Pour arriver à Trieste, il faut longer les falaises blanches du Karst, le massif calcaire qui borne la frontière que l'Italie partage avec la Slovénie. Chaque détour de la route ménage de superbes points de vue sur des baies de l'Adriatique, jusqu'à la presqu'île rocheuse où se dresse le château de Miramar, qui marque l'entrée de la ville.

C'est Maximilien, archiduc d'Autriche, qui a fait construire cette villa princière en 1860 pour son épouse, Charlotte de Belgique, dont il était follement amoureux. Peu de temps après, il allait devenir brièvement «empereur du Mexique», et finir fusillé par les républicains de Benito Juarez. Terrassée par le chagrin, Charlotte s'est réfugiée à Miramar, où elle s'est laissé gagner par la folie. Une belle histoire triste pour un beau château, dont toutes les pièces bénéficient d'une vue sur la mer, et pour un parc, plus beau encore, qui ne dégage aucune impression de tristesse, lorsqu'on s'y promène entre les statues, les grands arbres et les massifs de fleurs.

Le château est relié au centre de la ville par un long boulevard littoral, dont les Triestins réquisitionnent le trottoir côté mer pour y disposer chaises de plage et serviettes. Il n'y a pas de plage, à Trieste, alors les habitants viennent prendre le soleil sur ce boulevard d'où ils n'ont que quelques mètres à descendre à travers les rochers pour se tremper dans la mer.

Agglomération d'importance moyenne, avec ses 210 000 habitants, Trieste ne ressemble à aucune autre ville italienne. On n'y trouve aucun bâtiment Renaissance. On le constate sur l'immense place principale - la piazza dell'Unita d'Italia - bordée de palais de la fin du XIXe siècle, dont les façades néo-classiques mâtinées d'éléments baroques ne dépareraient pas dans une grande ville d'Autriche. C'est que la ville n'a été rattachée à l'Italie qu'en 1919. Pendant cinq siècles, elle a été occupée par les Autrichiens pour qui elle constituait le seul débouché sur la mer. Aujourd'hui encore, c'est le plus grand port de l'Adriatique, avec 12 km de quais qui vont buter sur la frontière de la Slovénie.

La vieille ville est accrochée aux flancs d'une colline surmontée d'une cathédrale qui, restaurée et agrandie au fil des siècles, imbrique les styles byzantin et gothique. Dans la ville basse, il faut se promener dans les venelles étroites de l'ancien ghetto juif, aujourd'hui colonisé par les antiquaires, puis, en revenant vers la place principale, entrer dans un des cafés historiques de la ville aux superbes intérieurs tarabiscotés: le Tomaso, le café littéraire San Marco, près de la synagogue, et le café degli Specchi (des miroirs) sur la place principale.

Comme à Vienne, les cafés sont, ici, des hauts lieux de la vie sociale. On vient y lire le journal, écrire et refaire le monde. Lorsque le temps le permet - c'est-à-dire neuf mois par année -, il faut s'attabler à une des terrasses aménagées au bord du canal Grande, un charmant canal bordé de palais, qui fait davantage penser à Saint-Pétersbourg qu'à Venise. Sur le petit pont qui enjambe le canal, la statue d'un petit homme coiffé d'un feutre mou rappelle que James Joyce y a vécu de 1908 à 1914 et que c'est ici qu'il a écrit Finnegans Wake.



Udine

Si Trieste est la plus grande ville du Frioul, c'est Udine, petite cité de 100 000 habitants située à une heure de route au nord, qui fait office de capitale régionale. Le nom des rues y est signalé en italien et en frioulan, une langue proche du dialecte vénitien.

C'est qu'Udine a passé près de quatre siècles sous la domination de la république de Venise qui y a laissé des traces, notamment sur la piazza della Liberta, où la magnifique loggia des Lions et la tour de l'horloge sont des édifices de style gothique vénitien. Un peu plus loin, la piazza Matteotti, où se tient le marché, est bordée de terrasses où les habitants se rassemblent à l'heure de l'apéritif. Dans les rues commerçantes, les trottoirs sont abrités par des arcades.

Des stations balnéaires courues

Si Trieste et Udine n'attirent pas autant de touristes que les villes d'art du nord de l'Italie comme Padoue, Vérone, Parme et tant d'autres, ce n'est pas le cas des stations balnéaires aménagées dans les îles et presqu'îles qui, de Venise à Trieste, forment un rempart entre la mer et le continent. Chaque été, des milliers d'Autrichiens, d'Allemands, de Français et d'Italiens affluent à Lignano Sabbiadoro ou à Grado pour restaurer leur bronzage sur les longues plages de sable léchées par l'Adriatique.

En bord de mer, Grado ressemble à n'importe quelle grande station balnéaire européenne, avec sa promenade bordée de boutiques et de restaurants. Mais la petite ville cumule 1500 ans d'histoire. Au Ve siècle, lorsque les Huns d'Attila ont détruit Aquilée, quatrième ville en importance de l'empire romain, les habitants se sont réfugiés dans les îles de la lagune et ont fondé Grado, qui est devenu un centre religieux et commercial important pendant quelques siècles. La cathédrale Santa Eufemia, qui se dresse au centre de la vieille ville, exhibe encore quelques traces de cette période byzantine: pavement de mosaïques et chapiteaux byzantins.

Le vieux Grado déploie ses charmantes venelles bordées de restaurants et de boutiques le long d'un petit port de pêche. L'été, la population (9000 habitants) quintuple, et la clientèle estivante est surtout composée de familles, car les hôteliers de Grado (comme ceux de Lignano Sabbiadoro, la station balnéaire voisine) se sont regroupés pour créer un produit familial: plusieurs cabines à langer sont offertes sur la plage et les hôtels participants assurent à leurs clients un service gratuit de baby parks (lire «garderies»!) et de miniclubs où les enfants de 2 à 7 ans sont encadrés par des moniteurs. Grado et Lignano sont d'excellents points de chute pour qui veut visiter la région et en déborder quelque peu, puisque Trieste et Udine ne sont qu'à 50 minutes et que Venise est à moins de deux heures de route.

Les frais de ce voyage ont été payés par Vacances Préférence.

Photo: André Désiront, collaboration spéciale

La tour de l'horloge à la piazza della Liberta à Udine.