L'Abitibi est au nord, le Témiscamingue, à l'ouest. Tellement à l'ouest, en fait, qu'il faut passer par l'Ontario pour y aller. Mais ce qu'on y découvre vaut bien les 600 km de route à partir de Montréal: de vastes forêts aux arbres imposants, une multitude de lacs, des paysages vallonnés et une agriculture généreuse.

Il ne manque que les granges rouges pour qu'on se croie au Vermont, avec champs de canola, patates et citrouilles en prime! Il y a au Témiscamingue une sorte de microclimat assez chaud et humide pour qu'on tente, actuellement, d'y introduire la culture du cerisier. Et, contrairement à l'Abitibi, pas une seule mine dans toute la région.

Ce secret, bien peu de Québécois le connaissent. À l'opposé, de nombreux Ontariens sont séduits par les chalets et résidences secondaires de la région. Les prix y sont beaucoup plus bas que chez eux, et Toronto n'est qu'à cinq heures de route, bientôt moins avec l'autoroute qui liera la capitale ontarienne à North Bay.

Un tourisme sur chenilles

La moitié des visiteurs au Témiscamingue sont des motoneigistes. Pour le reste, beaucoup de pêcheurs et de chasseurs. Parce qu'on y trouve des sentiers et du gibier en abondance. Et de l'air, beaucoup d'air: 17 000 habitants sur 19 000 km2. Pas vraiment de risque de se marcher sur les pieds.

Avec un peu plus de 2500 habitants chacune, Témiscaming et Ville-Marie font figure de métropoles régionales. Elles sont cependant bien différentes l'une de l'autre. Témiscaming, c'est Tembec et son immense papeterie. On entend la bête ronronner jour et nuit...

À l'époque, c'était une vraie ville de «compagnie». La première papetière, la Riordon, nommait le maire, décidait de qui avait le droit d'y vivre, construisait des habitations pour ses ouvriers et, fait original, a conçu Témiscaming sur le modèle des cités-jardins britanniques. La géographie de la ville a rendu l'expérience ardue, mais il n'en reste pas moins une très jolie fontaine italienne et un élégant puits vénitien, sans compter un ruisseau et une chute, en pleine ville.

L'ancienne gare abrite un petit musée qui donne une bonne introduction à l'importance du train et de la navigation sur la rivière des Outaouais, longtemps les deux seules voies d'accès à cette région frontalière.

L'art en prime

Ville-Marie, à 90 km au nord, est aussi sur la rive du lac Témiscamingue. Un renflement de la rivière des Outaouais d'une grande beauté et long de... 110 km. Une sorte de cordon ombilical pour la région, qui en plus tempère le climat. C'est ce qui le rend assez comparable à celui de la ville de Québec.

Première surprise: il y a de gros blocs de granit rose partout, de ceux qu'on ne peut se payer pour notre comptoir de cuisine mais qui, ici, servent de solage aux maisons et de remblai pour la marina.

Deuxième surprise: Ville-Marie est une belle destination pour les amateurs d'art, notamment grâce à son cinéma Art déco rénové avec soin, il y a quelques années.

Son directeur, Jean-Jacques Lachapelle a un problème assez singulier: même lorsqu'il projette un énorme succès cinématographique, il peine à remplir sa salle plus de quatre soirs. Parce qu'alors, toute la population de Ville-Marie a vu le film!

Alors, par la force des choses, la grille se renouvelle constamment toute l'année. Il lui arrive aussi de changer de peau, pour laisser le Théâtre du Rift y présenter différents spectacles. Heureux spectateurs qui ont la chance d'entendre Richard Desjardins ou Fred Pellerin dans une jolie salle de 300 places!

Presque voisine du cinéma, une salle aménagée dans un ancien garage de la voirie propose des expositions. Présentement à l'affiche, l'exposition Sur les traces de Chevalier de Troyes, raconte de façon très dynamique le passage dans la région de Chevalier et des frères Lemoyne, dont le fameux d'Iberville, il y a 325 ans. Luc Brévart a peint directement sur les murs des cartes typographiques et des bêtes imaginaires, avec en plus des extraits du journal de voyage de cet officier de la marine française. Une sorte d'atlas historique inspirant mais drôle, qu'on explore une lampe de poche à la main.

La seconde expo, une installation de Pierre Malik, Anythèque, plaira, elle, au public techno: plusieurs projecteurs diffusent des images aux couleurs vives et rythmées sur des meubles peints en blanc, au son d'une musique décoiffante. C'est jeune et rafraîchissant.

L'art de la table

Le Témiscamingue regorge de gibier et de poissons, et profite d'une agriculture innovante et de talents pour mettre tout cela ensemble. Pour toutes ces raisons, l'art de la table, ici, fait des pas de géant.

On y trouve maintenant une multitude de produits régionaux originaux.

Un exemple: Jocelyn Ouellet et Marie-Ève Gagnon ne sont en affaires que depuis deux ans, mais leur Verger des tourterelles, tout petit, produit des gelées, des sirops, des tartinades, des alcools à partir de pommes, bien sûr, mais aussi d'innombrables petits fruits comme le cassis, la groseille, la gadelle, les cerises, les poires...

Vers Forêt offre pour sa part des produits hautement exotiques tels les bourgeons de marguerite, les coeurs de quenouilles, la gelée de cèdre ou le sirop de sapin. Et les consommateurs sont au rendez-vous. Certains restaurateurs, comme Chez Eugène à Ville-Marie, se font un point d'honneur de proposer des produits régionaux. Avec, en fin de compte, une offre gastronomique bonifiée, complément festif aux autres activités.

