La frontière entre rustique et vieux est parfois floue et rester du bon côté est un art souvent difficile à maîtriser. Sur ce fil fragile, le Manoir Hovey perd parfois l'équilibre.

L'auguste Manoir Hovey est une institution dans le monde de l'hôtellerie au Québec. La grande auberge des Cantons-de-l'Est a plus de 100 ans et il était bien temps qu'elle reçoive un petit coup de jeune lorsqu'elle a été partiellement rénovée, il y a quelques années. Parmi les espaces qui ont eu droit à une cure de jeunesse, les suites, ces petits chalets indépendants situés à côté du bâtiment principal.

Ils sont charmants, ces chalets de bois, avec leur look camp de vacances rustique et leur véranda à moustiquaire. Mais le côté rustique s'arrête là. La suite Montcalm, comme les autres, apparemment, est chic et moderne, ultraconfortable. Elle offre une vue dégagée et absolument magnifique sur le lac, que l'on peut apprécier du grand balcon privé ou même du lit, étant donné qu'il n'y a pas de chemin face à la chambre.

C'est un endroit super intime, parfait pour un séjour de repos: la salle de bains est très spacieuse, avec douche et grand bain à part; le petit poêle au gaz dans le coin de la chambre était idéal pour les soirées fraîches du début du printemps. Ambiance digne des meilleurs établissements et grand confort dans une facture qui n'est pas sans rappeler celle des chics pavillons (lodges) de la Nouvelle-Angleterre.

Jolie facture, dans tous les sens du terme, car une nuit dans la suite Montcalm n'est pas donnée. C'est pour cela qu'il faut être rusé et réserver au bon moment: à la vente du Vendredi fou, l'automne dernier, on offrait toutes les suites à la moitié du tarif habituel. Ne restait qu'à choisir une date en dehors des périodes de pointe. 

Parmi les nombreux charmes du Manoir Hovey se trouve incontestablement le pub, qui a conservé l'esprit country club à grands coups d'objets canadiens typiques: canot au plafond, raquettes sur les murs, vieilles affiches datant des débuts de l'hôtel. En fin de journée, avec le soleil qui se couche et le lac calme comme sur un tableau, c'est un endroit magique pour prendre un verre. Complètement hors du temps. 

Cuisine maîtrisée... pour le souper

L'autre grand attrait du Manoir Hovey est évidemment sa table. La cuisine maîtrisée et réfléchie du jeune chef Francis Wolf est pleine d'ingrédients locaux, souvent issus de la forêt boréale. Les harmonies sont inusitées, sans être déroutantes. L'ambiance dans la salle à manger est solennelle; l'établissement accueille une large clientèle américaine, des participants à de petits congrès professionnels privilégiés, quelques familles d'adultes.

Tout était parfait, alors? Non.

Le charme a été rompu au petit déjeuner. En plein jour, les craintes soulevées la veille se sont avérées: la salle à manger avait besoin d'un grand ménage. Les fenêtres, les murs et les fauteuils étaient sales. Vraiment très sales. Certainement pas à la hauteur d'un Relais & Châteaux - le Manoir appartient au regroupement d'établissements haut de gamme. 

Le «buffet» déjeuner est constitué de quelques plats froids tristement déposés devant le mur du restaurant qui a échappé au designer ayant conçu les lieux lors de la grande rénovation. Cette fois, le charme rustique n'opère pas.

Pour un plat chaud, il faut payer un (généreux) surplus pour finalement recevoir une assiette banale, à moitié vide. La recherche d'ingrédients locaux est réservée au repas du soir, il faut croire. Où diable était l'épatante sélection de fromages québécois présentée (avec brio) la veille? Le café était imbuvable. De la carafe de café brûlé aux grains moulus sur place à la tasse divine réalisée par un hipster, il y a place à l'amélioration. Le service était distant comme dans les restaurants français chic des années 80. L'expérience était tellement décevante que c'en était irréel. La réalité est revenue brutalement avec l'addition: plus de 60 $ pour deux pour un repas digne d'une halte routière.

Vite, il faut absolument rénover l'expérience matinale au Manoir Hovey afin d'attirer cette clientèle prête à débourser pas mal pour un séjour à l'hôtel - et qui veut explorer le Québec, mais qui demande que la créativité dans l'assiette ne soit pas réservée au souper (quelle drôle d'idée!) et s'attend à un service sympathique en tout temps. Car c'est cela, le synonyme du vrai luxe, depuis pas mal de temps déjà. En attendant ce coup de jeune au petit déjeuner, apportez vos croissants à manger dans votre suite...

Notre verdict

Prix pour une nuitée: Autour de 500 $ pour une suite - avec la réservation effectuée à moitié prix, le séjour de deux nuits a finalement coûté cette somme, avant taxes, hors saison. 

Situation: Parfaitement situé face au lac Massawippi, à North Hatley.

Services: Wi-Fi compris, piscine extérieure, petite salle d'entraînement, charmants espaces communs et fauteuils Adirondack face au lac qui invitent au repos, pub et restaurant.

On aime: Le caractère historique de l'endroit, le charme vieillot des espaces communs, les planchers qui craquent, la noblesse du bois partout.

On aime moins: Le côté vieux, lorsqu'il n'est plus charmant... Par exemple dans les sombres corridors du bâtiment principal qu'il faut emprunter pour se rendre à la chambre ayant été été convertie en salle de massage - ça non plus, ce n'est pas digne d'un Relais & Châteaux. À éviter à l'heure des départs, en matinée... 

Un endroit à recommander pour...: Une occasion spéciale, à deux.

PHOTO FOURNIE PAR LE MANOIR HOVEY

La suite Montcalm est chic et moderne, ultraconfortable.