Les touristes ont largement évité cet été la première saison touristique de la Crimée désormais rattachée à la Russie. La faute notamment des habitants du sud-est de l'Ukraine, habitués des lieux bloqués cette année notamment par les combats dans leur région, se plaignent les restaurateurs de la péninsule des bords de la mer Noire.

À Féodossia, cité historique du sud-est de la Crimée, la promenade de bord de mer est fréquentée par de rares touristes déambulant devant les affiches annonçant des tournées de vedettes russes.

«La saison est foutue , il n'y a personne», lance une restauratrice locale, Galina Antchoukova.

«Normalement la plupart des touristes viennent du sud-est de l'Ukraine, mais là-bas c'est la guerre et il n'y a plus de trains directs depuis ces régions», explique-t-elle. «Il y a des touristes venus de Russie, mais ils ne sont pas très nombreux non plus, on espère beaucoup que la saison prochaine sera meilleure», soupire Mme Antchoukova.

La Crimée à majorité russophone a été rattachée à la Fédération de Russie en mars dernier, après l'arrivée au pouvoir à Kiev d'autorités proeuropéennes. Depuis quatre mois, dans le sud-est ukrainien voisin, les combats entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses ont fait plus de 2000 morts.

Des habitants de Crimée se jettent sur un groupe de touristes russes tout juste débarqués d'un bateau venu d'Anapa (sud de la Russie) pour leur proposer des chambres à prix cassé.

«Cet été on a très peu de touristes, on propose des chambres à 400 roubles par jour (un peu plus de 8 euros)», explique Natalia Gorlova, représentante d'une petite société touristique, «Nika».

Lieu de villégiature impériale

Lieu de villégiature de l'aristocratie impériale et de l'intelligentsia russe -- Tchekhov y situe l'action de «La Dame au petit chien» --, la Crimée est ensuite devenue un des hauts lieux du tourisme intrasoviétique, en raison de ses plages et de son climat très clément.

Mais cette année, seulement 1,8 million de personnes ont visité la péninsule du 1er mai au 30 juin, selon Olga Bourova, vice-ministre du tourisme de la Crimée citée récemment par les Izvestia, et 3 millions de touristes sont attendus pour l'ensemble de la saison estivale, contre 6 millions en 2013 selon les chiffres officiels ukrainiens cités par le même quotidien russe.

Anna Konstantinova, 57 ans, propriétaire d'une auberge à Sébastopol, port d'attache de la Flotte russe de la mer Noire, ne se souvient pas d'une saison aussi mauvaise depuis des années: une seule des cinq chambres en location est occupée, par une famille venue de Saint-Pétersbourg.

«Les sanatoriums de Crimée sont remplis à 30%. C'est une chute de fréquentation de 50% par rapport à l'an dernier», déplore Alexeï Oumanski, vice-président de l'Association russe des agences touristiques cité par l'agence RBK.

«J'étais ici il y a deux ans et je n'avais pas réussi à voir le palais du Khan de Crimée, il y avait trop de monde», raconte Anna Savtchenko, venue de Kalouga, près de Moscou. «Alors que cette fois-ci je peux voir tout tranquillement, il n'y a pas de monde, j'en profite».

«Nous sommes très heureux de faire partie de la Russie et on espère beaucoup de Poutine. Il pourrait par exemple obliger les policiers et les militaires à passer leurs vacances en Crimée», plaisante Genia, un chauffeur de taxi de Kertch (est de la Crimée).

Le gouvernement russe a en tout cas promis d'investir l'équivalent de plus de 13 milliards d'euros en Crimée au cours des cinq prochaines années, dont un tiers pour édifier un pont entre le territoire russe et la péninsule -- reliés aujourd'hui seulement par avion ou par ferry via le détroit de Kertch. Une liaison ferroviaire a certes été inaugurée ce mois-ci, mais elle met entre 44 et 46 heures pour joindre Moscou et Simféropol, chef lieu de la Crimée, en contournant le territoire ukrainien, avec débarquement obligé des passagers au détroit de Kertch.