La première bordée de neige suivie de pluie, lundi dernier, a déçu plus d'un fondeur québécois. Cette année encore, les fondeurs sortiront leurs skis bien après leurs amis qui pratiquent le ski alpin. Ces derniers peuvent en effet se rabattre sur des sommets enneigés artificiellement, sans devoir compter seulement sur les bonnes grâces de la nature. Dans la province, un seul centre de ski de fond est doté de canons à neige. Mais la donne pourrait et devrait changer, souffle-t-on dans le milieu.

«Le Québec a pris beaucoup de retard vis-à-vis nos voisins et concurrents nord-américains», indique Manon René de Cotret, directrice générale du Regroupement ski de fond Laurentides. Au Vermont, plusieurs centres possèdent des canons à neige pour s'assurer que leurs clients trouvent de la neige dès la fin du mois de novembre, et encore davantage pendant la période de Noël, très achalandée. «C'est à notre tour d'aller de l'avant maintenant», dit-elle.

Pour l'instant, un seul centre fabrique de la neige: la Forêt Montmorency, à 65 km au nord de Québec. On en fabrique sur une boucle d'entraînement de 2 km, alors que l'ensemble des sentiers totalise 80 km. Mais le Centre de ski de fond Mont-Tremblant, qui peaufine un projet depuis quelques années, se rapproche du but. Le Centre a obtenu que des évaluations environnementales soient réalisées le printemps prochain.

Si les résultats sont favorables - et si on obtient l'accord du propriétaire des terres, ce qui n'est pas chose faite - les premiers «faux» flocons pourraient être soufflés en 2014 ou en 2015. Le directeur Daniel Charbonneau se montre déjà optimiste. «Les centres de ski de fond n'ont pas les mêmes contraintes que ceux de ski alpin: nous n'avons pas de grandes pentes larges, peu d'inclinaison: nous n'aurions pas leurs problèmes d'érosion», affirme-t-il. M. Charbonneau aimerait enneiger artificiellement un circuit d'environ 5 km pour le début du mois de décembre - période où les fondeurs cherchent désespérément un endroit où s'entraîner. «Ça créerait aussi une sorte de réserve de neige pour le reste de la saison et, surtout, pour la période de Noël, absolument cruciale.»

Le projet coûterait entre 400 000 $ et 500 000 $. Une somme qui rebuterait bien des centres de ski de fond, dont plusieurs sont de très petite taille, croit Mme René de Cotret.

Cela dit, l'investissement en vaut la peine, si l'on se fie à l'expérience de la Forêt Montmorency (qui a bénéficié d'un coup de pouce de Ski de fond Québec à ses débuts, alors qu'elle servait de lieu d'entraînement hâtif des athlètes). «Nous sommes devenus un pôle touristique: en novembre, nous attirons plusieurs clubs-écoles des universités nord-américaines, et comme nous ne pouvons pas tous les héberger, l'Office du tourisme de la région est très content!» assure Hugues Sansregret, directeur des opérations de la Forêt Montmorency. Les impacts écologiques sont contrôlés: aucun produit chimique n'est employé dans cette forêt expérimentale, qui appartient à l'Université Laval.

Et l'an prochain, la saison pourrait commencer encore plus tôt. Le centre fait l'expérience de créer cet hiver une réserve de 8000 m3 de neige, qu'elle isolera tout l'été sous une épaisse couche de bran de scie et qu'elle étendra sur ses sentiers dès le mois d'octobre!

D'autres pistes de réflexion

Nadège Domergue, analyste au Réseau de veille en tourisme de la chaire Transat de l'UQAM, estime que l'enneigement artificiel pourrait effectivement profiter à l'industrie. Elle suggère toutefois plusieurs autres pistes pour mieux desservir la clientèle, qui s'est fortement diversifiée au cours des dernières années. L'époque où le ski de fond était perçu comme ringard est révolue. Il intéresse maintenant autant les grands sportifs que les jeunes couples avec ou sans enfants. «Il manque, pour eux, de sentiers ludiques (comme on en fait dans certains centres de ski alpin pour les enfants), de pistes éclairées le soir», affirme l'analyste, auteure d'une vaste étude sur les fondeurs québécois dévoilée cet automne.

«Les skieurs tiennent à avoir, sur place, de bons services de base et ils seraient aussi intéressés à ce qu'il y ait plus d'activités diversifiées autour, et plus de restaurants de qualité», ajoute Nadège Domergue. Bref, ils aimeraient avoir le loisir d'étirer leur escapade sportive avec quelques arrêts détente, touristiques ou gourmands additionnels.