La biologiste Pascale Otis revient d'un voyage de plusieurs mois en mer à bord d'un voilier de 13 mètres, pour découvrir les secrets du Pacifique. Elle vous présente le royaume de Tonga, un pays coincé entre le passé et l'avenir.
Après une longue traversée en mer, nous voici à Tonga, prêts à découvrir ce petit coin du monde très peu connu des agences touristiques. Pourtant, on y retrouve bien quelques hôtels, sans oublier l'important centre de location de bateaux qui permettent d'aller passer quelques semaines dans les nombreuses îles qui forment les trois archipels.
Les îles sont superbes, les gens sont accueillants et la vie sous-marine est surprenante.
Par contre, on se rend compte que la vie des Tonguiens n'est pas aussi facile qu'on voudrait bien le croire. Ils vivent pauvrement. On a du mal à imaginer le sort des villages où triomphent des bâtiments laissés à l'abandon, où les enfants n'ont pas accès à des installations de base pour assurer leur éducation.
Et après plus de deux mois passés à Tonga, je ne sais toujours pas ce que le futur réserve à l'un des derniers royaumes du monde. En effet, la famille royale ne compte pas beaucoup de points dans le coeur des Tonguiens, qui sont coincés entre la culture traditionnelle et le désir de vivre au rythme des sociétés en plein développement.
Un grand nombre d'attentats ont eu lieu récemment pour protester contre le plus puissant personnage de ces îles paradisiaques : le roi. Ces attentats ont laissé des bâtiments en ruine au centre-ville de la capitale. Et des centaines de graffitis et d'affiches pour protester contre le roi sont encore visibles le long des routes qui mènent au palais royal.
Au centre de la capitale, le palais royal est facile à distinguer : ce sont les bâtiments clôturés, farouchement gardés, où personne ne peut entrer. On dit que le roi ne veut parler à personne, surtout pas à son peuple. Dans les rues tout près du palais, on peut apercevoir des bâtiments en ruines. Ces murs de briques noircies par les flammes ont peut-être été les tristes victimes des derniers attentats.
La capitale de Tonga n'est donc pas une destination touristique que vanteraient les agences de voyage. On envoie plutôt les visiteurs dans les îles un peu plus au Nord, principalement dans le groupe de Vava'u, où il n'y a pas d'attentats. On y trouve des îles tranquilles, de petits villages et une assez bonne sélection d'activités à faire sur terre et dans l'eau.
Religion omniprésente
Photo Pascale OtisÀ Tonga, tous les chemins ne mènent pas au palais du roi. Ils mènent plutôt à plusieurs églises, car il faut mentionner que les Tonguiens sont particulièrement religieux. Le dimanche est un jour de repos. Le travail est interdit, la baignade aussi. Même en semaine, la baignade doit se faire avec des vêtements. Interdiction de montrer trop de peau. Et le dimanche, tout se passe dans les églises. Les visiteurs sont aussi fortement encouragés à participer aux célébrations.
Sur la minuscule île de Ha'afeva, pour une population de 200 personnes, on peut compter six grandes églises. L'Église libre de Tonga (50 % de la population et deux églises), celle des mormons (30 %), des catholiques (10 %), des méthodistes (6 %) et des pentecôtistes (4 %).
Tous s'habillent pour l'occasion : ils portent une ceinture tressée appelée le ta'ovala, qui est faite avec les feuilles d'un petit arbuste tropical. Pour nous, le ta'ovala peut avoir l'air d'un tapis tressé en paille qu'il vaudrait mieux laisser à l'entrée de la maison, mais pour les Tonguiens, c'est un signe de respect. Il peut signifier un mariage, un décès, ou toute autre occasion spéciale. Plus il est usé et troué, plus il a de la valeur.
Les églises font contraste aux demeures des Tonguiens. Leurs maisons, souvent très rudimentaires, ne comptent que deux ou trois petites pièces qui servent à la fois de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. Les lits sont la plupart du temps inexistants. On dort par terre. Les gens vivent simplement. Mais pour le peu qu'ils ont, ils tiennent à le partager.
