Jean-Jacques Rousseau superstar? Le vieux grincheux ne serait certainement pas d'accord. Mais la ville de Genève ne lui a pas demandé son avis et a décidé de fêter en grand le 300e anniversaire de naissance de son plus illustre fils, à coup de concerts, de pièces de théâtre, de films, de conférences, d'expositions, de promenades guidées et même... de banquets!

Les admirateurs de Jean-Jacques Rousseau, ce philosophe complexe et torturé, peuvent passer des jours à peaufiner leurs connaissances à son sujet, à apprécier l'agilité intellectuelle de celui qui reste l'un des phares du siècle des lumières.

On connaît ses convictions: l'homme est bon par nature et c'est la société qui le corrompt; on doit laisser les enfants se développer à leur rythme et par expérimentation; la véritable source des inégalités est politique et la seule souveraineté légitime est celle du peuple, et non du roi. Ces thèses ont suscité une certaine adhésion en leur temps, mais aussi grogne et ironie, notamment de la part de Voltaire, son infatigable ennemi.

C'est tout cela que l'année Rousseau - il est né le 28 juin 1712 - nous apprend, parfois de façon savante, parfois avec beaucoup d'humour. Il faut voir, par exemple, ces courts métrages présentés en plein air dans l'île qui porte son nom, là où le lac Léman redevient le Rhône. Celui dans lequel une incarnation d'une Marilyn Monroe pulpeuse vient asticoter le jubilaire habillé en costume d'époque vaut le détour. Chaque film illustre, en quatre minutes, un thème traité par l'auteur de La Nouvelle Héloïse, d'Émile et Du contrat social. De façon didactique, drôle ou imaginative.

»Il les inquiétera toujours»

Rousseau a passé les 16 premières années de sa vie à Genève. Sa maison natale, dans la vieille ville, a été partiellement transformée en «Espace Jean-Jacques Rousseau», où la trajectoire de cet homme à tout penser - il était aussi musicien, botaniste, écrivain - est décortiquée de façon là aussi vivante, avec précision mais sans concession. On y entend même un rap à Rousseau à l'entrée! En une petite demi-heure, même le néophyte sera en mesure d'apprécier son énorme contribution à l'esprit de son temps.

Le 40, Grand-Rue, se trouve au coeur de Genève, dans l'ancien quartier aristocratique où il fait bon flâner et découvrir des tonnes de petits secrets qui se révèlent au détour des rues. C'est là que le jeune Rousseau a passé son enfance, avant de s'exiler volontairement.

Même à l'étranger, il a continué de revendiquer ses origines genevoises... et d'établir une relation d'amour-haine avec la Belle du lac Léman. «Jamais je n'ai vu les murs de cette heureuse ville, jamais je n'y suis entré, sans sentir une certaine défaillance de coeur, qui venait d'un excès d'attendrissement», a-t-il écrit dans les Confessions.

Il est revenu s'y réfugier en 1762, mais les autorités ont condamné Émile et Du contrat social, qu'on a brûlés devant les portes de l'hôtel de ville. Une période charnière pour lui, qu'une très intéressante - et très didactique - exposition de la Bibliothèque de Genève met en valeur, sous un titre accrocheur mais combien approprié: Vivant ou mort, il les inquiétera toujours. On y trouve notamment un exemplaire de l'édition originale du Contrat social annoté de sa main, ou encore des cartes à jouer hors d'usage, sur le dos desquelles il notait ses pensées.

Une famille d'horlogers

Dans un genre plus ludique, un détour par le Patek Philippe Museum s'impose. Devinez ce que faisait le père de Jean-Jacques Rousseau? Son arrière-grand-père et ses sept fils? Horlogers, bien sûr. On est en Suisse ou on ne l'est pas.

Le musée a rassemblé une vingtaine de montres et de «garde-temps» signés par la famille Rousseau. Son propre père, Isaac, était «horloger du sérail» sur les rives du Bosphore. C'est dire que les montres, notre philosophe connaissait. Comme en atteste cet extrait d'Émile: «Je suis comme un homme qui verrait pour la première fois une montre ouverte et qui ne laisserait pas d'en admirer l'ouvrage, quoiqu'il ne connût pas l'usage de la machine et qu'il n'eût point vu le cadran [...] je suis bien sûr que tous ces rouages ne marchent ainsi de concert que pour une fin commune qu'il m'est impossible d'apercevoir.»

Pour peu que le monde de l'horlogerie vous intéresse, ce musée est passionnant. Il présente l'une des plus grandes et des plus prestigieuses collections horlogères. Pas moins de 2000 montres, automates, objets précieux et portraits miniatures constituent une rétrospective de l'art horloger de Genève et de la Suisse, mais aussi de l'Europe. Le tout dans un décor où se côtoient luxe et modernité - la «Fabrique genevoise» se définit elle-même comme le berceau de la haute horlogerie technique et précieuse.

Renseignements: www.rousseau2012.ch