Roland Quinton est un pharmacien qui ne voulait plus être pharmacien. Au milieu des années 70, il a acheté une ferme à Saint-Fortunat. Sa conjointe, Marie-Thérèse, qui est auteure dramatique, y a ouvert un théâtre - La Chèvrerie - qui, jusqu'à ce qu'il ferme ses portes, en 2005, attirait, bon an mal an, quelque 8500 spectateurs chaque été. Pendant ce temps, Roland Quinton bâtissait des cathédrales. Enfin, des maquettes en bois d'allumettes: Notre-Dame de Paris, tour Eiffel, Taj Mahal, pont de Londres, tour du CN... Rares sont les édifices célèbres qui ont échappé à son appétit de bâtisseur miniaturiste. Il a conçu des plans, mis au point des outils, passé contrat avec un fabricant d'allumettes qui lui livre des mini-madriers sans soufre et a fait breveter le tout. La firme Bojeux commercialise aujourd'hui, sous le nom de «Matchitecture», une vingtaine de modèles dans plusieurs pays et quatre continents.

Mais Roland Quinton s'est attelé à une tâche autrement colossale. Dans l'immense atelier aménagé dans une aile de sa maison, il construit une cathédrale gothique dont les dimensions n'ont plus rien d'une miniature: avec ses 14 pieds de long et 10 de haut, ses 10 clochers et ses 600 000 mini-madriers, elle a demandé 12 ans de travail et son bâtisseur estime qu'il lui faudra encore un an pour assembler les 100 000 madriers qui compléteront son chef-d'oeuvre. L'été prochain, il l'exposera dans la salle de l'ancien théâtre de la Chèvrerie, entouré d'une vingtaine de pièces, dont des répliques de quatre pieds de côté du Taj Mahal, de la statue de la Liberté et d'autres icônes architecturales. Ce sera la nouvelle attraction touristique de Saint-Fortunat. Original, Roland Quinton?

La moitié des habitants de Saint-Fortunat et des villages des alentours sont des Montréalais en rupture de stress urbain et quantité d'autres «réfugiés» venus s'établir dans les replis des Appalaches à la faveur du grand mouvement de «retour à la terre» des années 70 et 80. Comme Normand Toupin, un ancien professeur de langues qui pratique le «trash art» et expose ses oeuvres au «Musée incroyable», perdu au fond du Rang 7 de Saint-Adrien-de-Ham. Alors qu'il construisait sa maison avec des matériaux de récupération, Normand Toupin a accumulé tellement d'objets incongrus qu'il a eu l'idée de s'en servir pour faire de la sculpture. «Je suis un alchimiste des dépotoirs», lance-t-il avec panache. Devant le musée aménagé dans une vieille grange, d'improbables machines côtoient le Cygne des temps qui serait, selon l'artiste, le rejeton du croisement d'une libellule et d'un dragon. À l'entrée du sanctuaire, un écriteau bilingue (français et braille) enjoint: «Touchez SVP!» Les 250 sculptures exposées portent toutes des noms de circonstance: Lampe sur pied (un abat-jour coiffant une vieille bottine de chantier), les P'tits tamis (oeuvre abstraite constituée de tamis de cuisine) ou Le joli moineau (composition dont la pièce centrale est un volant de badminton)... «Je ne suis pas un patenteux: de toutes les machines que j'ai construites, aucune ne fonctionne», dit-il fièrement.

Comme Normand Toupin, Pierre Séguin est un ancien enseignant. Lui s'est «réfugié» à Saint-Ferdinand, sur un autre versant de la houle appalachienne, avec sa compagne, Sonia Mondor. Là, le couple, passionné d'horticulture, a façonné un des plus beaux jardins de la province sur un domaine de cinq acres. Comme Normand Toupin, ils ont récupéré des matériaux, mais aussi des pierres - pierres stratifiées, pierres à chaux, pierres sédimentaires, pierres de Thetford - pour les intégrer à leurs compositions végétales et, ainsi, amener les visiteurs à jeter sur elles un autre regard. Dans certains coins du jardin, on se croirait en Asie et dans d'autres au Mexique. C'est que Sonia Mondor et Pierre Séguin, qui gagnent leur vie comme paysagistes, passent leurs hivers à l'étranger, où ils puisent leur inspiration.

«Au départ, nous n'avions pas l'intention d'ouvrir le jardin au public, mais c'est une vitrine qui nous amène des clients et qui nous permet de faire de belles rencontres», dit Pierre Séguin.

 

L'environnement idyllique du Jardin de vos rêves sera bientôt saccagé. Le groupe espagnol Enerfin se prépare à hérisser les collines de Saint-Ferdinand et celles des villages des alentours d'une cinquantaine d'éoliennes, avec la bénédiction du gouvernement du Québec. Pierre Séguin et Sonia Mondor ont adhéré au Regroupement pour le développement durable des Appalaches (RDDA) qui s'oppose à la destruction d'un des plus beaux paysages du Québec. Mais ils ne se font pas d'illusions. «Malgré tout, il nous restera notre jardin», remarque Pierre Séguin. «L'hiver dernier, en plein centre-ville de Tokyo, nous avons découvert un merveilleux petit jardin de thé entretenu par des moines: Hama-rikyu Teien. Et là, nous parvenions à oublier les gratte-ciel qui l'entouraient et le tumulte de la mégapole. C'est ce qui nous arrivera ici.»Repères

Où ?

À 205 kilomètres de Montréal. Prendre la sortie 228 de l'autoroute 20, continuer par la route 165 jusqu'à Princeville, puis par la route 263.

Le Jardin de vos rêves

Ouvert tous les jours de 13h à 16h, du 24 juin au 1er septembre. 466, 4e Rang Nord, Saint-Ferdinand. www.lesjardinsdevosreves.com

Auberge de Saint-Fortunat

La spécialité du restaurant est le hamburger de bison. La viande provient d'un élevage situé dans le village voisin de Saint-Jacque-le-Majeur. L'auberge ne loue pas de chambres. Pour la programmation de l'Auberge de Saint-Fortunat, consultez le site www.aubergest-fortunat.com

Le Musée Incroyable

Ouvert les samedis et dimanches, de 10h à 17h (sur réservation en semaine), du 15 juin au 15 septembre. 1735, Rang 7, Saint-Adrien-de-Ham. www.museeincroyable.com

Pour plus de détails sur les assemblages en mini-madriers de Roland Quinton, voir le site de Matchitecture à l'adresse www.matchitecture.com.

Le Regroupement pour le développement durable des Appalaches: www.rdda.ca

Se loger à Saint-Fortunat:

L'auberge In: www.aubergein.com.

La Maisonnée

Cette maison de quatre chambres peut héberger une douzaine de personnes. Elle se loue pour le week-end ou à la semaine. www.maisonnee.com

Photo: André Désiront, La Presse

Le jardin de vos rêves à Saint-Fortunat