Pour bien saisir le Portugal, il faut prendre le temps d'écouter du fado, dans un vieux quartier populaire de Lisbonne.

Graça est un quartier qui s'étend sur les flancs de l'une des sept collines de Lisbonne. Le tram 28, antiquité ambulante qui parcourt les rues les plus anciennes de la ville, s'y arrête. Les touristes qui en descendent se dirigent vers l'un ou l'autre des deux belvédères, les miradouros. Les travailleurs, eux, rentrent à la maison ou font un arrêt dans l'une ou l'autre des nombreuses pastelarias (pâtisseries) ou bistrots du coin.

L'intérêt des miradouros ne fait aucun doute. Le premier - Miradouro da Graça autour de la vieille église, offre une vue sur les quartiers de Mouraria et Alfama; le deuxième et sa chapelle - Miradouro do Senhora do Monte - encore plus spectaculaire, fait voir à peu près tout Lisbonne jusqu'au Tage.

Quartier populaire

Mais la grâce de Graça est ailleurs. Elle est dans la vie des gens qui habitent ce quartier populaire en voie d'embourgeoisement comme l'était le Plateau il y a quelques années. Les touristes restent dans les hauteurs. Le peuple vit autour, dans des rues qui descendent dangereusement. Là comme ailleurs à Lisbonne, les Lisboètes vivent dehors.

C'est à Graça que nous avons entendu, au hasard d'une promenade le long de la rua de Graça, une chanson langoureuse sortant d'on ne savait où. Sur le cadre de la porte ouverte, un petit message écrit à la main: Fado aujourd'hui. Nous y avons fait un arrêt, commandé un verre de blanc tiré d'un baril comme s'il s'agissait d'une bière en fût. On nous a fait signe de ne pas parler. Mais les clients avaient le droit de chanter pour accompagner la chanteuse, plutôt bonne. Le chanteur suivant était plus faible, mais tout le monde le connaissait et pouvait aussi chanter avec lui. La troisième fut écoutée en silence. Elle était parfaite. Et touchante.

Les fadistas et fadistos allaient se suivre ainsi jusque tard dans la nuit. Enfin nous avions eu notre vrai fado, ce «blues» portugais sorti des rues pauvres de Lisbonne au début du XXe siècle, inspirée de la musique brésilienne et qui connaît une renaissance depuis quelques années.

Fado et vin: 130$

Le fado est l'un des attraits touristiques de Lisbonne. On le sert, comme la morue séchée, à toutes les sauces. Pour en entendre du très bon, il faut aller au Clube do fado ou au Senhor vinho. À 130$ par personne - repas et vins compris - ça nous a paru cher, peu importe le nombre et la qualité des chanteurs, des chanteuses surtout.

Le fado se chante aussi à Coimbra. Mais dans cette ville célèbre pour son université, l'une des plus anciennes d'Europe, le fado est surtout chanté et joué par des hommes, souvent des étudiants. On l'appelle alors fado classique, ou fado savant.

Mais pour nous, le fado de la Tasca Jaime, entendu à Graça, fut un moment de grâce.

Il existe un excellent documentaire sur le fado, vendu en DVD accompagnant le CD Mariza Concerto em Lisboa. Mariza est l'une des meilleures fadistas contemporaines.