Gaby Genest a passé l'hiver à tricoter. Sur son petit étal, des dizaines de chaussettes de toutes les couleurs et de toutes les tailles sont disposées en éventail. Depuis sept ans, Mme Genest vient vendre le fruit de son travail au marché public hebdomadaire de New Richmond, installé non loin de la mer, sur la très belle pointe Taylor.

«Ce sont des journées extraordinaires pour moi, lance cette infirmière à la retraite. Je vis seule et je viens au marché pour parler aux gens. La première fois que j'ai vendu une de mes paires de bas, je me suis tellement sentie valorisée.»

Avec les années, elle est devenue une redoutable vendeuse. Si un client lève un sourcil en entendant le prix (30$ pour une paire, taille adulte), elle s'emporte: «C'est de la laine italienne qui coûte 10$ le ballot et je mets quatre jours à tricoter une paire. Touchez, touchez, la laine ne pique pas...»

«Je n'en ai pas honte, de mes bas, ajoute-t-elle à mon intention. Les talons sont doublés; les bouts sont finis à l'aiguille. Ils sont inusables. Ça fait cinq ans que j'ai les miens. Je voudrais les changer, mais je ne passe pas au travers.»

Puis vient l'argument de vente ultime: «Je les lave après la confection; ils sentent le Fleecy», dit-elle en m'en mettant une paire sous le nez.

En effet...

Chaque samedi, de 10h à 14h, jusqu'au 10 septembre, une vingtaine d'artisans et de producteurs agroalimentaires se réunissent sous les petits chapiteaux jaunes de la pointe Taylor. Il y en a pour tous les goûts: une herboriste, un éleveur de yacks, un autre d'émeus, un musicien qui vend ses CD, un cultivateur de fraises, un producteur de vin de framboise...

Linda Lafleur est venue de Saint-Omer pour vendre ses chocolats artisanaux. Son plateau de dégustation attire les enfants (et les gourmands) comme des mouches: tire éponge, écorces d'orange confites, noix enrobées de chocolat...

Quelques stands plus loin, Bernard Bujold fait voler les copeaux de bois; dans ses mains, une coupe prend forme. Le tourneur de bois s'informe de la santé de l'un et de l'autre en maniant des outils qui semblent drôlement coupants. Il placote avec les touristes, dont ces trois Japonais à l'air un peu perdu qui détonnent au milieu du Tout-New Richmond.

Café-bistro

Depuis cet été, le marché s'est enrichi d'un bistro tenu par un des chefs les plus réputés de la région, Paul Hachey. Ce dernier officiait aux cuisines de la Petite École de Nouvelle, l'an dernier, et les clients sont nombreux à faire les 45 kilomètres qui séparent Nouvelle et New Richmond pour sa soupe aux poissons et ses pâtes aux fruits de mer.

Le samedi, jour de marché, le café-bistro de la Pointe offre les petits-déjeuners jusqu'à 13h, puis le souper, avec une table d'hôte composée selon les arrivages de la journée. Parfois, on y trouvera des champignons sauvages cueillis le jour même par un résidant de la région. Difficile de faire plus frais...

Cette ambiance bon enfant est sans conteste ce qui fait le charme de ce petit marché de village. Les touristes se mélangent aux résidants, avec une joie égale. On jase météo ou cuisine, on s'informe sur ce qu'il ne faut pas rater dans le coin.

Moi, je n'ai pu résister au charme de Mme Gaby et je lui ai acheté des chaussettes rayées rose et bleu. Je regrette déjà de ne pas en avoir pris deux paires.

www.villenewrichmond.com