Aux confins du Nunavik et du Labrador, trône le plus haut sommet du Québec, le mont D'Iberville et ses 1646 mètres d'altitude. Couverts de neige la majeure partie de l'année, ses flancs escarpés sont vertigineux et son ascension représente un véritable défi, même pour les alpinistes aguerris.

Cher, le nord!

Le mont D'Iberville est peu accessible non seulement parce qu'il est éloigné, mais aussi parce qu'il est très coûteux de s'y rendre.

Mon expédition de neuf jours a coûté environ 8000$. Par comparaison, un trek guidé de trois semaines au Népal peut coûter autour de 6000$, également au départ de Montréal.

Les voyageurs sportifs peuvent donc être portés de se rendre plutôt de l'autre côté de la planète. Le prix du voyage au parc Kuururjuaq s'explique surtout par le coût du transport: au moins 2300$ pour se rendre à Kuujjuaq, puis plus de 1400$ pour une place à bord d'un vol nolisé vers le parc. Il faut compter les frais d'accès au parc et les frais de camping, même si les services sont inexistants. Il faut également tenir compte de coûts additionnels, comme le garde-ours.

Il n'est pas possible pour un visiteur de pénétrer dans un parc québécois avec une arme à feu. Les Inuits ont ce droit dans les parcs nordiques. Si on veut se protéger contre les éventuels ours polaires, il faut avoir recours à eux.

Le même problème se pose pour les parcs du Grand Nord canadien, mais Parcs Canada a entrepris une consultation sur la possibilité de permettre aux responsables d'expéditions de porter une arme dans les parcs où il y a des ours polaires.

Le voyage d'escalade du mont D'Iberville est organisé par Attitude Montagne, mais Parcs Nunavik (l'équivalent de la SEPAQ) offre divers forfaits dans le parc Kuururjuaq, soit des treks d'une semaine, qui permettent de se rendre tout près du sommet du mont D'Iberville, et des descentes d'une semaine en canot sur la rivière Koroc pour rejoindre Kangiqsualujjuaq. L'idéal est de combiner le trek et la descente en canot. C'est cher, mais c'est certainement hors des sentiers battus.

Satanés cônes orange

Il y a parfois des ours polaires qui font la traversée des monts Torngat, entre la baie d'Ungava et la mer du Labrador.

C'est un visiteur qu'il est préférable d'éviter.

Ned, notre garde-ours inuit attitré, voit des traces d'ours polaire pas très loin du camp de base, mais elles ne semblent pas très fraîches. Ouf. Par contre, nous avons la visite fréquente d'un autre type d'ursidés, l'ours noir. J'ignorais totalement qu'on en trouvait aussi au nord. Eh oui, ils sont là. De temps en temps, l'un d'eux apparaît à 100 m du camp, curieux. Lorsqu'il s'approche trop, Ned tire un coup de feu pour lui faire peur. Et ça fonctionne. Après un jour de ce régime, Ned n'a qu'à sortir de sa tente pour que l'ours trop curieux prenne ses jambes à son cou. Nous nous habituons à leur présence et nous nous amusons à observer leur comportement, comme ce Baloo qui se frotte l'arrière-train sur un gros rocher. Près de la piste d'atterrissage, je vois un ours qui se dirige vers l'un des deux cônes orange qui marquent le début de la piste. Il le saisit avec sa gueule, s'assoit, le mordille, le secoue. Il se retrouve même sur le dos, les quatre pattes en l'air, pour essayer de lui faire un mauvais parti. C'est hilarant: notre féroce ours noir ressemble à un chat qui joue avec une souris de caoutchouc. Je songe à tous ces automobilistes montréalais qui détestent avec passion les cônes orange et qui rêvent de les démolir de cette façon.

Tragédie

L'histoire de l'ascension du mont D'Iberville n'est pas bien longue.

La première ascension aurait eu lieu en 1973, du fait de deux Américains. Une poignée de personnes seulement atteignent le sommet chaque année. Mais déjà, cette histoire est marquée par la tragédie. En août 2003, deux jeunes Ontariens, Susan Barnes et Dan Pauzé, périssent à la descente.

Que s'est-il passé exactement?

Pas facile de le savoir. Le temps était exécrable. Dan se serait blessé en faisant une chute, Susan serait partie chercher du secours avant de tomber à son tour. Ce n'est qu'une année plus tard que leurs corps ont été retrouvés. D'Iberville est une montagne qui ne pardonne pas.

Photo Marie Tison, La Presse