Vendredi dernier s'est ouvert, à Giverny, le nouveau Musée des impressionnismes, à quelques centaines de mètres à peine de la maison et du célèbre jardin du peintre Claude Monet. Si le musée entend présenter des expositions tournant autour du mouvement impressionniste, sa toute première exposition est naturellement consacrée au Jardin de Monet à Giverny: l'invention d'un paysage, tableaux et photos à l'appui. Ça tombe bien, c'est actuellement le seul endroit à Giverny où admirer de «vrais» tableaux du maître!

Alors que la maison du peintre doit se contenter de reproductions, on peut, depuis hier, voir au Musée des impressionnismes une trentaine de tableaux de Monet, ainsi que de très nombreuses photos d'époque et des lettres (dont sa correspondance avec la pépinière Latour-Marliac, qui vend des nénuphars, les fameux nymphéas, depuis 1875!). La première salle est consacrée à la création du jardin de 1883 à 1904, la seconde, à la période où Monet s'est en quelque sorte enfermé dans son jardin pour le peindre (de 1905 jusqu'à sa mort en 1926 - pas un peintre, hormis lui, n'y pénétrait) et la troisième, aux oeuvres tardives de Monet, à la fin de sa vie.

 

Comme si l'exposition débordait des lieux, on peut voir, par de nombreuses fenêtres, les collines de Giverny puisque le Musée, conçu par Philippe Robert et l'agence Reichen et Robert (à qui on doit notamment la Grande Halle de la Villette) y est littéralement intégré, avec de la lumière naturelle dans toutes les salles. Déjà, avant même d'entrer dans le musée, on peut se promener dans les très jolis jardins, aux couleurs des pièces de la maison de Monet, ou dans une vraie de vraie prairie de coquelicots, à la belle saison.

Jardins? Prairie? Oui, car ce «nouveau» Musée des impressionnismes» a été construit en... 1992. Jusqu'en 2008, il a porté le nom de Musée d'art américain, sous la gouverne de la Terra Foundation for American Art. Terra ayant décidé de s'installer à Paris (la fondation y finance actuellement la très chouette exposition Calder au Centre Beaubourg), toute la Haute-Normandie décide de prendre en charge le musée, avec le soutien de Terra, mais aussi du musée d'Orsay de Paris, LE grand musée français voué à l'impressionnisme.

Musée déjà existant donc, mais désormais doté d'un nouveau nom et surtout d'une nouvelle vocation, explique Marina Ferretti, commissaire de l'exposition Le jardin de Monet à Giverny et conservatrice en chef du musée: «Le défi était de trouver un nom qui annonce le propos central de notre programme: parler de l'impressionnisme. Mais nous ne voulions pas nous laisser enfermer dans des limites chronologiques ou géographiques trop strictes, explique-t-elle. «Les impressionnismes», cela signifie que nous parlerons du pré ou du post-impressionnisme, des conséquences de l'impressionnisme sur la peinture du XXe siècle, de l'impressionnisme en France, dans les différents pays d'Europe, en Amérique et ailleurs...»

La prochaine exposition (du 23 août au 31 octobre) sera d'ailleurs consacrée à la peintre expressionniste américaine Joan Mitchell (1925-1992), qui fut, en passant, la compagne de «notre» Jean-Paul Riopelle.

Mais revenons à la présente exposition, Le jardin de Monet: «Nous avons voulu retracer l'histoire du jardin et montrer à quel point cette création a été importante pour l'évolution de l'art de Monet, car le jardin devient vite l'instrument d'une véritable révolution dans la production de l'artiste, dit Marina Ferretti. C'est la première fois qu'une exposition traite exclusivement du jardin de Giverny et c'était une chance inouïe de pouvoir la présenter à Giverny même, pendant que les jardins de Monet débordent de fleurs. Les oeuvres pourront ainsi être admirées sur le site où elles ont été créées et le visiteur pourra facilement comparer les toiles de l'exposition avec les motifs qui les ont inspirées. Car il y a, derrière cette création du jardin par Claude Monet, une volonté exigeante et tenace, un projet à long terme: l'invention d'un paysage à peindre. Ce fut une entreprise longue et difficile et Monet a dû surmonter beaucoup d'obstacles pour arriver à cette création en trois dimensions.»

Car c'est bel et bien de cela qu'il s'agit: de l'invention pure et simple d'un motif par un peintre, qui en fera le coeur de sa création. L'enthousiasme de la jeune conservatrice pour la nouvelle exposition est contagieux. «Ce qui me fait particulièrement plaisir, conclut-elle, c'est d'avoir pu réunir un ensemble significatif d'oeuvres (dont certaines rarement exposées), qui permet de retracer l'histoire de ce qui s'est passé pour Monet à Giverny. Il y a les premières interprétations peintes du jardin, d'obédience impressionniste. Puis, progressivement, on voit l'artiste s'éloigner de l'impressionnisme et se diriger vers une interprétation moins objective, plus libre et plus lyrique. Son art se fait plus large, plus gestuel... Monet devient alors un des plus grands peintres du XXe siècle. Ses dernières oeuvres ne sont pas mieux comprises de son vivant que ne l'avaient été les premiers tableaux impressionnistes. Mais, plus tard, elles bouleverseront les jeunes représentants de l'abstraction lyrique!»

Exposition Le jardin de Monet à Giverny: l'invention d'un paysage, présentée au Musée des impressionnismes à Giverny jusqu'au 15 août 2009.

www.museedesimpressionnismesgiverny.com

Les frais de ce voyage ont été payés par Maison de la France.