Loin des sommets des Laurentides ou des Cantons-de-l'Est, le Suroît (altération de «sud-ouest», du normand «surouet») reste méconnu. Sa calme campagne, où les érables flamboyants sont légion en cette saison, recèle pourtant de petits bijoux qui se laissent facilement découvrir au détour d'une balade automnale, au nord comme au sud du fleuve, à deux pas de la ville.

ÉTAPE 1

Les Cèdres

Prenez l'autoroute 20 ou la 40, quittez l'île de Montréal sans vous retourner, traversez Vaudreuil-Dorion. Ne faites pas attention aux enseignes de fast-food, de motels bon marché ou de bars de danseuses, non: restez concentré, cela passera. Surveillez plutôt les panneaux pour la route 340 Ouest. Au chemin Saint-Dominique, prenez à gauche. Et voilà! Vous êtes à la campagne. N'est-ce pas reposant? Si près de la ville, on y croit à peine.

Ne roulez pas trop vite: juste là, sur votre gauche, se trouve la Ferme Diodati. La maison ne paie pas de mine, d'accord. Mais attendez de goûter au fromage que l'on produit ici, le Montefino. C'est à se rouler par terre. Frais ou affiné, nature, aux fines herbes, au piment ou aux olives, Mme Diodati en personne, toute petite derrière son grand comptoir réfrigéré, vous le fera goûter gentiment. Elle a cet inimitable accent des Italiens qui ont appris le québécois sur le tas. Partis de Caserte (la région de la mozzarella di bufala) il y a 38 ans, Antonio et Maria Diodati élèvent leurs chèvres et leurs brebis en pâturage, sans hormones ni antibiotiques. Agneaux et chevreaux, eux, finissent (la vie de mâle n'est pas toujours facile!) en chair à saucisses et autres côtelettes, aussi vendues sur place. On peut visiter la ferme, mais seulement le week-end.

Après quelques judicieux achats, reprenez le chemin Saint-Dominique, festonné de chênes vénérables, bordé de vastes champs de tournesols, jusqu'au chemin du Fleuve, aux Cèdres. Bien sûr, on pourrait reprendre l'autoroute. Mais pourquoi faire vite quand on peut faire joli? C'est un paysage agricole fort ancien, parmi les plus fertiles du Québec, qui s'offre à vos yeux. Même Van Gogh serait séduit!

Ferme Diodati

1329, chemin Saint-Dominique Les Cèdres, 450 452-4249

Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 18h, les samedis et dimanches de 9 h à 17 h

ÉTAPE 2

Les Cèdres - Salaberry-de-Valleyfield

À Coteau-du-Lac, un arrêt au lieu historique national du même nom, à ce temps-ci de l'année, ne donnera pas grand-chose: c'est fermé depuis le 1er septembre (tout comme celui de la Bataille-de-la-Châteauguay). Quand même, le site est agréable - et à mettre dans les carnets pour une visite l'an prochain. On prendra plutôt le pont Monseigneur-Langlois, d'où l'on a vue sur les jolies îles qui s'égrènent là en bas, toutes chevelues d'herbes aquatiques et piquetées de cormorans qui s'y font placidement sécher les ailes. À Salaberry-de-Valleyfield, pourquoi ne pas s'attarder? Le petit centre-ville ne manque pas de charme, avec sa promenade qui longe le vieux canal de Beauharnois, ses immeubles anciens et sa marina. On peut trouver là sans doute de quoi se sustenter s'il fait un peu faim. On peut aussi pousser jusqu'à La Petite Grange, entreprise familiale à la fois boulangerie, chocolaterie, pâtisserie et épicerie fine. La clientèle locale s'y presse à toute heure du jour, pour du pain, un gâteau, un sandwich à consommer sur place ou des chocolats fins à 0,95 $ pièce (une aubaine!). L'activité incessante n'empêchera pas l'affable personnel de vous servir avec patience et de vous faire goûter cette divine ficelle aux noix, fromage bleu et poire, ou cet étonnant pain aux carottes et au curry. La fille des fondateurs, Ann Meury, règne sur ce petit monde comme une bonne fée. Elle fait ce qu'elle aime et aime ce qu'elle fait, c'est beau à voir!

