Une visite au hammam al-Abhar, un établissement de 410 ans d'âge dans la vieille ville de Sanaa, plonge autant le visiteur dans les bains de vapeur bons pour la santé que dans le riche passé du Yémen.

Depuis des siècles, les hammams, ou bains turcs, font office de lieux de discussion au Moyen-Orient. Mais certains sont aussi des joyaux d'architecture, comme al-Abhar, où les hommes de tous âges devisent dans la chaleur moite de pièces circulaires, baignées de trous de lumière naturelle provenant du plafond en forme de dôme.

Sanaa est habitée depuis plus de 2.500 ans et sa vieille ville, classée au patrimoine mondial de l'Unesco, compte 14 hammams, 103 mosquées et plus de 6.000 maisons, le tout datant d'avant le XIe siècle.

En arrivant à al-Abhar, le client laisse au vestiaire sa longue robe et son poignard traditionnels pour satisfaire au rituel immuable des différentes salles: d'abord l'air chaud et sec, puis le bain de vapeur où le visiteur se savonne et se lave le corps, enfin le massage vigoureux sur les jambes, les mains, le ventre et le dos.

«Je vis dans la vieille ville et je viens au hammam presque chaque jour», affirme à l'AFP Ismail Abou Taleb, un bijoutier de 65 ans. «Pour beaucoup, ces murs sont les vestiges d'une époque glorieuse, mais pour nous cette histoire fait partie de notre quotidien», explique-t-il.

Pour certains, le bain permet d'éviter les maladies, pour d'autres, il fait des miracles pour la vie sexuelle.

Hachem al-Hamzei, 30 ans, vient au hammam quatre fois par semaine, pour se laver et pour améliorer ses performances dans l'intimité. «L'eau chaude et le massage fait mieux circuler le sang et vous rend plus fort pendant la nuit», assure ce commerçant qui se doit d'honorer ses deux épouses.

Il avoue diviser sa semaine entre ses deux femmes, et s'accorder un jour de repos. «Le mardi, c'est mon jour, poursuit-il. Je viens me laver, passer du temps avec mes amis. Ce jour-là, je ne peux regarder aucune femme».

Pour Hachem al-Hamzei, les jeunes yéménites vont au hammam pour les mêmes raisons de virilité. «Le hammam, c'est juste le début, puis vous vous sentez fort comme un tigre en mâchant du qat», une feuille d'arbuste aux vertus euphorisantes, ajoute-t-il.

Certains jours, le hammam est réservé aux femmes, notamment le jeudi, jour traditionnel pour célébrer les mariages.

«Ce jour-là, il y a des rituels spéciaux pour les futurs mariés», dit Yehya al-Sadik, 40 ans, l'un des propriétaires d'al-Abhar. «Après le bain de vapeur, on enduit le corps de la future mariée d'huile et d'encens, pour la préparer à la grande nuit», explique-t-il.

L'entrée au hammam coûte 200 riyals (un dollar) mais une visite peut monter jusqu'à 2.000 riyals «car le prix dépend de ce que veut le client» qui peut même y prendre son repas, précise le propriétaire.

Bon pour la santé, le hammam est même pour ses adeptes un remède contre la grippe H1N1, qui a déjà fait 6.000 morts dans le monde.

«Mon fils, Mohammed a la grippe, alors je l'amène chaque jour pour un bain», affirme Khaled Rafik, 39 ans. «L'eau chaude et la vapeur sont meilleures que tous les médicaments. Cela tue tous les germes et immunise le corps, notamment contre la grippe (H1N1)», assure-t-il.