Les vieux préjugés ont la vie dure. Parlez-en aux Trifluviens. Depuis 15 ans, ils s'évertuent à redorer le blason de Trois-Rivières, mais les Québécois sont peu nombreux à connaître l'ampleur de la transformation. La ville minée par le chômage a cédé sa place à une ville festive et animée, qui célèbre en grand ses 375 ans d'histoire.

Laviolette aurait de quoi être fier de ses descendants. Le centre historique et commerçant de la ville, où l'explorateur avait dressé son fort en 1634, bourdonne d'une énergie contagieuse, décuplée par les festivités du 375e anniversaire: festivals (notez le s), amuseurs de rue, théâtre historique... La fête est commencée et elle va durer tout l'été.

Seulement, il faut sortir de l'autoroute pour y goûter. J'ai donc quitté la 40 (et ses inexplicables méandres) pour m'enfoncer vers le fleuve par le boulevard des Forges. Pour une fois, Trois-Rivières n'allait pas qu'être un point de ravitaillement entre Québec et Montréal. Pour une fois, j'allais voir ce qui se cache derrière son paysage autoroutier d'une triste banalité. Direction: le centre-ville et le quartier historique.

C'est là que bat le coeur de Trois-Rivières.

Première constatation: la voiture est inutile, voire encombrante. Les restos, les musées et presque tous les lieux d'activités sont concentrés dans un quadrilatère pas bien grand. La visite de Trois-Rivières se fait donc au rythme du promeneur. Je loge au centre de la fête, rue Bonaventure. Ma vaste chambre au manoir ancestral DeBlois sera mon point d'ancrage, lieu de départ et de retour de mes balades trifluviennes.

Pour souligner le 375e anniversaire, neuf musées de la ville présentent de nouvelles expositions. Au Musée québécois de culture populaire, on peut découvrir les grandes manifestations publiques qui ont marqué l'histoire, mais c'est une autre exposition qui pique ma curiosité: Québec en crimes. Du martyre de la petite Aurore jusqu'à l'Ordre du temple solaire en passant par l'attentat de Sault-au-Cochon, tous les grands crimes qui ont ébranlé le Québec lors du dernier siècle sont présentés ici.

Les pièces exposées sont pour la plupart des pièces à conviction conservées par les instances judiciaires et policières. Et certains présentoirs donnent froid dans le dos. Comment ne pas s'émouvoir devant le fer à repasser, le fer à friser et le fouet artisanal qu'a utilisés Marie-Anne Houde pour battre jusqu'à la mort sa belle-fille Aurore? «Ces objets sont les seuls que notre conservatrice a refusé de toucher», m'explique le directeur du musée, Benoît Gauthier.

Passionnante pour quiconque s'intéresse à l'histoire criminelle du Québec ou à la médecine légale façon Kathy Reichs ou CSI, l'exposition est une expérience bouleversante, surtout lorsqu'elle est jumelée à la visite de la Vieille Prison, en compagnie d'un ex-détenu.

L'heure est à la fête

Mais puisque l'heure est à la fête, je choisis de ressortir au soleil, loin des barreaux. Au parc portuaire et rue des Forges, les terrasses s'animent pour le lunch. Le paysage culinaire de Trois-Rivières a drôlement changé depuis ma dernière visite (qui doit remonter à une dizaine d'années). Les pizzerias et les établissements de restauration rapide ont cédé la place à des tables gastronomiques, des restos français, vietnamien, nord-africain... Des endroits au décor on ne peut plus branché, qui affichent des menus raffinés aux prix beaucoup moins gourmands qu'à Montréal ou à Québec.

Dans le lot, Poivre noir s'affiche comme l'adresse gastronomique par excellence, avec sa terrasse donnant sur le fleuve. Le jeune chef, José-Pierre Durand, a fait ses classes à Montréal aux côtés de Ian Perreault avant de revenir s'établir dans son patelin natal.

Il fallait du cran pour proposer à un aussi petit marché de la haute cuisine qui fusionne gastronomie française et saveurs du monde. Le pari a été relevé. Son menu, sans cesse en évolution, fait la part belle aux produits locaux, pour la joie des gastronomes: caille grillée sur yogourt tandoori, queue de boeuf à la truffe noire, carpaccio d'agneau, le tout mis en valeur par une impressionnante carte des vins.

Après le régal du ventre vient celui des yeux. J'erre dans des rues historiques préservées par le grand incendie de 1908 (Dieu merci), m'arrêtant devant des joyaux: manoir de Niverville (la plus vieille maison de Trois-Rivières, ouverte aux touristes pour la première fois cet été), couvent des Ursulines, église méthodiste reconvertie en restaurant. Sur les façades, je découvre les vers de grands poètes, témoins du réputé Festival international de la poésie qui se tient chaque automne. J'entre dans des boutiques surprenantes, me repose dans des cafés et bars tout aussi étonnants.

La journée passe à la vitesse grand V et bientôt, les terrasses sont bondées. La musique fuse. Le boulevard des Forges, fermé à la circulation, s'anime. Trois-Rivières a le coeur à la fête. Il y a de quoi. Sur les cendres de l'ancienne capitale mondiale du papier devenue capitale mondiale du chômage, les Trifluviens ont construit une ville où il fait - très - bon s'arrêter...

Les bonnes adresses

Célébrations du 375e ou pas, Trois-Rivières mérite qu'on s'y arrête pour ses restaurants, cafés et boutiques au caractère inusité. Ici, on ne craint pas le mariage des genres: un fleuriste qui sert du café frais moulu, un tatoueur qui vend des chaussures, un bar à jus où on peut trouver les dernières créations des designers québécois. Petit carnet de ces adresses pas comme les autres.

