En hiver, la section touristique de Virginia Beach prend des allures de station balnéaire abandonnée. Pourtant, la destination accueille 60 % de ses visiteurs entre septembre et mai. C'est que les activités proposées aux touristes ne manquent pas et que, en retrait de l'enfilade d'hôtels qui bordent la plage, il y a plusieurs parcs nationaux et une grande ville plus raffinée qu'on ne s'y attendrait.

Jour 1

7 h : À bord de l'Armada

 

Le jour se levait à peine lorsque nous avons embarqué sur l'Armada, un yacht de 17 m, amarré à la marina de Virginia Beach. Dix minutes plus tard, nous franchissions le goulet d'entrée de la marina et le capitaine a lancé les moteurs. Deux gerbes écumantes ont jailli de chaque côté de la coque pendant que le bateau fendait brutalement la houle. Aucun nuage ne ternissait le bleu céruléen du ciel, mais la température frôlait le point de congélation.

Après une tentative infructueuse, le capitaine a mis le cap vers le sud, où un confrère lui a signalé par radio qu'il surfait sur un banc de bars rayés. Le site en question était survolé par des milliers d'oiseaux marins - fous de Bassan, goélands, mouettes.

À peine avons-nous pénétré sous le nuage d'oiseaux que les lignes ont commencé à se dérouler l'une après l'autre. En moulinant, pendant que les poissons se débattaient vigoureusement sous la surface plombée de la mer, nous avons oublié le froid. Nous étions cinq passagers dans le bateau et chacun avait droit à deux prises. Moins d'une demi-heure après notre arrivée sur le site, une dizaine de bars, dont la taille variait de 90 à 120 cm, emplissait le caisson réservé aux prises. Le plus gros pesait 19 kg. On était loin du record de 33 kg proclamé par des panneaux à la marina de Virginia Beach!

12 h : Chez Waterman's

Situé sur le Boardwalk, la promenade du front de mer, Waterman's a la réputation d'être un des meilleurs restaurants de poisson de Virginia Beach. Bien sûr, la serveuse recommandait le «rockfish», le terme familier que les gens du cru emploient pour désigner le bar rayé («striped bass»).

Plusieurs restaurants de Virginia Beach font mentir l'idée bien ancrée qu'on mange mal aux États-Unis. Et, en janvier, le bar rayé figure inévitablement comme «prise du jour» sur tous les menus. De la mi-décembre à la fin février, il remonte le Gulf Stream pour venir se poster à l'entrée de l'immense baie de Chesapeake, où il n'a qu'à ouvrir la gueule pour gober les plus petits poissons que le froid incite à migrer vers le sud.

À Virginia Beach, qui est située au sud de l'embouchure, 200 bateaux de pêche proposent leurs services aux touristes venus taquiner le bar. La plupart embarquent un maximum de six personnes et facturent au groupe 800$ (plus le pourboire de 20 % recommandé) pour une demi-journée en mer. Personne ne rentre bredouille.

15 h : Dans le parc national de False Cape

Malgré ses 5 km, la plage de Virginia Beach ne constitue qu'une petite portion de la langue de sable qui s'étend à perte de vue entre l'embouchure de la baie de Chesapeake et la frontière de la Caroline-du-Nord. Cet après-midi, je suis allé marcher longuement sur la plage du Refuge faunique national de Back Bay, qui s'étend au sud de la station balnéaire. Je n'ai croisé que des oiseaux marins, une grande aigrette et un crabe. Back Bay est un des 450 refuges fauniques créés par le gouvernement fédéral le long des côtes américaines. L'idée étant, naturellement, d'endiguer l'urbanisation pour que la vie marine et animale puisse continuer son cours au bord des deux océans qui corsettent les États-Unis. Le refuge, qui s'étend sur 3600 hectares, est prolongé jusqu'à la frontière de la Caroline-du-Nord par un parc géré par l'État de la Virginie: le False Cape State Parc, auquel les randonneurs ne peuvent accéder qu'en traversant le parc national voisin en vélo ou à pied.

Jour 2

9 h : Sur le Boardwalk

En été, la longue bande d'asphalte qui longe la plage de Virginia Beach est noire de monde. En ce mois de janvier, on n'y croise que quelques joggeurs et quelques retraités qui promènent leurs chiens. Il est vrai que la vague de froid qui frappe l'est du continent sévit ici aussi. La température, qui normalement devrait osciller entre 10 et 15, frôle le point de congélation. Le SpringHill Suites, où je loge, a l'air à moitié vide. Pourtant, un responsable de l'office de tourisme m'a certifié que 60 % des villégiateurs séjournaient dans la station de septembre à mai. Ils y viennent pour la pêche sportive, pour «l'observation de baleines», le golf (11 terrains de 18 trous sur le territoire de la ville et huit dans les environs immédiats) et pour les activités de plein air (la ville est littéralement cernée par plusieurs parcs nationaux).

11 h : Le First Landing National Park

Parlant de parcs nationaux, les dunes qui s'étendent au nord de la station balnéaire ont également été annexées par l'État. C'est sur la pointe qui marque l'entrée de la baie de Chesapeake, le cap Henry, que trois navires affrétés par la Compagnie de Virginie ont débarqué 140 colons britanniques en 1606. Quelques mois plus tard, ils allaient remonter la James River, qui se jette dans la baie, et fonder la première ville en Amérique du Nord (le Mexique mis à part), Jamestown, qui aurait célébré son 400e un an avant Québec si, au XVIIIe siècle, ses habitants ne l'avaient pas abandonnée au profit de Williamsburg. De la promenade de bois construite dans les dunes, on aperçoit le pont de 5 km qui enjambe la baie.

15 h : Un plouc au centre-ville

Je passe l'après-midi au centre-ville, à 15 minutes de route de la zone balnéaire. Là, à l'ombre de deux gratte-ciels, les hommes cravatés et les femmes en tailleur, qui déambulent sur les trottoirs bordés de boutiques et de restaurants, rappellent que Virginia Beach n'est pas seulement une station balnéaire. C'est, avec plus d'un demi-million d'habitants, la plus grande ville de l'État de Virginie et le coeur de l'agglomération urbaine de 1,3 million d'habitants qu'elle forme avec Norfolk et Hampton. Une ville prospère, comme en témoigne le rutilant Sandler Center For the Performing Arts, tout de verre et d'aluminium, qui est le point d'attache du Virginia Symphony Orchestra et du Virginia International Ballet! À la nuit tombante, j'entre au Sonoma Wine Bar and Bistro, un établissement manifestement branché où, avec mon pantalon cargo et ma dégaine de touriste, je joue le rôle du plouc égaré au sein d'une assemblée de gens habillés tendance, qui sortent des bureaux du quartier.