Sous une colline du discret village de Carp, en banlieue d'Ottawa se terre l'un des plus étonnants secrets militaires canadiens. Un complexe de quatre étages qui a attendu pendant 33 ans une attaque nucléaire qui, heureusement, ne s'est jamais matérialisée. Impressionnant vestige de la guerre froide, le «Diefenbunker» est ouvert au public après des décennies de secret. Mais son existence est encore peu connue.

«Les gens méconnaissent la guerre froide, estime Jesse Alexander, gestionnaire des relations publiques du Diefenbunker. Plusieurs étaient trop jeunes pour s'en souvenir et un plus grand nombre ne savaient pas à quel point cette crise politique entre l'URSS et les États-Unis a été prise au sérieux au Canada.» Le gouvernement fédéral tenait à jour une liste de 535 personnes dont le rôle était jugé essentiel pour diriger le pays advenant un conflit nucléaire. Ce sont aussi ces élus et hauts fonctionnaires, représentant les différents ministères et organismes publics, auxquels aurait incombé la tâche de reconstruire le pays.

Le Musée canadien de la guerre froide est surnommé le «Diefenbunker», du nom du premier ministre qui en a commandé la construction dans les années 60. Construit en moins de deux ans, le vaste bunker avait été présenté à la population locale comme étant un abri pour un centre de communication de l'armée. C'était une demi-vérité, puisqu'à cette fonction s'ajoutait aussi celle d'un refuge permettant de survivre pendant 30 jours à l'explosion d'une bombe atomique d'une mégatonne, une puissance 75 fois supérieure à celle ayant rasé Hiroshima.

Il y a suffisamment d'acier et de béton dans cette construction pour ériger une tour de 20 étages. Cette masse devait résister au choc d'un bombardement, mais aussi offrir suffisamment d'espace habitable pour planifier des opérations névralgiques en cas de guerre.

Chacun des quatre étages avait sa fonction. Advenant une menace d'attaque nucléaire, les personnes identifiées sur la liste des VIP auraient été conduites au bunker, sans avoir le droit d'amener avec elles les membres de leur famille.

Les studios bien équipés de Radio-Canada, au niveau inférieur, auraient permis d'informer la population des mesures à prendre et des zones à éviter ou à évacuer. Comme tout le bunker, les studios sont meublés des équipements d'époque, souvent originaux. C'est aussi à ce niveau que l'on trouve le bureau et la chambre à coucher spartiate destinés à accueillir le premier ministre.

Ces locaux côtoient la salle du cabinet de guerre et surtout, l'impressionnante salle d'information où l'on aurait pu suivre la progression du conflit sur de grands tableaux et des cartes du Canada. Les informations auraient été mises à jour grâce aux liens avec les alliés de l'OTAN, les services météorologiques et les télécommunications établies avec les bunkers situés ailleurs au pays.

Les locaux destinés à la récréation des captifs ainsi que la grande cafétéria et les réserves étaient situés à l'étage inférieur. Les grands réfrigérateurs de ce niveau auraient aussi pu servir de morgue de fortune, mais ça, les invités n'avaient pas à le savoir.

Au niveau le plus profond du bunker se trouvent les dortoirs et la salle des machines, car pour maintenir ces locaux habitables il fallait toute une machinerie allant des génératrices aux climatiseurs en passant par un colossal système de filtration et de purification de l'air. En ce qui concerne les espaces de repos, il faut savoir qu'ils ont été inspirés de ceux des navires militaires pour comprendre leur étroitesse. Un dortoir avait été prévu pour le personnel féminin, deux niveaux au dessus de celui des hommes.

Au niveau le plus profond du bunker, coupé du bâtiment principal par un étroit tunnel bétonné, se trouve la plus secrète des salles du bunker. C'est ici, à 70 pieds sous terre que le gouvernement canadien envisageait de ranger tout l'or de la Banque du Canada, car de l'or irradié aurait été sans valeur.

Le bunker n'a jamais été utilisé. En dehors du cercle des initiés, rares étaient ceux qui en connaissaient même l'existence.

Il faut obligatoirement réserver pour visiter cet impressionnant souvenir de la guerre froide. On y trouve tellement de salles et de recoins sombres qu'une visite individuelle serait difficile à gérer. La tournée des quatre étages nécessite au moins deux bonnes heures.

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www.diefenbunker.ca Réservation: 1-800-409-1965 (On peut aussi demander pour une visite en français.) Coût: 6 à 14 $, selon l'âge.