Les frais de ce voyage ont été payés en partie par Tourisme Abitibi-Témiscamingue.

À visiter

Témis-Fort

Ce n'est pas parce que Ville-Marie fête cette année ses 125 ans que cette jeunesse n'a pas le sens de l'histoire. À preuve, le Fort-Témiscamingue, à 6 km de là, célèbre, lui, le 325e anniversaire du passage de l'expédition de Pierre Chevalier de Troyes.

Cet officier de la marine française était chargé d'en découdre avec les Anglais de la Compagnie de la Baie d'Hudson, installés encore plus au nord au temps de la Nouvelle-France.

De la pointe du Fort on admire le lac Témiscamingue, d'une pureté enviable et profond à faire peur.

Contiguë au Fort se trouve la «Forêt enchantée», formée de thuyas aux formes irréelles. Étonnante, déstabilisante, et... très petite. Disons que le mot forêt est grandement exagéré, surtout qu'apparemment, elle continue de rétrécir. La visite comprend les deux lieux ainsi qu'un centre d'interprétation.

Histoires de fossiles

Il y a 420 millions d'années, le Témiscamingue était recouvert d'une mer tropicale. Il en est resté des tonnes de fossiles. Le Centre thématique fossilifère de Notre-Dame-du-Nord explique les changements climatiques et géologiques survenus depuis cette lointaine époque, et pourquoi on découvre aujourd'hui autant de coquilles et de carapaces d'animaux aux formes souvent fantastiques.

Il y a bien sûr l'exposition didactique, mais rien ne vaut les safaris effectués en compagnie d'un guide sur l'un des quelque 30 sites associés au centre. On regarde, on se penche, on examine et hop, un fossile! On les identifie sur place et, évidemment, on les garde en souvenir.

La maison de l'orphelin

On retrouve à Ville-Marie la plus vieille maison d'Abitibi-Témiscaminque, celle que le frère Moffet a construite lui-même en 1881. Ce pionnier de l'agriculture régionale avait des goûts modestes. Sa demeure, minuscule, en pièce sur pièce, semble tout droit sortie des estampes de la colonisation.

Pourtant, à un coin de rue de là, une grosse maison bourgeoise domine le lac, celle du premier maire de la ville. Elle a été construite à peine six ans après celle du frère, mais on dirait qu'elles n'appartiennent pas au même monde. C'est dire que la colonisation s'est faite très rapidement dans la région... et que les plus dégourdis ont su en tirer profit.

Par exemple, ce Thomas Breen, un orphelin irlandais arrivé au Québec à l'âge de 7 ans. Jeune homme il a pris le chemin de Saint-Bruno-de-Guigues, où il a fait fortune. Il a construit la plus grande maison du village, que ses descendants ont habitée jusqu'à tout récemment. Ce qui explique son bel état de conservation, mais surtout la présence du mobilier d'origine.

Le marais Laperrière

Les activités de plein air ne manquent pas au Témiscamingue, notamment plusieurs sentiers écologiques. On passera, par exemple, une bonne demi-journée au Centre d'interprétation de la nature et au marais Laperrière, à Duhamel-Ouest, «banlieue» de Ville-Marie. Des visites commentées sont offertes: prenez-les à moins d'être très versés dans la flore ou la faune, parce qu'autrement, on risque de passer à côté du plus intéressant.

Un futur parc national

La visite du remorqueur T.E. Draper, à Angiers, permet de découvrir une facette originale de la drave, qui permettait de transporter le bois coupé dans la région: celle de ces énormes trains de bois flottant qu'il fallait amener jusqu'aux rapides. De cinq à sept personnes passaient jusqu'à trois mois sur le remorqueur sans mettre pied à terre, dans des conditions pour le moins spartiates. Le Draper a fonctionné de 1927 à 1977, alors qu'on a mis fin au flottage du bois.

Le futur parc national Opémican se voulait justement, au départ, un lieu sur la réparation des bateaux utilisés pour le flottage du bois entre les lacs Kipawa et Témiscamingue. Son mandat a depuis été élargi. Ce parc, qui fera partie du réseau de la SEpaq, pourrait ouvrir dans trois ans.

Repères

S'y rendre

De Montréal prendre la 40, puis la 417 jusqu'à Ottawa, et enfin la 17 jusqu'à Mattawa. La 533 prend le relais jusqu'aux portes de Témiscaming (600 km). Ville-Marie est 90 km plus au nord. Compter une heure et demie de plus si vous passez plutôt par l'Abitibi.



Se loger

- Pas de grands hôtels, mais plusieurs motels et, surtout, un choix énorme de chalets à louer et de pourvoiries, du plus rustique au très haut de gamme. Les chalets du domaine Témi Kami et de La Bannik, à Ville-Marie, sont particulièrement intéressants. De nombreux campings sont aussi disséminés sur le territoire.

- L'Auberge du passant Chez Eugène propose six chambres dans une grande maison bourgeoise à Ville-Marie.

Se nourrir

Les meilleures tables se trouvent à Ville-Marie. Chez Eugène se fait un point d'honneur d'encourager les producteurs locaux, les restaurants de La Bannik et du domaine Témi Kami ont en prime une vue spectaculaire sur le lac Témiscamingue.

Renseignements

Deux sites incontournables:

- tourismetemiscamingue.ca

- tourisme-abitibi-temiscamingue.org