À Prague, l'une des villes les plus visitées en Europe, les guides touristiques craignent un déclin fatal de leur métier face à la libre circulation des services et à l'absence de réglementation locale. «L'état actuel est une catastrophe. Un bon nombre de mes collègues ont quitté le métier ces derniers temps», se plaint Jana Mecnerova, responsable de l'Association des guides tchèques.

La silhouette d'une dame ou d'un monsieur respectable, munie d'un parapluie pour être visible au milieu d'une foule écoutant religieusement les explications historiques et architecturales exhaustives, est inséparable du paysage de Prague. Mais la libéralisation des services a fait perdre aux guides locaux leur exclusivité.

En 2008, la suppression par Prague de l'obligation d'une qualification professionnelle «a planté le dernier clou dans le cercueil», selon Mme Mecnerova. Il revient désormais moins cher aux groupes étrangers de se fier aux accompagnateurs originaires de leurs pays respectifs.

Les guides tchèques sont devenus une espèce en voie de disparition sur les pavés du Pont Charles, dans la pénombre de la cathédrale St Guy ou dans les petites ruelles mystérieuses de la Vieille Ville et de la Cité Juive. «Selon notre enquête récente, quelque 80% des guides à Prague sont aujourd'hui des étrangers. Et trop souvent, ce sont des chauffeurs de car ou des étudiants, sans licence», déplore Mme Mecnerova.



Les fêtes de Noël et de Nouvel An correspondent à la haute saison. Sur 190 000 touristes étrangers venus ces jours derniers en République tchèque, 80% ont choisi la capitale. En 2009, Prague a reçu 4,3 millions de touristes étrangers.

«Les touristes russes sont très nombreux à venir début janvier. Il y a une dizaine d'années, notre association leur fournissait en cette période 40-50 guides par jour. Cette année, c'est un seul guide, et seulement parce qu'une Russe a eu une infection des cordes vocales», constate Mme Mecnerova.



Conformément à la législation européenne, un guide doit attester d'une qualification dans son pays d'origine mais les pouvoirs des organes de contrôle tchèques sont très restreints. «Il n'y a pratiquement aucun moyen de vérifier leur qualification professionnelle», avoue Jana Jaburkova, directrice du service de communication au ministère du Développement. Elle reconnaît que la situation des guides tchèques «pose problème». «Je ne connaît aucun autre pays d'Europe où la libéralisation en ce domaine soit aussi large que chez nous», ajoute Mme Mecnerova.



Le porte-parole de l'Association des agences de tourisme tchèque (ACCKA), Tomio Okamura, constate pour sa part que la libre circulation des services «est une réalité contre laquelle nul ne pourra rien faire». «Personne ne dispose de la force législative pour empêcher les étrangers de faire leur travail ici. Si Prague rend les règles plus strictes, elles ne frapperont que les Tchèques eux mêmes et personne d'autre», souligne-t-il.



Chef d'une agence de voyage qui attire annuellement plus de 50 000 touristes japonais en République tchèque, M. Okamura estime que la concurrence accrue devrait plutôt encourager les guides locaux à offrir une «meilleure qualité».

Le fait que la législation européenne facilite en revanche le travail des guides tchèques à l'étranger n'est qu'une piètre consolation pour la responsable de l'Association des guides. «Notre intérêt principal n'est pas de faire expert pour tous et partout, mais d'accompagner les touristes dans notre pays, de les familiariser avec notre histoire et notre culture», argue Mme Mecnerova.