Pour quiconque aime le patrimoine religieux, la région des Cantons-de-l'Est est un peu comme le septième ciel. Construites durant la colonisation anglophone aux XVIIIe et XIXe siècles, les églises baptistes, méthodistes, unies et autres agrémentent le paysage avec leurs dimensions modestes, leurs lattes de bois blanches, leurs clochers sveltes.

Dans de nombreux villages, elles constituent le principal édifice, érigé à la croisée de chemins. Elles dominent sans écraser. Autour d'elles se serrent quelques maisons et parfois un ou deux commerces.

 

Dans ces villages tranquilles, où bien peu de monde circule durant la semaine, elles sont endormies dans le paysage, repliées sur elles-mêmes, portes closes. À chacune, pourtant, je m'arrête, séduit, pour prendre des photos, lire les panneaux résumant leur histoire, ou noter quelques détails architecturaux.

À Ulverton par exemple, l'entrée de l'église unie est dominée en plein centre par une tour aux lattes pastel. À Barnston, près de Coaticook, la pauvre église baptiste aux vitraux brisés aurait bien besoin d'un coup de pinceau et de marteau.

Tout le contraire des églises unie et anglicane de Ways Mills, quelques kilomètres plus à l'ouest. Reconnues par le ministère québécois de la Culture, ce qui leur a valu de salvatrices retouches, elles se font face, coquettes, fières et élancées.

Les cimetières ont leur propre histoire. Ils sont humbles et exigus. Ceux qui y reposent ont foulé la terre estrienne il y a bien longtemps. Ils l'appelaient Lacey, Cross, Hughes, Rexford, Brunson, Price, Homer ou McGillis. Norris, Smith, Bradley, Scott et Murray...

Plusieurs cimetières ne sont en fait qu'une poignée de pierres tombales timidement défendues par une clôture fatiguée. Les stèles sont d'un autre âge, chétives, pas très hautes et bien minces. Envahies par la mousse, elles ont perdu leur blancheur d'antan. Comme des vieillards, elles sont courbées par le poids des années.

Les cimetières sont bien souvent aménagés en retrait des églises, parfois au milieu de nulle part (certains sont abandonnés et quelques personnes tentent de les sauver), en bordure ou même en retrait des routes ou à d'autres endroits inusités.

Parlez-en à Patrick Breton, un natif de Marbleton (village intégré à la municipalité de Dudswell) dont le terrain côtoie un cimetière méthodiste. «Au début, lorsque j'étais assis dans mon salon, je fermais les stores pour ne pas voir les pierres tombales», rigole ce résidant de la rue Church qui s'occupe d'entretenir les pelouses, dont celle du cimetière. Celui-ci est disposé de façon un peu étrange, puisqu'il compte deux parties séparées par un petit espace vert. On dirait que les deux groupes de pierres tombales se boudent.

«Le cimetière qui fait face à l'église St.Paul's est anglican, alors que le petit, voisin de la maison de M. Breton, est un ancien cimetière méthodiste, explique Sara Line Laroche, coordonnatrice de l'Association touristique et culturelle de Dudswell. Bien qu'il reste des paroissiens anglicans dans Dudswell, je ne crois pas qu'il y ait d'autres méthodistes. Donc, il est gardé tel quel et entretenu par la communauté anglicane.»

Après 25 ans de bon voisinage, Patrick Breton s'est habitué à cette étrange promiscuité.