Comme des rois
Les femmes tissent des tapis exportés vers la Nouvelle-Zélande.Photo Pascale Otis
Nous étions dans le groupe des îles de Vava'u, au Nord. C'était un soir de pluie, alors nous n'avons pu voir la maison de l'extérieur, puisqu'elle n'était pas éclairée. À l'intérieur était placé un tapis sur le plancher de béton. On s'est assis par terre avec notre hôte, faute de chaises, tandis que sa femme et ses enfants sont restés à l'écart. Les murs étaient dénudés. On n'y voyait que trois photos de famille. On avait aussi accroché un drapeau du Canada pour souligner notre passage. La porte d'entrée était tenue fermée par une grosse pierre pour empêcher les cochons et les poules d'entrer.
Malgré l'humble demeure, la visite d'étrangers est toujours considérée comme une grande occasion. On les traite véritablement comme des rois. À leur mesure, car le repas se sert par terre sur le tapis tressé qui est placé au centre de la pièce principale. Papayes bouillies, bananes cuites, lait de noix de coco, poisson et taro sont immanquablement au menu, tous les jours, à tous les repas. Les gens vivent ici de manière très simple. On utilise nos mains dans les plats pour se servir et manger, car les ustensiles sont inexistants, comme les serviettes de table.
Vous n'insulterez personne en ne vidant pas les plats, car contrairement à ce qui prévaut dans notre mentalité, les enfants attendent justement en retrait dans la pièce que les adultes aient terminé pour avoir l'autorisation de manger ce qu'il reste. La culture des Tonguiens est ainsi basée sur une hiérarchie entre les aînés et les plus jeunes. Chez eux, l'enfant-roi n'existe tout simplement pas.
Les Tonguiens ont une culture qui sort de l'ordinaire et c'est justement ce qui rend mémorable ce type de voyage. Car des belles plages, vous en trouverez sans difficulté un peu partout dans le monde. Nous avons fait le tour des îles de Tonga pendant deux mois et c'est définitivement un pays qui nous a plu, tout simplement parce que son peuple y était différent de tous les autres que nous avons rencontrés dans le Pacifique.
Repères
Un souper chez un ami rencontré dans l'archipel de Vava'u.Photo Pascale Otis
> Géographie
Les îles Tonga sont situées dans l'océan Pacifique à environ 650 kilomètres à l'est des îles Fidji. Le royaume comporte plus de 170 îles et îlots, répartis en trois archipels principaux.
> Histoire
C'est entre les années 1773 et 1777 que le navigateur James Cook prit contact avec les insulaires de Tongatapu, la capitale des Tonga. Il baptisa cet archipel «îles amicales». Malgré ses premières bonnes impressions, le célèbre capitaine a quand même perdu plusieurs de ses hommes, massacrés par les habitants qui tentaient d'assassiner James Cook. Heureusement, les habitants sont beaucoup plus accueillants de nos jours!
> Habitants
On nomme les habitants des Tonga des Tonguiens. Le tiers des 105 000 habitants résident à Nuku'alofa, la capitale. On y parle le tonguien et l'anglais.
> Un royaume
Tonga est la dernière monarchie du Pacifique depuis la mort du roi de Samoa en 2007. La famille royale en a uni les îles en 1845, puis elles devinrent une monarchie constitutionnelle en 1875, suivies d'un protectorat britannique en 1900. L'archipel a ensuite acquis son indépendance en 1970. Encore aujourd'hui, un roi gouverne le pays. Le roi de Tonga détient le pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est partagé entre le gouvernement et l'assemblée législative. La plus haute instance du pouvoir judiciaire est la Cour suprême, dont les juges sont nommés par le roi.
> Destination touristique
Je suggère de combiner vos vacances à Fidji avec un séjour d'une semaine à Tonga. La compagnie Air Fiji offre la liaison par avion avec des tarifs très abordables. Le tourisme à Tonga n'est pas encore très développé, mais si vous y prévoyez un séjour, rendez-vous dans le groupe des îles de l'archipel de Vava'u, au Nord. Les gens qui aiment la mer y sont choyés. Vous pouvez louer un voilier pour réellement profiter de votre expérience et partir à la découverte des nombreuses îles, dont plusieurs sont inhabitées.
> Pour en savoir plus
Avis aux intéressés, l'équipe de Défi Québec Monde donne des conférences sur les endroits visités en voilier, en 2007, lors de l'expédition.
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