Quiconque aime l'oeuvre de Virginia Woolf ou s'intéresse à sa vie suivra avec intérêt ses traces à Londres et dans les Downs en retrouvant les adresses où elle a grandi et écrit.

Dans plusieurs de ses livres, Virginia Woolf évoque les demeures de son enfance. Ses journaux intimes sont riches de détails tant sur les maisons qu'elle a habitées que sur les parcs et les squares qu'elle a fréquentés. La biographie de Hermione Lee, Virginia Woolf ou l'aventure intérieure, mentionne la plupart des adresses. C'est ce document qui a guidé nos pas à travers Londres, sur les traces de Virginia Woolf.

Décrite par Woolf comme une maison victorienne sombre décorée de rouge et de velours cramoisi, le 22, Hyde Park Gate a vu naître l'auteure et sa célèbre soeur Vanessa Bell. Virginia Woolf y a habité pendant 22 ans, jusqu'à la mort de son père.

La maison de quatre étages, une demeure bourgeoise typique du XIXe siècle, semble intacte depuis 1882, année de naissance de l'auteure. Superbement entretenue, elle trône parmi une rangée de maisons similaires, toutes peintes en blanc, au bout d'un cul-de-sac débouchant sur Kensington Road, à deux pas de Hyde Park. Sur la façade, trois plaques rappellent que Virginia, Vanessa et leur père, Leslie Stephen, auteur et rédacteur en chef du Dictionnaire biographique national, y ont habité.

De l'extérieur, on imagine la bibliothèque paternelle au rez-de-chaussée, dans laquelle la jeune Virginia a puisé les classiques des XVIIIe et XIXe siècles. On devine les portes pliantes du salon, la chambre du premier étage - lieu des naissances et des décès -, la pénombre des pièces et le sous-sol encore plus obscur, que les bonnes de la famille Stephen se plaisaient à appeler «l'enfer».

La chambre de Virginia, une ancienne nursery au troisième, a été témoin de longues heures à lire, mais aussi à survivre aux premières détresses psychologiques, qui ont commencé au décès de sa mère, alors qu'elle n'avait que 13 ans.

Les allées de Kensington Garden, autrefois complètement séparées de Hyde Park, étaient le lieu d'éternelles promenades - que Virginia trouvait fort ennuyeuses. Déjà, son univers lui semblait restreint, ses possibilités trop peu nombreuses.

Vers Bloomsbury, quitter la tristesse victorienne

Après la mort de leur père, au moment où Virginia se remet d'un état de «démence», c'est Vanessa qui établit le premier contact avec le quartier de Bloomsbury en choisissant le 46, Gordon Square. Les soeurs Stephen emménagent en 1904 avec toute leur fratrie dans ce nouvel appartement où poètes, auteurs, peintres et amis de leur frère Thoby - étudiant au Trinity College de Cambridge - sont toujours les bienvenus et forment déjà le fameux Bloomsbury Group.

L'état de Virginia nécessite encore une surveillance étroite, mais cette nouvelle maison où «personne n'était en train de mourir et personne ne l'obligeait à faire des choses contre son gré» (Hermione Lee, p.271), lui a permis d'amorcer sa carrière d'écrivaine. À partir de 1905, elle reçoit ses premiers chèques pour des comptes rendus littéraires dans le Guardian, la National Review et le Times.

Bien que l'adresse exacte ne semble plus exister, on trouve plusieurs plaques commémoratives aux 50 et 52, Gordon Square qui rappellent que des membres du Bloomsbury Group ont habité à ces adresses.

»Chaque décès entraîne la perte d'une maison»

Un nouveau drame, la mort de Thoby, deux ans après celle de son père, vient bousculer l'équilibre de Virginia. Pour elle, chaque décès semble entraîner la perte d'une maison, et cette fois la perte est double: sa soeur, de qui elle dépendait sur le plan affectif, annonce son mariage prochain avec Clive Bell. Il est entendu que Vanessa conservera Gordon Square et que Virginia trouvera un nouveau domicile avec son frère Adrien.

En 1907, ils emménagent donc au 29, Fitzroy Square, encore dans Bloomsbury. Facile à trouver, face à un petit parc, le 29 est aujourd'hui occupé par une firme comptable. Plus bruyant, moins prestigieux que Gordon Square, mais très artistique, cette partie du quartier hébergeait aussi le peintre Duncan Grant et l'auteur Roger Fry, des amis des soeurs Stephen.

À la fin du bail, en 1911, Virginia et Adrien vont partager avec des amis le 38, Brunswick Square. Leonard Woolf, qui deviendra son mari en 1912, est l'un des locataires. La maison n'existe plus, mais plusieurs détails décrits par Virginia sont facilement repérables: tout près, les traces d'un ancien cimetière et la présence d'une fondation venant en aide à des orphelins, qui a remplacé l'«hôpital d'enfants trouvés» mentionné par l'auteure dans son journal intime.

L'ombre de la guerre

Au début de 1924, les Woolf signent un bail de 10 ans pour le 52, Tavistock Square, un bail qui s'étirera finalement jusqu'en 1939.

Aujourd'hui propriété de l'Université de Londres, l'édifice se trouve face à un square. Dans Une esquisse du passé, elle raconte à son neveu Julian avoir créé La promenade au phare en faisant le tour de Tavistock Square.

Mais le début de la Seconde Guerre mondiale, la noirceur des rues et le silence qui règne sur Londres lui rappellent sans doute les années sombres de son enfance à Hyde Park Gate, et la vue des dommages causés par une bombe tombée sur le 52, Tavistock Square en 1939 provoque un véritable traumatisme chez Virginia.

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Des circuits guidés

Il existe plusieurs circuits pédestres et même des voyages organisés thématiques sur Virginia Woolf. Les connaisseurs de ses oeuvres et de ses romans pourront facilement trouver des repères à leur rythme, sans y avoir recours, mais certains préféreront les informations bien choisies des guides. www.visitlondon.com