Il y a 15 ans cette année qu'a été inaugurée la Véloroute des bleuets qui fait le tour du lac Saint-Jean. La popularité du circuit long de 256 km ne se dément pas et chaque portion de la route apporte son lot de surprises, de paysages. Un reportage de Marie-Eve Morasse et David Boily.

La beauté sauvage de la Pointe-Taillon

Parc national de la Pointe-Taillon - S'il est un lieu enclavé, niché à l'abri des voitures, c'est bien le parc national de la Pointe-Taillon. Même les campeurs qui y séjournent doivent laisser leur voiture à l'entrée, puis se rendre à pied ou à vélo à leur site de camping.

Les cyclistes qui font le tour du lac en ont pour 16 km à rouler dans la fraîcheur de la presqu'île. C'est la seule portion de la piste cyclable à n'être pas asphaltée, mais tous les vélos rouleront sans problème sur la poussière de pierre.

Des kilomètres en vélo, le garde-parc Régis Tremblay en a avalé des milliers. Il se décrit comme un cycliste invétéré, qui a dû faire le tour du lac « des centaines de fois ».

Garde-parc à Pointe-Taillon depuis six ans, il se passionne autant pour le vélo que pour la faune et la flore. Il raconte avoir vu une mère renarde et ses bébés quelques jours avant notre passage, le soir. « C'est rare », dit-il.

C'était notre jour de chance. Comme par magie, les petites bêtes sont réapparues, en plein jour cette fois, avant de disparaître en vitesse dans la forêt. « C'est comme ça dans le parc. Tu vois quelque chose, l'autre passe 15 secondes après toi et il ne voit rien. » Il en va ainsi des orignaux comme des porcs-épics ou des loups. Seuls les moustiques ne se laissent pas désirer.

Traverser Pointe-Taillon n'est pas bien long, pourtant les paysages sont multiples. On longe d'abord le lac, les plages et les campings qui le bordent, puis on bifurque vers le village de Sainte-Monique. En s'y rendant, on traverse le delta, une zone où autrefois la mer Laflamme régnait en maître.

La végétation passe de la tourbière à la forêt de bouleaux en peu de temps. Les lieux sont enchantés, on s'attendrait à voir surgir tantôt un lutin, plus tard un dinosaure.

Le garde-parc Régis Tremblay rigole à l'évocation de son parc qu'il n'avait jamais imaginé jurassique. « C'est ça, oui, on dirait qu'on va voir sortir un dino... »

Ce jour-là, le dinosaure ne s'est pas montré. Nous sommes passés 15 secondes trop tard, peut-être.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le garde-parc Régis Tremblay se décrit comme un cycliste invétéré, qui a dû faire le tour du lac «des centaines de fois».

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La tourbière offre des paysages presque sortis d'un autre monde.

La vie au bord du lac

Alma - Pour obtenir une réponse quasi unanime au Lac-Saint-Jean, demandez à quelques personnes de la région quelle est, à leur avis, la plus belle portion de la Véloroute des bleuets. La réponse surgit toujours comme une évidence et les noms de villes défilent, de Saint-Gédéon à Desbiens, parfois jusqu'à Roberval.

Il est vrai qu'elle est belle, cette section, qui longe une voie ferrée. On y roule le plus souvent sur une piste asphaltée, bien à l'écart de la route et des voitures. Les paysages défilent : parfois ce sont des terrains de camping qu'on côtoie, plus tard on traverse le tranquille village de Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, où des gens se bercent doucement sur leur balcon. Il y a de la vie qui entoure les cyclistes, et il y a beaucoup de vie sur la piste elle-même.

La vraie vedette de cette portion, c'est le lac Saint-Jean. C'est lui qui attire les regards quand il se déploie derrière les champs, grand comme une mer intérieure. Pas facile de regarder droit devant quand le paysage autour est si majestueux.

C'est également le lac qui offre un rafraîchissement bienvenu aux cyclistes. À Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, la plage publique Le Rigolet est toute désignée pour s'arrêter le temps d'une saucette ou d'un pique-nique. Une petite aire de jeux attend les enfants, les plus grands pourront arrêter prendre une bière fraîche au restaurant de la plage.

