Entre un tourisme de masse et le haut de gamme, la Polynésie française choisit le camp du luxe et de l'«authenticité» pour tirer une économie en berne en tablant sur de massifs investissements chinois, explique à l'AFP Jean-Christophe Bouissou, le ministre polynésien du Tourisme et de la Relance économique.

Avec «certainement 180 000 touristes en 2014», la Polynésie est restée en retrait de la croissance du tourisme dans la zone Pacifique mais M. Bouissou ne s'en émeut pas: «Veut-on un tourisme de masse alors que nous sommes 270 000 habitants au risque d'être submergés? Veut-on un développement du type Hawaï: billets pas chers, 8 millions de touristes et des habitants parqués et qui ont perdu leur langue?»

De même, un brin agacé par les comparaisons avec ses voisins, le ministre rappelle que les «700 000 touristes par an de Fidji génèrent moins de chiffres d'affaires que nos 180 000 touristes».

Alors, pour atteindre l'objectif ambitieux de 200 000 touristes en 2015, voire 300 000 en 2018, le ministre du Tourisme positionne le «produit polynésien» sur un haut de gamme spécifique grâce à l«'authenticité» du mode de vie polynésien préservé.

Le coût du transport aérien étant le principal frein de cette destination lointaine, «le nombre de billets vendus à -30% du prix public à travers les réseaux de tours opérateurs vont passer de 15 000 à 30 000 cette année», annonce M. Bouissou, également ministre du Transport aérien international et tutelle de la compagnie Air Tahiti Nui (ATN).

De plus, pour renforcer la desserte, ATN «est sur le point d'entrer dans l'alliance One World» ce qui «nous ferait passer de 6 à 7 code shares actuellement à plus d'une centaine», souligne Jean-Christophe Bouissou, qui espère que cela se fera «cette année».

ATN vient de choisir Boeing pour renouveler sa flotte de long-courriers, délaissant Airbus. Le 787 Dreamliner américain correspond mieux «aux futures routes que nous souhaitons traiter et notamment la Chine», souligne M. Bouissou.

Les Chinois, des touristes dépensiers 

Car les «touristes chinois sont très dépensiers» se réjouit M. Bouissou, racontant l'anecdote de ce collier en perles de Tahiti à 200 000 euros vendu à un Chinois. S'ils ne sont que 3000 à venir à Tahiti, Bora Bora ou Moorea, le gouvernement polynésien rêve d'en voir arriver jusqu'à 80 000 ou 90 000 à terme si d'importants projets se concrétisent avec des investisseurs chinois.

Le ministre évoque «l'implication de grands groupes comme Hainan dans la réalisation de complexes touristiques». Cette société forte d'«une branche hôtelière, une compagnie aérienne et une branche financière est sur le point de signer avec nous un protocole d'accord stratégique pour la réalisation d'un complexe hôtelier sur Tahiti», affirme le ministre.

Les Chinois se montrent intéressés d'avoir la pleine propriété ou la copropriété de plusieurs hôtels existants. Cela permettrait «de mettre rapidement» des vols «depuis Pékin ou Hong Kong vers Papeete», selon le ministre, qui en espèrerait une montée en puissance à «18 000 touristes» annuels.

Pour apaiser les inquiétudes locales, la mise à disposition des terrains domaniaux («300 ha ainsi que la gestion du golf» pour le projet Atimaono) se fera sous forme de «baux emphytéotiques» et le protocole d'accord avec Hainan comporte des «obligations de recrutement de Polynésiens» tant pour la construction que l'exploitation.

Outre Atimaono, l'autre projet colossal est le complexe touristique de Mahana Beach, 52 ha avec hôtels de luxe, casino, sur la côte ouest, «un projet à 3 milliards d'euros à réaliser en 3, 4 ou 5 ans, donc rapidement», estime M. Bouissou, qui attend toutefois encore des investisseurs internationaux.

Il met en garde contre la «pénurie de main-d'oeuvre» mettant en regard les 3 à 4.000 chômeurs du BTP et les 10 000 emplois attendus du Mahana Beach. Il lance d'ailleurs un appel au retour des Polynésiens expatriés.

«2014 a connu une progression de 0,8% des emplois créés, c'est le creux de la vague, la reprise est en cours et ces grands projets vont permettre de l'accélérer», veut croire M. Bouissou, quand la Polynésie connaît «22% de chômage», le double de 2007.