À peu près partout, les tractopelles et les cônes orange font rager et vociférer. Mais à Baie-Saint-Paul, des travaux d'égouts et d'aqueducs sur la rue patrimoniale Saint-Jean-Baptiste pourraient donner un nouveau souffle à ce haut lieu touristique, choyé par la proximité du Massif et les splendeurs du cratère de Charlevoix.

Plutôt que de s'apitoyer sur leur sort quand l'annonce de travaux majeurs a menacé de bouleverser la vie de leur communauté, les quelque 7000 habitants de Baie-Saint-Paul se sont mobilisés dans l'espoir de créer la plus belle rue du Québec. Rien de moins.

Le vaste chantier qui accapare présentement un tronçon de l'artère principale couronne une mobilisation citoyenne hors du commun, après plus de 10 ans de réflexion, de tergiversations et d'empoignades. «Un projet de division s'est transformé en projet de réalisation collective», se réjouit Jacinthe B. Simard, coprésidente du comité citoyen Embellissement Baie-Saint-Paul.

La Ville paie la réfection des égouts et les aqueducs, Hydro-Québec subventionne une grande partie de l'enfouissement du réseau électrique, mais ce sont les citoyens et les entreprises locales qui ont pris en charge l'aménagement de l'artère principale. En cinq mois, le comité a récolté près de 700 000$ pour embellir cette rue étroite où circulent chaque année, à pied comme en voiture, quelque 170 000 touristes. «La rue Saint-Jean-Baptiste représente un apport économique considérable pour une petite communauté comme la nôtre, explique Mme Simard. C'est aussi une rue avec une riche valeur patrimoniale, et donc une rue importante pour le Québec en entier.»

Même le mobilier urbain aura ses mécènes locaux. Des entreprises ont commandité l'achat de lampadaires, de bollards et de bancs, des citoyens ont déboursé pour des pavés de granite et des publicités financeront l'installation de colonnes Morris, ces structures promotionnelles typiquement parisiennes. «Des intersections seront aussi commanditées, explique Mme Simard. Pour 25 000$, le nom du donateur sera inscrit sur une plaque à l'endroit choisi.» Les touristes devraient voir une rue changée dès la fin de l'été, mais l'artère ne sera totalement revampée qu'à l'automne 2014.

Citoyens à l'oeuvre

Une des initiatives les plus fructueuses a mûri dans les cuves de la Microbrasserie Charlevoix. La vente de la bière de saison Au fil du temps, conçue, brassée et embouteillée par plus de 100 bénévoles, a permis d'amasser à elle seule 50 000$. «Grâce à la générosité de nos employés et des bénévoles, nous avons réduit nos coûts de production au maximum, pour redistribuer le plus de profit possible», explique Frédérick Tremblay, propriétaire de la microbrasserie et instigateur de la démarche.

Les artistes de Baie-Saint-Paul, nombreux, ont aussi mis leur talent au service de la rue. Des dons d'oeuvres ont permis, à l'occasion d'un encan public, de récolter 50 000$ supplémentaires. En outre, le Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul, la Ville et des artistes s'associeront pour exposer des peintures à même le chantier.

«C'est important que la rue Saint-Jean-Baptiste demeure vivante pendant les travaux, et nous faisons de notre mieux pour atténuer ses effets», assure le maire de Baie-Saint-Paul Jean Fortin, qui a déjà remarqué une baisse d'achalandage. Le tapage de la machinerie et des marteaux-piqueurs devrait cesser à la mi-août, une période fort achalandée, pour reprendre l'année suivante.

Si plusieurs commerçants, comme le bistrot de la Microbrasserie Charlevoix, le Saint-Pub, s'attendent à un été difficile, Frédérick Tremblay assure que les travaux d'embellissement s'annoncent pour le mieux. Un parti pris pour la «beauté», mais aussi pour la fierté du «faire soi-même». «Cette rue aura été créée sur mesure, elle ne nous aura pas été imposée par une grande chaîne», se félicite M. Tremblay.

Baie-Saint-Paul aura donc sa nouvelle rue. La plus belle du Québec? La réponse bientôt.