Repartez avec une miche de campagne au levain, qui vous fera demain les meilleures toasts au monde - et ce serait bien le diable que vous ne trouviez pas aussi quelque confiture de fou à mettre dessus!

Lieu historique national de Coteau-du-Lac

308 A, chemin du Fleuve Coteau-du-Lac 

www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/qc/coteaudulac/index.aspx

Salaberry-de-Valleyfield 

www.destinationvalleyfield.com

La Petite Grange 415, chemin Larocque Salaberry-de-Valleyfield 450 371-3510 www.lapetitegrange.ca

ÉTAPE 3

Salaberry-de-Valleyfield - Godmanchester

La route file au milieu de champs de canola et de maïs blondis par la saison. Les maisons de brique rouge, préservées des rénovations radicales que l'on voit trop souvent, sont tapies loin de la route, au bout d'une double haie de cèdres solennels. Le paysage a ici des airs de parenté avec les Cantons-de-l'Est. Et pour cause: comme l'Estrie, cette région a été colonisée d'abord, au début du XIXsiècle, par des Américains, des Écossais et des Irlandais.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La Petite Grange à Salaberry-de-Valleyfield.

De Salaberry-de-Valleyfield, au gré de votre fantaisie (c'est partout joli), gagnez la route 202. Lorsqu'elle bifurque, continuez tout droit sur le chemin Rankin, puis prenez à droite sur le chemin Connaught. Ouvrez l'oeil. Sur votre droite, vous verrez peut-être, de la route, de drôles de têtes ébouriffées qui vous regardent avec curiosité. Une curiosité réciproque, en vérité! Ce sont les alpagas de Kim McSween et Frédérick Roy. Kim, technicienne en santé animale de son état, répond à toutes les questions sur cet étrange animal, cousin du chameau et du lama, qui donne la laine la plus douce et la plus chaude qui soit. Dans sa petite boutique, on trouve du fil à tricoter, bien sûr, mais aussi des chaussettes à l'épreuve des plus grands froids, des mitaines réversibles tout ce qu'il y a de joli et même un ourson tellement doux qu'on n'y croit pas.

Sur le chemin des alpagas 986, chemin Connaught Godmanchester, 450 322-6059 surlechemindesalpagas.com

Ouvert les vendredis, samedis et dimanches, de 10 h à 16 h

ÉTAPE 4

Godmanchester - Mercier

Regagnez le chemin Rankin et filez jusqu'à la 138, que vous quitterez à la première occasion (on n'est pas obligé de souffrir!) pour longer la rivière Châteauguay, d'un côté ou de l'autre, jusqu'à Ormstown puis Howick. Juste avant Howick, saluez respectueusement (ou empruntez) le vieux pont Turcot, classé immeuble patrimonial. À l'approche du joli village de Sainte-Martine - si joli qu'il mérite qu'on s'y attarde -, les éoliennes au loin font de grands saluts de leurs grands bras, attendant sans doute un Don Quichotte qui ne viendra pas. Le blé d'Inde est haut, la rivière est basse et paresse dans son lit, le soleil arrose tout ça d'une lumière dorée qui annonce la fin du jour... On a juste le temps d'arrêter à la Fromagerie Ruban Bleu, à Mercier, qui ferme à 18 h en semaine. Là, Caroline Tardif et Jean-François Hébert produisent depuis huit ans une quinzaine de fromages de chèvre absolument délectables, que l'on peut déguster, en plateaux de 90 à 800 g (de 15 à 88 $), sur la grande galerie de la maison. Le vendredi, le fromage de chèvre en grains est frais du jour (miam!). Le dimanche, on peut visiter la ferme, mais mieux vaut téléphoner ou consulter le site web pour les horaires et les coûts. En partant, détournez le regard de ce nouveau lotissement qui défigure la campagne et rentrez doucement, cette fois en vous retournant souvent (en pensée!) sur les beautés fragiles qui jouxtent la grand-ville.

Pont Turcot

Montée Turcot, à Très-Saint-Sacrement

Fromagerie Ruban Bleu

14, rang Saint-Charles, Mercier, 450 691-2929 

www.rubanbleu.net

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Des alpagas sur le chemin Connaught Godmanchester.