La rivière des Mille-Îles et le lac des Deux-Montagnes pourraient bientôt attirer des adeptes du canot-camping, selon une étude de faisabilité de la Route bleue du Grand Montréal rendue publique cette semaine. La métropole pourrait alors reprendre son rôle historique d'étape majeure des parcours canotables au Québec.

«La rivière des Mille-Îles, c'est un plan d'eau calme, sans obstacle, accessible à tous, dit Jean Lauzon, directeur du Parc de la rivière des Mille-Îles et coordonnateur de l'étude. Il s'agit de prendre certaines précautions élémentaires.»

L'objectif est de réaliser le tronçon montréalais du Sentier maritime du Saint-Laurent. Le segment de la Côte-Nord a été inauguré en 2006, celui du Bas-du-Fleuve en 2005 et celui de Chaudière-Appalaches l'an dernier.

L'étude propose plusieurs trajets entre Carillon à l'ouest et Repentigny à l'est, sur plus de 100 kilomètres. Ces parcours tiennent compte des milieux naturels fragiles et des obstacles comme les barrages.

«Le but de la Route bleue, c'est de rendre le cours d'eau accessible, dit M. Lauzon. Les gens ne le connaissent pas vraiment. Ce n'est pas comme le vélo. Il faut susciter la découverte, l'utilisation des cours d'eau comme activité de loisir, comme activité de plein air, même comme activité culturelle. Il y a des bâtiments comme des églises historiques qu'on découvre d'un angle nouveau sur l'eau.»

La prochaine étape: conclure des ententes avec des propriétaires riverains pour les mises à l'eau, les portages et les campings. Et installer une signalisation. Peut-être l'an prochain, si tout va bien.

Il restera un frein, celui de la qualité de l'eau. Malgré des milliards investis dans des usines d'épuration, à Laval et dans la couronne nord, la rivière des Mille-Îles continue d'être impropre à la baignade à plusieurs endroits, plusieurs jours chaque été.

Une étude du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), publiée en 2007 affirme qu'«une importante contamination bactériologique a été observée en aval de certaines stations d'épuration (Boisbriand et Saint-Eustache principalement) et de façon presque généralisée par temps de pluie.»

Le premier coupable: le débordement des réseaux d'égouts, qui sont incapables de faire leur travail par forte pluie. Il y a 173 ouvrages de «surverse», qui permettent de tels débordements, le long de la rivière des Mille-Îles. En 2005, 121 d'entre eux ont débordé au moins une fois. L'un d'entre eux, situé à Terrebonne, a été en surverse pendant 136 jours en 2005. Précisons toutefois que des améliorations ont été apportées depuis à certaines des usines les plus problématiques.

Faut-il pour autant se priver du plaisir de tremper sa pagaie dans la rivière des Mille-Îles?

M. Lauzon ne le croit pas. La norme pour la baignade est plus exigeante (200 coliformes fécaux par 100 ml) que celle pour les activités nautiques (1000 par 100 ml).

«C'est sûr que toutes les usines devraient avoir des installations pour éviter les surverses, dit-il. Je ne peux pas dire que demain matin on va envoyer tout le monde se baigner, mais je ne vois pas de raison de limiter les activités comme le canot et le kayak.»

Verra-t-on un engouement pour le canot et le kayak, comme on l'a vu pour le vélo avec la multiplication des pistes cyclables?

Pierre Trudel, directeur de la Fédération québécoise du canot et du kayak, ne le croit pas. «Le milieu ne peut pas accueillir des centaines de canots en même temps, dit-il. Il y aurait des embouteillages aux emplacements de mise à l'eau. Et ceux qui font du canot recherchent la tranquillité.» Mais des facteurs jouent en faveur du succès de la Route bleue. «Il y a 80 000 canots et kayaks dans la région de Montréal, dit M. Trudel. Et avec l'augmentation du prix de l'essence, les embarcations sans moteur vont gagner en popularité.»

De toute manière, compte tenu de son faible coût, le projet de route bleue en vaut largement la peine, dit M. Trudel. «Une route bleue, ça ne coûte rien, c'est de l'information, c'est tout. Ce n'est pas comme une piste cyclable qui coûte de l'argent à construire.»