Ce qui distingue Israël du Canada? Le premier a trop d'histoire et pas assez de géographie. Alors que pour le second, c'est précisément le contraire...

J'ai longtemps pensé que cet aphorisme constitue le plus saisissant raccourci du conflit au Proche-Orient. Jusqu'à ce que je décide de prolonger un voyage professionnel dans la région par deux semaines de vacances en Israël. Et que je découvre que de la géographie, là-bas, il y en a assez pour ne plus savoir où regarder! En particulier dans le désert de Judée, près de la mer Morte, où nous avons fui la pluie froide de février qui s'abattait sur le reste du pays.

 

Le kibboutz

Nous quittons Jérusalem en fin de matinée pour amorcer la descente vers la mer Morte. Moins d'une heure et plus de 1000 mètres de dénivellation plus loin, nous changeons de zone climatique. Le soleil plombe sur les parois des collines désertiques qui longent la mer. Vu de la route, le kibboutz Ein Gedi se présente comme une petite tache de verdure à flanc de montagne. À l'intérieur, on plonge dans un univers où le mot «luxuriant» prend tout son sens. C'est une oasis créée de toutes pièces par de jeunes Israéliens qui y ont planté leurs racines dans les années 50. Comme d'autres kibboutz, Ein Gedi a peu à peu délaissé l'agriculture collective. Aujourd'hui, c'est un complexe hôtelier où on loge dans de petites maisonnettes perdues au milieu de dattiers, orangers et cactus de toute forme. Il y a un jardin botanique et une piscine. La cafétéria offre un choix impressionnant de salades et légumes grillés, en plus de poissons et de viandes cuites juste comme il faut.

Il y a aussi un petit bar-terrasse avec vue sur la mer et les collines rosées de la Jordanie. Ce paradis compte même un baobab (!) dont le tronc charnu sert de lieu de rassemblement pour quelques activités de groupe.

Nous tombons sous le charme. Notre séjour, prévu initialement pour une nuit, durera finalement trois jours. À un tarif plus qu'abordable, selon la formule du tout-inclus, y compris le séjour au spa...

La mer

Dès que nos bagages sont posés, nous filons vers la mer. Une navette permet de joindre le spa Ein Gedi, mais nous préférons gagner notre ciel en marchant pendant environ une heure. L'accès à la berge est limité aux endroits désignés: avec la baisse continuelle du niveau de la mer Morte, l'eau affleure à la surface d'un sol potentiellement instable.

Le spa consiste en un bâtiment avec piscines d'eau sulfureuse, d'où l'on peut emprunter le sentier qui mène vers la plage. Saturée de sel, l'eau a une consistance épaisse, un peu gluante. Eh oui, on y flotte au point de pouvoir rester assis et lire un livre, comme sur les photos! Nous préférons nous laisser porter sur le dos, les yeux fermés - une expérience de relaxation extrême. D'autant plus qu'ici, au point le plus bas du globe (420 m sous le niveau de la mer), l'air est sec et particulièrement riche en oxygène.

Au retour, on s'arrête devant les barils remplis de boue gorgée de sels minéraux et autres substances bienfaisantes. Un endroit peuplé de fantômes noirs qui attendent que la boue sèche sur leur peau, avant de la laver à grands coups d'eau salée. Résultat: une peau douce comme celle d'un nouveau-né.

Le temps de rentrer au kibboutz et de se changer, et la journée est finie. En prenant l'apéro à la terrasse, nous regardons les collines désertiques changer de couleur sous le soleil déclinant. Elles sont couleur sable, puis ocre, avant d'irradier une flamme orangée. C'est comme un film sur écran géant...

La forteresse de Massada

Une seule journée à la mer Morte suffit pour changer de rythme. Courir, ici, relève de l'hérésie. On se contente d'une seule destination touristique quotidienne, puis on soigne nos corps endoloris à la boue bienfaisante.

Ce jour-là, nous optons pour Massada, la fameuse forteresse juive sur une falaise qui surplombe la mer Morte. Aménagée par Hérode le Grand, elle a servi de refuge à un groupe de rebelles juifs qui y ont résisté pendant sept mois au siège des Romains, avant de se suicider collectivement pour éviter de tomber aux mains de l'ennemi.

Un sentier à flanc de montagne s'élève de 450 mètres avant de déboucher sur les vestiges de ce lieu mythique. À ce temps-ci de l'année, la montée se fait bien et dure environ une heure. Mais en été, quand le mercure file vers les 40 degrés, il peut être tentant d'opter pour le téléphérique...

La visite nous permet d'imaginer le quotidien de ce groupe radical émanant du parti des Juifs «zélotes»: on voit les pigeonniers où ils élevaient leurs volailles, les citernes où ils préservaient leur eau, les fondements de l'ancienne synagogue, etc. Et tout en bas, le dessin du campement des Romains.

Des voyages organisés quittent Jérusalem très tôt le matin pour voir Massada au lever du soleil. Mais ralentis par le surplus d'oxygène et de sels minéraux, nous avons visité les lieux à une heure bien plus pépère... Le temps de pique-niquer sur un petit banc, c'était déjà l'heure du spa.

Wadi David

De loin, les falaises du désert de Judée se dressent en des parois aux allures inhospitalières. Mais en réalité, de nombreux sentiers grimpent sur les flancs rocailleux de ce massif montagneux. À quelques minutes d'auto du kibboutz se trouve la réserve naturelle d'Ein Gedi, d'où l'on peut rejoindre plusieurs de ces sentiers. Nous choisissons celui du Wadi David (wadi signifie vallée en arabe) et qui aboutit à une cascade (Nachal David).

Le sentier bordé d'arbustes secs du désert finit par s'élever au-dessus de la ligne de végétation et nous offrir une vue vertigineuse sur la mer. Au retour, nous faisons un détour par un bassin d'eau fraîche, d'un vert émeraude. Plus tonifiante que le lac de sel qui nous attend en bas... et où nous finirons quand même notre journée, on n'y échappe pas. Puis, au lieu de l'apéro, une séance de Pilates sous le baobab. Avec, en toile de fond, les falaises flamboyantes.