîne au marché Saint-Pierre et encourage marchands de charcuterie et de fromage à me faire goûter les spécialités locales. Avec un mélange de malice et de culpabilité, j'engouffre des morceaux de saucisson séché au sel sec, de jambonnette de Haute-Loire, de carrés d'Aurillac, de bleu d'Auvergne et de Saint-Nectaire.

Je n'ai plus faim mais pourquoi m'arrêter? Tout est tellement bon!

L'Auvergne, c'est ça. Des saveurs, des odeurs, des couleurs. Et bien plus encore.

Je voulais voir l'Auvergne des volcans, marcher dans ses cratères éteints et verdoyants. On m'en a présenté une autre. J'ai découvert l'Auvergne des églises médiévales et des villages assoupis. J'ai rencontré Vercingétorix et les frères Michelin. J'ai goûté à son cantal, à ses charcuteries et à ses lentilles. J'ai marché dans ses sentiers sauvages et conduit le long de ses champs de coquelicots. J'ai croisé des pèlerins de Compostelle et regardé les brumes se lever sur la Loire. J'en suis revenu ensorcelé.

Clermont-Ferrand: à ne pas négliger

Ville industrielle et pôle universitaire, Clermont-Ferrand est le chef-lieu de l'Auvergne. Soyons honnêtes, ce n'est pas la plus belle ville de France. En fait, une partie de son centre est plutôt anonyme. Mais ce n'est pas une raison pour la négliger. Coquine, elle dévoile ses charmes à qui sait les trouver.

D'abord, l'histoire y occupe une place importante. C'est près d'ici, à Gergovie, que Vercingétorix a battu les armées de César, que le pape Urbain II a, en 1095, prêché la première croisade et que Blaise Pascal a vu le jour. Partout, on découvre des traces de ces éphémérides, que ce soit des médaillons du chef gaulois émaillant le sol d'une place publique, les sculptures, les musées ou même ces chocolats moulés dans la forme de la machine à arithmétique inventée par le célèbre savant.

Côté patrimoine, on visitera la basilique Notre-Dame-de-l'Assomption, que l'on atteint en grimpant la jolie - et très animée - rue du Gras. Construite en plusieurs siècles, ses ornements révèlent l'évolution de l'art gothique.

De là, on marche à travers un dédale de rues anciennes, où les maisons sont plus serrées les unes sur les autres, pour atteindre l'église Notre-Dame-du-Port, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO. Pour la découvrir sous un angle original, on se rend rue Robertus, où un belvédère, ouvert au public de 14h à 17h, donne sur son chevet.

L'histoire de la ville se décline également par ses fontaines. Pour en faire la découverte, une brochure qui propose un «circuit des fontaines» est offerte à l'Office du tourisme, place de la Victoire.

Volvic: la pierre trompeuse

Les mauvaises langues prétendent que la pierre de la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption et de plusieurs immeubles de Clermont-Ferrand est noire en raison des émanations des usines. Faux. Le temple est construit avec de la pierre de Volvic, une pierre volcanique très dure qui, à l'origine, est d'aspect gris-bleu. Mais elle s'oxyde et noircit dès son extraction.

À titre comparatif, il faut visiter l'église Notre-Dame-du-Port située à quelques rues de la cathédrale. Elle est construite avec de l'arkose, un grès beaucoup plus clair.

À Brioude, ville sise à une cinquantaine de kilomètres au sud de Clermont-Ferrand, la basilique Saint-Julien est polychrome. Les pierres de son revêtement extérieur proviennent de différentes carrières et forment un joli damier aux multiples tons.

Montpeyroux sauvé des eaux

La France rurale est d'une séduisante beauté... en partie mise en péril par l'industrialisation. Avec la migration urbaine des dernières décennies, de nombreux bâtiments, véritables trésors architecturaux, ont été abandonnés.

C'est le cas de Montpeyroux, dans le département du Puy-de-Dôme. Dans ce village médiéval fortifié, aujourd'hui inscrit au registre des plus beaux villages de France, une photo datée de 1959 montre plusieurs maisons aux toits défoncés. L'intervention de l'architecte Pérol, originaire de la ville voisine d'Issoire, a permis de lancer un vaste programme de restauration.

