C'est jour de turbulences pour les campeurs de la ville. Il n'y a pas d'eau ni d'électricité au parc national du Mont-Tremblant à cause des orages de la veille. Les vacanciers en roulotte n'ont pas le droit de démarrer leur génératrice sur la réserve faunique. Et ceux qui ont des glacières électriques doivent refroidir leur nourriture à renfort de sacs de glace.

Au poste de service Monroe, le personnel distribue des bouteilles d'eau. On explique qu'il y a des toilettes sèches. En attendant, on peut toujours avoir de l'eau en plus gros volume, mais elle n'est pas potable. Il faut donc la faire bouillir.

Au camping l'Ours, quelques kilomètres plus loin, les enfants dévalent le sentier à vélo. Ça parle fort sur les terrains. Une mère dit à son fiston de se calmer, une autre prévient qu'un jouet sera confisqué. Pendant ce temps, un père bûche du bois pour le feu.

Frédéric, un garde-parc, se pointe en début de soirée. «On a du courant», lance-t-il tout sourire, l'air soulagé. Les douches seront bientôt fonctionnelles. Il explique que le personnel a eu une journée exténuante. «Plusieurs campeurs proviennent de Montréal et veulent camper en nature, mais avec le confort de la ville, dit-il. C'est bizarre quand on y pense. Certains ont même réclamé des remboursements.»

Le camping l'Ours est situé dans le secteur de la rivière de la Diable, l'un des plus animés du parc national. Il accueille surtout les campeurs sous la tente. Mais il y a près de 1000 terrains pour camper à Mont-Tremblant. La réserve a une superficie imposante de 1510 kilomètres carrés. Les amateurs de camping sauvage trouvent donc leur compte plus au centre, aux campings du lac Escalier ou du lac des Sables, autant que ceux qui aiment le luxe en nature: chalet, tente huttopia ou yourte.

L'électricité rétablie, les enfants ont tôt fait d'aller se coucher. Un canard fait aller son bec dans l'immensité. La nuit est fraîche malgré la chaleur torride du jour. Au petit matin, les campeurs sortent de leur tanière. On se frotte les yeux. On cherche le réchaud, le café, le pain, la pâte dentifrice aussi. Une fillette, encore en pyjama, se demande où est sa balle de ping-pong. Le camping reprend vie.

Sophie Dion a rempli sa glacière de biscuits, d'eau et de jus. Elle a vérifié les canots. La garde-parc naturaliste attend ses campeurs sur la rive de la Diable. Francis et sa fille de 11 ans, Judith, font la randonnée pour la troisième fois. «Ça nous calme, dit le père de Montréal. Chaque fois qu'on vient dans le secteur, on a le goût de refaire le parcours.»

On n'a presque pas besoin de ramer. Le courant descend doucement la rivière en forme de serpent. La nature est généreuse. Une sorte de libellule, la «fée», vole à la surface de l'eau. On croise des cerfs, deux mâles, ce qui est plutôt rare. Il y a une hutte à castors. Des canards en abondance. Des oiseaux. À l'heure du lunch, on prend une pause sur une plage sauvage. Il y a une trentaine de mammifères dans le parc, explique Sophie Dion à l'aide de cartes et d'images. Le loup en est l'emblème. Il a tout l'espace nécessaire pour chasser ici, c'est un habitacle idéal pour lui.

On arrive à des escarpements en roc. Il y a la montagne de la Vache noire. Des jeunes s'initient à l'alpinisme. C'est haut. On croise ensuite des kayakistes. Ils disent qu'il n'y a presque plus d'eau aux chutes Croches. Après une demi-journée sur l'eau, on est à cent mille lieues de Montréal et du tourbillon de la ville. L'endroit n'est pourtant qu'à une heure trente de route. Pas de doute, le parc du Mont-Tremblant est un caméléon, sachant se colorer selon les caprices de la nature et de ses campeurs citadins.