Avec des circuits sur les traces de Lénine et des exemptions de visas, la Russie mise sur le «tourisme rouge» pour attirer chaque année plus de Chinois intéressés par le passé soviétique.

Près de 410 000 Chinois ont visité la Russie en 2014, soit 10% de plus qu'en 2013, selon la fédération «Le monde sans frontière» qui réunit agences et hôtels accueillant des touristes venus de l'Empire du Milieu.

La Chine a ainsi ravi à l'Allemagne le premier rang de pays d'origine des touristes en Russie, et le mouvement semble encore s'accentuer cette année.

«On a eu beaucoup de travail cet été, je dirais 30% de plus que par rapport à l'année dernière», raconte à l'AFP Viktoria Borgatcheva, la présidente de l'association des guides et interprètes sinophones de Saint-Pétersbourg.

Cette ville, ancienne capitale impériale, a accueilli 25 900 visiteurs chinois l'an dernier et ce nombre pourrait grimper à 40 000, voire 50 000 cette année, selon Pavel Roumiantsev, directeur-adjoint du département nord-ouest de l'Union touristique russe.

Ce ne sont pourtant pas les palais néoclassiques bordant ses larges avenues ou les reflets de la Neva et des canaux qui attirent ces touristes dans la «Venise du Nord», mais le passé soviétique et l'histoire mouvementée de la ville théâtre de trois révolutions, en 1905 puis février et octobre 1917.

«Saint-Pétersbourg est une très belle ville avec une riche histoire», témoigne Yong Tang, un Pékinois de 57 ans... en train d'acheter un petit buste de Lénine sur la perspective Nevski, la principale artère de l'ex-Leningrad.

«Si les Européens viennent avant tout pour admirer l'ancienne capitale impériale et l'Ermitage, les touristes chinois, eux, veulent voir Leningrad et son passé révolutionnaire», confirme Mme Borgatcheva.

«Circuit rouge»

La Russie cherche depuis plusieurs années à rééquilibrer ses relations diplomatiques et commerciales en direction de la Chine et exempte depuis plusieurs années ses ressortissants de visas. Ce rapprochement s'est accéléré avec la crise ukrainienne, à l'origine d'une dégradation sans précédent depuis la chute de l'URSS des relations entre Moscou et les Occidentaux.

Pour attirer les Chinois, les agences de voyages de Saint-Pétersbourg se sont converties au «tourisme rouge» avec des excursions spécialisées dans le passé soviétique de la ville, berceau de la révolution bolchévique de 1917.

Au niveau national, Moscou et Pékin ont lancé en juillet un «Circuit Rouge» promettant aux touristes de retracer l'histoire du communisme à travers quatre villes de Russie.

D'un coût de 1000 dollars hors billets d'avion, le périple de huit jours débute à Moscou, où la dépouille de Lénine repose dans son Mausolée sur la place Rouge. Il mène ensuite les visiteurs jusqu'à Oulianovsk, la ville natale de Lénine sur la Volga, puis à Kazan, capitale du Tatarstan où le père de la révolution russe a fait ses études. Il s'achève à Saint-Pétersbourg où est notamment stationné le croiseur Aurora, symbole de la révolution qui a tiré en 1917 la première salve signalant l'attaque imminente du Palais d'Hiver.

«La révolution et la lutte du peuple pour son indépendance sont des sujets aussi importants pour les Chinois que la Seconde Guerre mondiale l'est pour nous», a rappelé Sergueï Lakovski, responsable du département touristique d'Oulianovsk, lors du lancement de ce projet en juillet.

Le projet «Circuit Rouge» prévoit aussi des voyages sur les traces de Mao Zedong, destinés aux touristes russes en Chine, où ce type d'itinéraires connaît un essor depuis plusieurs années.