Aujourd'hui, Montpeyroux se porte bien. On y trouve deux restos, 21 chambres d'hôte, des artisans trop heureux d'y vivre et, bien sûr, un patrimoine architectural unique. À chaque détour de ses rues pentues et pierreuses, on ne cesse de pousser des oh! et des ah! d'émerveillement devant les vieux bâtiments remis en valeur.

Le clou de la visite réside dans la tour datant de 1212, soit l'époque où l'Auvergne est tombée sous la coupe du roi Philippe Auguste. Toute ronde, ses pierres patinées par le temps, surplombant le village qui est déjà accroché à une colline, elle ajoute à la noblesse des lieux.

À l'intérieur - prix d'entrée: 2,50 euros -, on apprend comment vivaient les soldats chargés de surveiller d'éventuels envahisseurs. Quelques volées de marches - attention, c'est à pic et très étroit - amènent le visiteur tout en haut. Un spectacle à ne pas manquer. D'ici, les plaines des Limagnes, arrosées par l'Allier, s'étalent vers l'horizon où la haute silhouette du Puy-de-Dôme domine un enchaînement de montagnes: les volcans éteints. Juste sous vos yeux, les toits aux tuiles ocres des maisons et les habitants vaquant ici et là à leurs occupations, comme cette vieille femme affairée à cueillir quelques légumes dans son jardin.

L'Auvergne, dans toute sa majesté, est ici.

Fusion municipale, version XVIIe siècle

Jusqu'au XVIIe siècle, Clermont et Montferrand étaient deux villes distinctes qui se toisaient. D'ailleurs, à la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption, la tour de la Bayette était en fait un poste de guet qui permettait aux défenseurs de Clermont de garder un oeil sur Montferrand. Un édit de Louis XIII datant de 1630, et confirmé un siècle plus tard sous Louis XV, a ordonné l'unification des deux villes.

Lavaudieu: pour les amants d'histoire et d'art religieux

Il est midi dans le sud de l'Auvergne. En ce vendredi de la mi-juin, tout est calme dans le village de Lavaudieu. Le silence a la lourdeur des journées de farniente. Le long de la Senouire, les grands arbres peinent à faire un peu d'ombre. L'air est saturé de grains de pollen. Le soleil inonde les parterres, la grande place et la cour du cloître des abbesses.

Ah, le cloître! Le pas des bénédictines ne résonne plus sur les dalles depuis longtemps mais leur recueillement reste omniprésent. Silence, dévotion, mystère, prières sont palpables.

J'ai visité d'autres cloîtres. Plus grands, plus imposants. Mais pas plus émouvants que celui-ci, qui est le seul cloître roman entier en Auvergne.

C'est qu'il a du vécu! Fondé par saint Robert de Turlande, il a été occupé dès 1057. Jusqu'en 1487, il portait le nom de Saint-André-de-Compes mais il a changé de nom pour Valis Dei (Vallée de Dieu) à la demande des occupantes, pour qui Compes ressemblait trop à... con!

Et remarquez son architecture éclatée. Ces colonnes, tellement alourdies par le poids des ans que certaines menacent de s'écrouler. Simples ou doubles, leurs fûts sont tantôt en torsades, tantôt lisses ou en résille. Même constat avec les chapiteaux, jamais pareils.

Allez au réfectoire voir cette grande fresque, inspirée de Byzance, avec cette vierge en majesté qui évoque le Jugement dernier, une rareté. Ou encore ce Christ en croix qui a perdu ses bras mais dont certaines caractéristiques - la raie des cheveux, le regard, le pagne - sont typiques de l'art auvergnat.

L'église, petite, austère, froide, mais à l'acoustique unique, est bourrée de fresques et de détails architecturaux tout aussi intéressants.

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Les frais de ce voyage ont été payés par Tourisme Auvergne et Atout France. Transport assuré par Air Canada.

 

Photo: André Duchesne, La Presse

La forteresse de Polignac, en Haute-Loire.