Paysages grandioses mariant mer et montagnes, vent frais provenant du large qui nous fait oublier la canicule, souffles puissants qui trahissent la présence de mammifères marins et magnifiques phares qui se dressent à l'horizon: faire une traversée sur le Saint-Laurent, c'est un voyage qui nous transporte dans un autre monde.

Cet été, 10 traversiers assurent une liaison quotidienne entre les deux rives du Saint-Laurent ou entre une rive et une île échouée au milieu du fleuve. Vitaux pour plusieurs communautés, les traversiers sont bien davantage qu'un moyen de transport. C'est une invitation à un moment de répit pendant la frénésie des vacances. Et plusieurs d'entre eux sont totalement gratuits.

Les traversiers constituent un attrait indéniable pour les régions qui les accueillent. Chaque été, des milliers de touristes planifient une croisière à leur bord afin de goûter au privilège de naviguer sur l'un des cours d'eau les plus difficiles au monde, dont les marées d'une grande amplitude, les courants marins et les épisodes très fréquents de mauvais temps ont provoqué de nombreux naufrages au fil des siècles. Pour cette raison, le Saint-Laurent demeure, encore aujourd'hui, une chasse gardée pour marins expérimentés. Seuls les traversiers nous dévoilent aisément ses mystères.

En voguant sur ses eaux, les passagers jouissent d'un spectacle qui change tout le temps. «Les conditions météorologiques, comme la brume, les vagues, les nuages ou leur absence, les couchers de soleil et la fréquentation des passagers renouvellent l'expérience à chaque passage», raconte Maryse Brodeur, responsable des communications à la Société des traversiers du Québec (STQ), la société d'État qui gère six services de traversiers sur le fleuve et son estuaire.

Des haltes routières flottantes

Les traverses Québec-Lévis, Sorel-Tracy/Saint-Ignace-de-Loyola, Saint-Joseph-de-la-Rive/Isle-aux-Coudres et Baie-Sainte-Catherine/Tadoussac prennent toutes moins de 20 minutes. Ce sont, comme le décrit Georges Farrah, président-directeur général de la STQ, des haltes routières flottantes. «C'est le moment pour les voyageurs au long cours de prendre une pause, de se ravitailler et de se dégourdir les jambes», dit-il.

Malgré la courte distance, ils en mettent plein la vue. Sur la traverse Québec-Lévis, qui nous conduit d'une rive à l'autre en 10 minutes, notre regard embrasse le cap Diamant, le Vieux-Québec et l'île d'Orléans à l'horizon. Une expérience à ne pas manquer en visitant la Vieille Capitale, surtout au crépuscule.

Ce trait d'union entre les deux villes ne sert pas qu'à trimballer les voitures d'une ville à l'autre, faute de ponts. C'est aussi un moyen de transport pour de nombreux cyclistes - on en a comptabilisé 180 000 l'an dernier. Sur les traversiers, ceux-ci profitent de supports à vélos et d'une pompe à air. «Notre service fait le lien entre deux pistes cyclables spectaculaires, le parcours de l'Anse, à Lévis, et la promenade Samuel-de-Champlain, à Québec, d'où cet achalandage en constante augmentation», explique Maryse Brodeur.

Dans Charlevoix, entre l'Isle-aux-Coudres et la terre ferme, ce sont les montagnes plongeant dans le fleuve qui nourrissent l'âme du voyageur. Entre Baie-Sainte-Catherine et Tadoussac, c'est le fjord, les 13 espèces de baleines qui fréquentent ses eaux et la fameuse toupie, ce phare circulaire échoué sur les hauts-fonds à l'embouchure du Saguenay, qui ravissent les yeux. À bord, des gardes-parcs de la SEPAQ vous attendent pour répondre à vos questions et identifier les mammifères marins qui se pointent au large.

Des croisières aux mille plaisirs

Pour les traversées plus longues, l'expérience s'apparente à une mini-croisière en mer, où le but n'est plus la destination, mais le chemin pour s'y rendre. C'est le cas à bord du N.M. Trans-Saint-Laurent, qui relie en 1h15 Rivière-du-Loup, dans le Bas-Saint-Laurent, à Saint-Siméon, dans Charlevoix, en parcourant un itinéraire magnifique.

«On passe dans un petit chenal entre l'île aux Lièvres et le récif de l'île aux Fraises, deux endroits où vivent des oiseaux marins fantastiques comme les petits pingouins et les eiders à duvet», explique Marc Harvey, directeur de cette traversée, qui a plus de 100 ans. On y aperçoit aussi le phare de l'île du Pot à l'Eau-de-Vie, une sentinelle de la mer depuis plus de 150 ans.

Si la plupart des traversiers avancent à pas de tortue, ce n'est pas le cas du catamaran CNM Évolution, qui assure la liaison Rimouski-Forestville - c'est le seul traversier rapide en service au Canada. «Il vogue sur les flots à 55 km/h. Sur l'eau, c'est vite en maudit», affirme Michel Journault, directeur du seul traversier privé et non subventionné du Québec. Résultat: ce long parcours s'effectue en 60 petites minutes. Juste assez pour en profiter au maximum sans se lasser.

Finalement, le vaisseau amiral des traverses, c'est la liaison Matane/Baie-Comeau/Godbout, qui franchit en 2h20 toute la distance séparant la Gaspésie de la Côte-Nord. Il n'est pas rare, lors du trajet, que le N.M. Camille-Marcoux se perde complètement dans la brume. Les passagers y vivent une vraie expérience de croisière, puisque le navire est équipé d'une aire de jeux pour enfants, d'une cafétéria et d'une boutique. Il n'y manque qu'une piscine sur le pont pour se croire dans les Antilles. Et quelques degrés de plus...

Photo fournie par la Société des traversiers du Québec

Le traversier assurant la liaison Québec-Lévis