Hausse des taxes, réglementation contraignante et concurrence plus vive; de plus en plus de propriétaires de gîtes touristiques jettent l'éponge. De 2006 à 2011, la Corporation de l'industrie touristique du Québec (CITQ) a noté une baisse de 16% du nombre de B&B au Québec. Et tout indique que cette chute va se poursuivre.

Dans les années 90, les B&B connaissent une effervescence sans précédent au Québec. Des hordes de jeunes retraités actifs se sont établies à la campagne et ont ouvert leurs portes aux visiteurs, adaptant à la sauce québécoise la formule «chambre d'hôtes» que l'on connaît en Europe. Une vague salutaire pour tout le Québec touristique.

«Ce mode d'hébergement venait combler les lacunes dans les infrastructures hôtelières en région», rappelle Odette Chaput, directrice générale de l'Association de l'agrotourisme et du tourisme gourmand du Québec, qui regroupe des hébergements respectant certaines normes de qualité sous la bannière «Gîtes et auberges du passant».

À l'époque, il suffisait d'acheter des draps et de planter une enseigne devant la maison pour que les visiteurs affluent. Le matin, on servait deux oeufs-bacon et tout le monde était content. Mais les temps ont changé. Les clients sont de plus en plus exigeants, car ils désirent vivre une «expérience». Ils réclament des déjeuners gourmets, avec du pain de la boulangerie locale s'il vous plaît, et veulent des salles de bains privées. Sinon, ils vont voir ailleurs.

Non seulement la clientèle accroît ses exigences, mais les autorités aussi. Ouvrir un gîte est maintenant un parcours à obstacles. «Il faut obtenir son accréditation de la CITQ (obligatoire depuis 2002), suivre une formation du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation parce qu'on sert des déjeuners, et composer avec des demandes administratives municipales de plus en plus complexes», explique Patryck Thévenard, propriétaire du gîte Atmosphère et président de l'Association des gîtes touristiques de Montréal, qui représente une quarantaine de B&B.

De plus, plusieurs municipalités leur imposent maintenant un fardeau fiscal supplémentaire. C'est le cas notamment à Montréal où, depuis le 1er janvier 2011, les gîtes payent une nouvelle taxe d'environ 1700$ par année. Résultat: plusieurs abandonnent. Montréal comptait 113 gîtes touristiques en décembre 2009. Aujourd'hui, il en reste 93.

Concurrence sous la couette

Mais il y a pire. Les résidences de tourisme  condos, maisons et chalets meublés que les propriétaires louent pour de courtes durées  font une rude concurrence aux gîtes. Le hic, c'est que beaucoup de ces propriétés locatives fonctionnent sous le radar des autorités. Elles ne possèdent pas leur accréditation de la CITQ, ne payent pas la taxe supplémentaire spéciale qui s'applique à ce genre d'habitation et ne perçoivent pas la taxe d'hébergement (3,5% à Montréal). «Résultat: elles offrent des prix défiant toute concurrence», déplore M.Thévenard

Autre problème: avec la montée des prix dans l'immobilier, les grandes maisons avec du cachet sont désormais très chères. De surcroît, les banques exigent de plus en plus fréquemment des acheteurs une hypothèque commerciale, avec période d'amortissement plus courte et intérêts plus élevés, pour financer l'achat d'un gîte déjà existant. «Beaucoup de jeunes s'intéressent à ce mode de vie, mais il leur est impossible, dans de telles conditions, de prendre la relève», constate Michèle Fournier, courtière immobilière chez Royal Lepage Inter-Québec et ex-propriétaire de gîtes pendant 16 ans.

Spécialisée dans la vente d'hébergements touristiques, Mme Fournier s'étonne de la frilosité des institutions bancaires. «De mon expérience, peu de propriétaires de gîte remettent les clés à la banque. Si ça ne fonctionne plus, ils changent de vocation, mais gardent la maison», dit-elle. Pour cette raison, Mme Fournier souhaite la création de produits financiers spécifiques pour ce marché, ce qui permettrait à une nouvelle génération de reprendre le flambeau.