Puis on repart. Au milieu des cyclistes, des poussettes, des patins à roues alignées, des enfants qui pédalent lentement. Ici la piste est non seulement cyclable, elle est sociable.

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La piste cyclable traverse le village à Métabetchouan. 

Pédaler entre champs et granges

Il pleuvait et le fort vent n'avait pas lâché depuis le matin quand quatre irréductibles cyclistes sont apparues le long de la route, seules dans le paysage agricole.

Claudette, Marjolaine, Hélène et Lucille en étaient à leur deuxième journée d'un périple de cyclotourisme qui devait en prendre quatre. Et elles étaient trempées.

« Hier, à la pluie battante, on se disait que ça ne pouvait pas être pire. Mais c'est pire aujourd'hui, à cause du vent », se désolait Claudette Laliberté, souriante malgré la température maussade.

« Avec le vent, on a le temps d'admirer le paysage », a renchéri à la blague une de ses collègues. Leurs jambes devaient souffrir, mais le moral des éducatrices en garderie de Québec était bon ; elles se réjouissaient d'avoir réussi à obtenir des vacances toutes les quatre en même temps cette année.

La portion où elles pédalaient est celle qui s'éloigne le plus du lac Saint-Jean, le contournant par le nord. Ce n'est pas celle qu'on recommande d'emblée à ceux qui ne veulent faire que quelques kilomètres sur la Véloroute, surtout qu'ici, on partage souvent le chemin avec les voitures.

Le paysage n'en est pas moins intéressant. Ce sont des champs et des fermes, des granges, du vert et du ciel à perte de vue. Trois vaches qui regardent tranquillement les cyclistes passer, le petit village d'Albanel posé entre deux champs. Pour les cyclistes, à l'écart des touristes qui viennent dans la région pour le zoo et les plages, c'est aussi, souvent, la tranquillité.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Un cycliste brave le mauvais temps sur la Véloroute qui longe le 4e rang à Normandin.

Bien préparer son tour du lac

C'est au tournant de l'an 2000 que la Véloroute des bleuets, dont on parlait déjà dans les années 80, a été officiellement inaugurée. Depuis, bien des cyclistes se sont prêtés à l'exercice de faire le tour du lac. Quelques trucs à savoir avant de se lancer.

Penser au vélo

C'est l'évidence même : pour faire une portion ou le tour entier du lac à vélo, il faut en avoir un ! Si on emporte le sien, pas de problème. Sinon, sachez que les lieux où on peut louer des vélos se font rares autour du lac, malgré la réputation cycliste des lieux. Quelques entreprises se proposent d'organiser votre tour en entier, hébergement et transport de bagages inclus, mais si vous souhaitez le faire de manière autonome, un service de transport de bagages est offert.

veloroute-bleuets.qc.ca

Planifier son hébergement

En période estivale, on ne fait pas le tour du lac Saint-Jean sur un coup de tête. « Il y a de plus en plus de monde, dit Maxime Harvey, copropriétaire d'Équinox Aventure, qui offre des tours sur mesure pour les cyclistes. Il y a des gens qui nous disent qu'ils voudraient partir le matin même ! » Il arrive que ce soit possible, mais le choix d'hébergement devient alors beaucoup plus limité.

Savoir à quoi s'attendre

Prenez des notes : c'est 256 km bien comptés qu'il faut pédaler pour compléter le tour. « Si on ne fait jamais de vélo l'été et qu'on veut se taper le tour, il faut être un peu préparé », prévient Maxime Harvey, d'Équinox Aventure. Il précise tout de même que peu de cyclistes entreprennent de faire le tour en une journée. La plupart de ses clients prennent leur temps et le font en cinq jours.

Dans quel sens faire le tour ?

« On suggère de le faire dans le sens antihoraire. De cette façon, même s'il n'y a pas beaucoup de côtes sur la Véloroute, elles sont moins ardues. C'est également une question de vent », explique Pascale Ledoux, gestionnaire de la coopérative O'Soleil, où on peut notamment louer des vélos.

equinoxaventure.ca

osoleil.ca