De la coupe au livre

D'un côté, une librairie où on peut feuilleter des magazines du monde entier. De l'autre, un bar à vins au décor moderne (et au cellier bien garni) où on présente des concerts jazz tous les vendredis. Le résultat donne envie de s'éterniser devant un verre de Tariquet, un plateau de fromages québécois et une pile de magazines. 1215, rue des Forges

www.delacoupeaulivre.com

Illico

Est-ce un fleuriste, un bar, une galerie d'art? C'est tout ça à la fois. Amateurs d'art contemporain, promeneurs désireux de boire un verre de rosé sur une terrasse ombragée, amoureux à la recherche d'une gerbe de fleurs: la clientèle est multiple, comme les visages de cette boutique à l'ambiance feutrée. 60, rue des Forges

Lounge

Les designers du Québec (comme Ève Gravel et Kollontaï) et d'ailleurs ont trouvé un écrin qui leur sied à merveille dans cette boutique vitaminée où on peut tout à la fois fouiner dans la vaste collection de vêtements et de bijoux, boire un jus fraîchement pressé et découvrir des oeuvres d'art originales. Le tout sur fond de musique électronique. 1345, rue Hart

www.shopatlounge.com

Gelateria Minerva

Ici, la fusion ne vient pas de la déco (inexistante), mais plutôt des épices utilisées par Minerva pour la confection de ses gelati maisons. Sa glace au riz, qui mêle cardamome, cannelle, girofle et muscade, est divine. Un coup de coeur à déguster directement sur la terrasse du parc portuaire. 1300, rue du Fleuve

www.illicogalerie.com

X9

Un mélange on ne peut plus urbain: tatouage et mode. La boutique est l'endroit tout indiqué pour trouver vêtements et chaussures Ed Hardy, Lucky 7, Affliction... Des marques qui sonnent comme de la musique aux oreilles des amateurs du look hip-hop et preppy-trash. 220, rue des Forges

O Carré

Une boutique de mode qui propose des créations originales et des vêtements sur mesure confectionnés directement dans son atelier de couture. Banal? Pas si vous ajoutez à cela un salon de beauté avec coiffeur, styliste, massothérapeute et manucure. 462, rue des Forges

www.o-carré.com

Des activités pour célébrer

Plus de 300 activités figurent au programme des festivités du 375e anniversaire de Trois-Rivières. Pour en profiter pleinement, un passeport au coût de 20 $ donne accès aux principaux musées de la ville. Plusieurs autres activités sont gratuites. Voici notre sélection.

Les sages fous

Ils ont amené leurs marionnettes géantes aux quatre coins du monde. Pour le 375e anniversaire de Trois-Rivières, la compagnie de «théâtre insolite» Les sages fous présente une série de spectacles de rue inédits. Des compagnies étrangères animées d'une même folie se joignent aussi à la fête. Au programme: théâtre forain, marionnettes, mimes et autres curiosités.

Spectacles gratuits présentés les 23, 24, 25, 30 et 31 juillet, les 1er, 27, 28 et 29 août et les 4 et 5 septembre.

www.sagesfous.com

Grand Prix de Trois-Rivières

Cette compétition internationale de course automobile a vu passer certains des plus grands pilotes de l'histoire (dont Gilles Villeneuve). Pour souligner son 40e anniversaire, les organisateurs offriront un immense spectacle pyrotechnique, le plus important jamais présenté à Trois-Rivières, dit-on. Les meilleures places seront au parc portuaire et l'accès est gratuit.

Grand Prix de Trois-Rivières, du 14 au 16 août; feu d'artifice, 15 août, à 22 h.

www.gp3r.com

Spectacle de clôture

C'est le 26 septembre que se terminent officiellement les festivités du 375e anniversaire de la ville, avec un vaste spectacle multimédia conçu et mis en scène par le star-académicien de la première saison Jean-François Bastien. Ce sera l'occasion de présenter les grandes fiertés trifluviennes du passé et du présent.

Spectacle gratuit au centre-ville de Trois-Rivières.

Centre d'exposition sur l'industrie des pâtes et papiers

Pour sa dernière année dans ses locaux du parc portuaire (le CEIPP va s'établir dans le nouveau complexe Boréalis en septembre 2010), le Centre présente son exposition Plongée dans l'histoire. Pour l'occasion, le musée s'est transformé en monde sous-marin. L'objectif: expliquer le rôle qu'ont tenu la rivière Saint-Maurice et le fleuve Saint-Laurent dans l'histoire de la ville. Jusqu'au 27 septembre.

www.ceipp.net

Albert Tessier et sa petite patrie

Une promenade historique pour découvrir les personnages, événements et lieux qui ont marqué l'histoire de Trois-Rivières. Le tour de ville gratuit, animé par des personnages en costume d'époque, se met en branle tous les jours, sauf le dimanche, à 13 h 30 au CEIPP.

Biennale internationale d'estampe contemporaine

Plusieurs lieux historiques de la ville exposent les estampes contemporaines d'artistes d'ici et d'ailleurs. Une biennale qui constitue une manifestation majeure dans le monde de l'estampe en Amérique du Nord.

sites.rapidus.net/biennale.trois-rivieres/

Lieu historique national des Forges-du-Saint-Maurice

Animations et expositions sont à l'horaire de ce site patrimonial industriel situé à 20 minutes du centre-ville. L'exposition La naissance d'un village commémore le long parcours de l'industrie sidérurgique canadienne. Une autre, Au lieu dit les trois rivières, met en lumière le rôle des premières nations, particulièrement la nation attikamek, dans l'histoire de la ville.

Animation familiale les vendredis et samedis jusqu'au 5 septembre.

www.pc.gc.ca/forges