Un vaste territoire du Témiscamingue sera transformé sous peu en parc national, grâce à des investissements de 25 millions. Premier tour d'horizon des richesses d'un coin de pays méconnu.

Après deux heures de kayak, l'heure de la pause a sonné. Notre petite flottille accoste sur une île minuscule, presque un récif, où poussent quelques pins, pour une baignade express dans les eaux cristallines du lac. À l'horizon, personne en vue. Que des îles vierges et des arbres, des arbres et encore des arbres. Sous un soleil éclatant et une température parfaite, on est fin seuls au monde. Le bonheur!

Mi-juin, nous avons exploré, pagaie à la main, le réservoir Kipawa, un magnifique écrin bleu qui se trouve à une trentaine de kilomètres au sud de Ville-Marie, dans le Témiscamingue, à 600 km de Montréal. Véritable labyrinthe constitué de grandes baies et de centaines d'îles, une partie de cette nappe d'eau de 300 km2, totalement méconnue de la majorité des Québécois, sera prochainement englobée dans le futur parc national d'Opémican, dont la création officielle pourrait se réaliser dès l'an prochain.

Présentement, les trésors du lac Kipawa demeurent la chasse gardée de pêcheurs, surtout ontariens et américains, qui fréquentent les pourvoiries desservant ce réservoir. Mais avec la création de cette aire protégée, l'accès à ce vaste plan d'eau, source d'inspiration de l'écrivaine Margaret Atwood, qui y a passé son enfance, se démocratisera, avec l'ajout de terrains de camping, la location de canots et de kayaks et l'aménagement de nombreux services. Kipawa est appelé à devenir une destination plein air aussi prisée que la réserve faunique La Vérendrye.

Mais les richesses d'Opémican ne se limiteront pas au lac Kipawa. Le projet prévoit la protection d'une autre merveille, le lac Témiscamingue, un plan d'eau de 108 km de long encaissé entre des falaises de 70 m de hauteur. Une partie des rives de cet élargissement de la rivière des Outaouais sera sous protection, dont la pointe Opémican, site historique comprenant sept bâtiments, vestiges des débuts de l'exploitation forestière et du flottage de bois dans la région.

Cette pointe deviendra, selon les plans du ministère de l'Environnement, la porte d'entrée principale du parc. Les bâtiments, très délabrés, seront restaurés et serviront de poste d'accueil aux visiteurs, avec interprétation à la clé.

«Le site est abandonné depuis des décennies, mais les bâtiments, en piteux état, ne sont pas des pertes totales», assure Simon Laquerre, conseiller en tourisme plein air à la Société de développement du Témiscamingue, lors d'une visite des lieux. Le plus vieux bâtiment du site, l'auberge Jodoin, date de 1883. Peut-être accueillera-t-il des visiteurs à nouveau?

Entre la pointe Opémican et l'embouchure de la rivière Kipawa, à l'autre extrémité du territoire, on pourra explorer 30 km de rives du lac Témiscamingue en kayak. Des haltes et des campings verront le jour sur le rivage. Sur terre, des sentiers grimperont pour profiter de vues remarquables à partir du sommet des falaises, tout en pénétrant dans les vieilles forêts de pins qui les colonisent. «On pourrait aménager sur les parois rocheuses de spectaculaires parcours de via ferrata», estime M. Laquerre.

La rivière Kipawa constituera un autre attrait-vedette du parc. Des rapides et une chute spectaculaire de 16 m de hauteur jalonnent son parcours, qui s'étend sur 16 km. «On pourrait louer des minirafts ou des canots pour s'aventurer sur la rivière, en n'excluant pas quelques portages!», explique le guide.

Ce futur parc comptera aussi des circuits de canot-camping dans l'arrière-pays, des pistes cyclables et des abris pour pratiquer la longue randonnée.

Encore à l'état brut, ce territoire renferme une riche biodiversité, avec la présence de 42 espèces de poissons, 22 espèces d'amphibiens et reptiles, 183 espèces d'oiseaux et 50 espèces de mammifères. La réalisation du parc, espère-t-on, servira de levier au développement économique du Témiscamingue. Québec prévoit y investir, en cinq ans, plus de 25 millions dans l'aménagement et la construction d'infrastructures. Opémican pourrait accueillir, selon une projection de la SÉPAQ, 40 000 visiteurs par année. L'ouverture du parc devrait se faire dans un horizon de cinq ans.

Pour plus d'informations sur ce futur parc: opemican.com