Pour découvrir la véritable nature hivernale de Charlevoix sous toutes ses dimensions, rien ne vaut la motoneige, qui nous fait accéder aux belvédères les plus éblouissants et aux recoins les plus secrets, comme l'ont constaté les Dimoiselles.

La motoneige n'est plus une chasse gardée masculine. Un nombre croissant de femmes s'y adonnent et plusieurs d'entre elles refusent désormais d'être celle qui est toujours derrière. Elles possèdent leurs machines rutilantes et aucune aventure n'est à leur épreuve. C'est le cas d'un groupe de femmes de Maniwaki (Outaouais) qui s'est réuni il y a une dizaine d'années à l'initiative de la concessionnaire Bombardier de l'endroit, Michelle Blais, et de sa complice Marie-Josée.

Depuis, cette fratrie a presque acquis un statut emblématique dans la communauté motoneigiste en incarnant l'indépendance assumée et joyeuse des femmes qui réinventent les plaisirs de la motoneige avec comme seule règle d'or : «Pas de chialage!» Chaque année, elles organisent une excursion exclusivement réservée à leurs consoeurs, sauf lorsque j'ai le privilège de les accompagner en tant que Damoiseau de l'équipage, comme ce fut le cas en Charlevoix.

La région de Charlevoix propose aux voyageurs à motoneige un cocktail de qualités qui la rend irrésistible. Peu de régions au Québec peuvent offrir un concentré de nature qui comprend la haute montagne et les grandes eaux du Saint-Laurent, la forêt dense où serpentent des chemins sinueux et les vallées colossales où le panorama semble s'étendre à l'infini. À cela s'ajoutent sa tradition centenaire d'hospitalité et sa palette d'hébergement qui va du cinq étoiles du Manoir Richelieu au pittoresque du camp forestier ou de la pourvoirie, en passant par l'auberge de charme et sa table gastronomique ou le motel pratique et économique.

D'ouest en est

Comme un très grand nombre de ses visiteurs à motoneige, quatre membres des Dimoiselles ont choisi d'entreprendre leur périple en Charlevoix à partir de la région de Québec. En partant de Charlesbourg, elles entrent de plain-pied sur le territoire du club Le Sapin d'Or en enjambant l'impressionnant pont Jean-Luc-Sylvain qui franchit la rivière Montmorency. Le Sapin d'Or est l'un des trois clubs qui assurent l'entretien des sentiers en Charlevoix.

Les Dimoiselles ne jugent pas une journée à motoneige seulement à partir du kilométrage affiché au compteur. Michelle, Marie-Josée, Sylvie et Julie multiplient les pauses et les arrêts. Si bien que 200 à 250 km de route les satisfont pleinement et leur apportent amplement de sujets de conversation le soir venu. Leur première révélation, en atteignant les hauteurs du cratère de Charlevoix, est la dimension de l'extraordinaire vallée de la rivière du Gouffre, qui s'étire de Saint-Urbain jusqu'à Baie-Saint-Paul, de part et d'autre d'une cuvette d'une blancheur immaculée à l'intérieur de laquelle on a littéralement l'impression de plonger alors que le sentier dévale du sommet du plateau des Laurentides jusqu'au creux de la vallée avant de grimper sur le versant opposé. Elles constatent alors l'une des principales caractéristiques du territoire charlevoisien, son relief surdimensionné, aussi diversifié que marqué. À motoneige, cela se traduit par des côtes souvent vertigineuses. L'autre particularité du décor régional demeure la proximité visuelle quasi constante de la muraille de montagnes qui encercle l'arrière-pays.

En contrepartie, le fleuve et sa banquise surviennent souvent à portée de vue au détour d'une courbe, aux abords d'une vallée ou sur les hauteurs des nombreux sommets environnants. Il y a toujours à voir et beaucoup à faire pour maintenir son attention alors que l'environnement nous sollicite tous azimuts.

La première journée s'achève à l'Hôtel Baie-Saint-Paul, un relais confortable et agréable qui propose un forfait motoneige plus qu'avantageux. Nous profiterons de l'occasion pour aller souper à l'auberge Les Portes du Soleil, où le propriétaire, Nicolas Bellon, prépare une fondue au fromage cochonne, digne de sa Suisse natale, avec de la viande des Grisons et saucissons de Charlevoix, auxquels il ajoute une coulée de raclette grillée à la braise du foyer.

En croisière

Le séjour à motoneige dans Charlevoix s'agrémente d'une courte mais mémorable croisière en bateau-passeur entre Saint-Joseph-de-la-Rive et l'Isle-aux-Coudres, à bord du N.M. Joseph-Savard. Il faut quitter Baie-Saint-Paul relativement tôt afin de ne pas rater le traversier de 9h30. Le sentier Trans- Québec 3 est «l'autoroute» qui traverse Charlevoix de part en part. Puis, le sentier régional 377 nous amène vers le fleuve et nous y précipite au fil de la longue et pentue côte à Godin, réservée aux motoneiges en hiver.

La croisière s'amorce à travers les glaces, offrant un spectacle unique et des sensations excitantes. La traversée qui s'effectue en une quinzaine de minutes l'été prend près du double du temps en hiver tellement le bateau travaille, vibre et laboure dans la banquise morcelée qui n'arrive pas à lui faire obstacle. On ne peut qu'être fasciné par cet affrontement entre les courants puissants, les glaces chaotiques. D'autant plus qu'avec nos vêtements de motoneige, on peut se permettre de demeurer sur le pont pour admirer le spectacle.

Une fois sur l'île, les quelques dizaines de kilomètres de sentiers du club local nous font traverser vergers et terres agricoles tout en perdant rarement de vue la côte ou le large. Le plus beau reste toutefois la pointe ouest de l'île, alors que la piste descend sur le chemin des Prairies qui longe la batture où s'entrechoquent les blocs de glace à perte de vue. On en revient, avec Le Massif à l'horizon, derrière soi, pour retourner sur le continent en milieu d'après-midi, après le lunch chez Ti-Coq.

On se dirige ensuite vers La Malbaie et le Manoir Richelieu. L'arrivée au Manoir, par le golf, procure d'autres superbes visions du fleuve avec une descente prononcée, puis on gare la motoneige bien au chaud, avant de passer aux piscines intérieure et extérieures du centre multisports, de prendre l'apéro au son du piano, de se régaler à la table gastronomique du Saint-Laurent et de jouer quelques billets au Casino. Grosse journée!