Mariette DuBois et Réjean Tanguay sont accros. Quatre fois par printemps, ils font l'aller-retour entre Sherbrooke et Baie-du-Febvre pour venir observer les grandes oies des neiges. Et ce, depuis 20 ans.

Cette année, ils sont d'abord passés dans le petit village de la rive sud du lac Saint-Pierre juste avant Pâques. «On a attendu le coucher du soleil et les oies blanches ont commencé à arriver. Un vrai ballet aérien! Il y en avait au moins 70 000, juste devant nous», raconte Mme DuBois.

 

Ils sont revenus après les grosses chaleurs pascales, mais les oies étaient beaucoup plus rares. Déçus? «Pas du tout! Baie-du-Febvre, c'est beau tout le temps, lance son compagnon ornithologue. Les hirondelles et les canards commencent à arriver. Il reste encore des centaines de bernaches. Et on peut parfois observer des oiseaux de proie.»

Guylaine Fréchette, directrice générale du Centre d'interprétation de Baie-du-Febvre, explique: «Cette année, la migration des oies blanches a été plus importante que les années précédentes, mais elle n'est pas arrivée au même moment. Elles sont arrivées deux semaines plus tôt. Le 18 mars, on en comptait 150 000. Deux semaines plus tard, il y en avait le double. Et encore, ce chiffre est conservateur.»

Les oies ont profité de la hausse du mercure pendant le week-end de Pâques pour continuer leur voyage vers l'Arctique. Certaines ont fait escale à Cap Tourmente et Montmagny; d'autres ont filé plus au nord. Au milieu de la semaine dernière, il en restait à peine 10 000 sur les 300 000 dénombrées sept jours plus tôt. Toutefois, des baisses de température pourraient attirer d'autres volées.

Difficile à prévoir, selon Guillaume Lafond, biologiste au Centre d'interprétation de Baie-du-Febvre. Pour optimiser les chances de voir les oies, il suggère aux visiteurs de se poster près des champs inondés le long de la route 132, au lever ou au coucher du soleil. «C'est à ces moments qu'elles sont le plus actives. Le spectacle est différent selon l'heure du jour. Le matin, les oies sont rassemblées et s'envolent en même temps. Le soir, elles arrivent séparément, par volées.»

Temps de canard

Jour ou soir, oies ou pas, les ornithologues ont tout de même de quoi remplir leurs carnets d'observation, dit-il. Surtout près des bassins d'eau de la municipalité, juste devant le Centre.

«Sur les 32 espèces de canards qui vivent au Québec, 27 nichent dans la région. Et les autres passent en période de migration. En avril et mai, il suffit de planter son télescope et de regarder. En 30 ou 45 minutes, tu peux presque voir toutes les espèces. Ce n'est pas rien!»

Lors de notre visite, le ciel gris et bas laissait présager une triste journée d'ornithologie. «Au contraire! Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ce genre de météo un temps de canard», lance le biologiste.

Munis d'un télescope - le Centre d'interprétation en fait la location pour 20$ par jour -, nous avons rapidement identifié une quinzaine d'espèces. Des canards souchets avec leurs becs en forme de cuillère. Des érismatures rousses aux becs bleu poudre. Des foulques aux hochements de tête semblables à ceux de la poule. Et un oiseau étrange, croisement entre un colvert et un chipeau...

Dans l'entrée du Centre, les visiteurs inscrivent chaque jour leurs observations. Mammifères, oiseaux... La liste est impressionnante.

Ouvert depuis 16 ans, le Centre d'interprétation de Baie-du-Febvre présente des expositions sur la plaine inondable du Saint-Laurent. Au printemps, sous la crue des eaux, la superficie du lac Saint-Pierre augmente de 37%. Ses berges constituent la plus importante halte migratoire printanière des grandes oies des neiges, qui s'y arrêtent pour se nourrir de grains et de racines du maïs cultivé dans la région. C'est aussi le paradis pour les canards, les sauvagines, les hérons et une multitude de poissons qui viennent frayer dans ces terres inondées.

Non fréquenté par les oies, le parc écologique de l'Anse-du-Port, à Nicolet, offre une autre vision de l'immensité du lac Saint-Pierre. Ici, on a aménagé deux longues passerelles (dont l'une de plus de 800 m) qui passent au-dessus des marais et des marécages pour nous mener jusqu'aux bords du lac. Le jour de notre passage, le coassement des grenouilles léopards, en pleine saison des amours, était assourdissant. Les iris jaunes commençaient à poindre. Et un couple de canards branchus avait élu domicile dans le marais depuis peu.

«L'été, le paysage change totalement, assure Guillaume Lafond. Le sol se couvre de fougères; on se croirait dans Le parc jurassique!»

 

 

De l'oie dans les assiettes

Dans la région de Baie-du-Febvre, l'expérience de l'oie blanche peut aussi être gustative.

Les jardins de l'Oie, à Nicolet-Sud, offrent quantité de produits faits à partir d'oies d'élevage. Les oies sont importées par avion des Berges de la Loire, en France, avant d'être transformées en confits, magrets, foie gras... Des plats préparés ainsi que des oies entières et en découpe sont vendus directement à la ferme, le long de la route 132.

Le restaurant La baraka, rue Principale à Baie-du-Febvre, a aussi mis de l'oie à son menu. Le propriétaire, Jean-Guy Houle, propose plusieurs plats spéciaux à base d'oie, dont des manchons confits, de la galantine ou des suprêmes aux pêches. Il en garnit des salades, en sert gratinés avec des pommes de terre. Il offre aussi des oeufs d'oie au déjeuner. «Un oeuf d'oie correspond à deux oeufs de poule extra-larges», dit-il.

Plusieurs produits des jardins de l'Oie, dont les rillettes et les terrines, sont vendus au restaurant. Ils sont aussi vendus à la boutique du Centre d'interprétation de Baie-du-Febvre et dans certaines épiceries de la région.

www.jardinsdeloie.com

www.labaraka.qc.ca

Photo: La Presse