Un road trip en Islande n'est pas qu'une simple promenade du dimanche. La nature est hostile, la route, étroite, et les services, limités. Conseils et suggestions pour ne pas perdre la tête sur la route 1, à l'heure où le pays attend un nombre record de visiteurs.

Accueillir 1,73 million de touristes dans une île encore largement sauvage, qui compte normalement 330 000 résidants. C'est le défi colossal qui attend l'Islande cette année, alors que le pays s'apprête à fracasser de nouveaux records de visiteurs étrangers sur son territoire.

Les chiffres sont aussi démesurés que les paysages islandais: le nombre de touristes a bondi de 245 % entre 2005 et 2015, selon l'Office de tourisme d'Islande. En 2016, 34 % plus de visiteurs sont attendus.

Déjà, pour les quatre premiers mois de l'année, Reykjavík a accueilli 35 % plus de touristes qu'à la même période l'an dernier. La multiplication des vols au rabais, notamment de Montréal, a grandement favorisé cette popularité.

Or, les infrastructures de l'île ont été conçues pour répondre aux besoins de la population locale, pas pour cette marée de touristes. Les routes, déjà étroites, rétrécissent à une seule voie sur la majorité des ponts de la route 1. Les aires de stationnement peuvent accueillir une poignée de véhicules seulement. La signalisation bilingue est déficiente. Il y aura forcément de la congestion pendant la haute saison.

Pire, le nombre de toilettes publiques est largement insuffisant le long de la route 1, et ce, même sur des sites hyper fréquentés comme la chute Seljalandsfoss. Aucune toilette publique sur 100 km de route? Ce n'est pas rare dans l'est et le nord. On vous laisse imaginer ce que font certains qui ont un besoin pressant... Pour l'instant, un projet est sur la table pour installer entre 50 et 60 toilettes portatives, mais le financement gouvernemental se fait attendre, selon l'entreprise de service public de radio et télévision islandaise RÚV.

Cette hésitation du gouvernement a de quoi causer l'étonnement: l'afflux de dollars étrangers représente une véritable manne. Mais le manque de toilettes n'est pas le seul problème que devra régler le gouvernement islandais s'il souhaite offrir aux visiteurs étrangers un séjour de qualité.

L'écologie fragile de l'île devra être préservée pour que tous, habitants locaux comme touristes, puissent continuer d'en profiter.

Sur certains sites très fréquentés, comme Geysir, le nombre de visiteurs dépasse 5000 certaines journées. Or, le sol autour des geysers s'érode à la vitesse grand V. L'accès au site étant gratuit, aucune guérite ne régule le nombre de visiteurs et aucun gardien ne patrouille le terrain pour interdire l'accès hors des sentiers ou protéger d'eux-mêmes les voyageurs imprudents.

Car le nombre d'incidents impliquant des touristes a bondi en flèche. En février, un touriste s'est noyé, emporté par une vague alors qu'il prenait une photo des colonnes de basalte sur la plage de Reynisfjara, dans le sud de l'île. Une quarantaine de touristes ont aussi été aperçus alors qu'ils grimpaient, seuls, sur le glacier de Jökulsárlón. Lors de notre séjour, pas une journée n'est passée sans qu'on voie un touriste passer par dessus un cordage de sécurité, s'approcher des falaises et escalader des rochers pour prendre un égoportrait.

Resserrement en vue

Le pays ne pourra faire autrement que légiférer pour prévenir ces débordements. Déjà en 2014, la directrice générale de l'Office de tourisme d'Islande, Ólöf Ýrr Atladóttir, évoquait la possibilité de limiter le nombre de visiteurs sur certains sites. Aucune mesure précise n'a été adoptée pour l'instant, mais l'idée d'installer des barrières ou d'instaurer un système de réservation, pour certains sentiers notamment, est toujours dans l'air.

Des résidants qui donnaient jadis libre accès à leurs terres ont été moins patients: certains sites sont désormais inaccessibles (comme la carcasse d'un avion près de Vik) ou ne peuvent être visités qu'avec un guide.

En entrevue avec le magazine Iceland Review en mars dernier, Ólöf Ýrr Atladóttir ajoutait qu'il faudrait cinq ans pour que les infrastructures soient mises à niveau. Des routes doivent être élargies, des belvédères installés sur certains sites, des panneaux d'avertissements plus clairs sont prévus.

D'ici là, l'Islande pourrait ressembler à un Far West où personne n'est vraiment là pour faire régner la loi.

Quand y aller?

La meilleure saison pour faire un road trip en Islande s'étend de la mi-mai à la mi-octobre. La route 1 qui ceinture l'île est alors ouverte sur son entièreté, ce qui n'est pas le cas au coeur de l'hiver. Certaines routes qui mènent à l'intérieur de l'île peuvent n'ouvrir qu'en juin et être fermées en septembre. À savoir: des locateurs de VR restent en activité toute l'année et offrent des véhicules aux campeurs qui ne craignent pas de dormir sous les -20 ℃.

Combien de temps?

La route 1 qui fait le tour de l'île s'étend sur 1300 km environ; on peut la parcourir en entier en moins d'une journée! Mais pour en profiter vraiment, mieux vaut prévoir un séjour de 10 jours. Une semaine? C'est serré! L'itinéraire (dans le sens horaire ou antihoraire) a quant à lui peu d'importance. Les paysages sont beaux, peu importe le côté où ils sont abordés. La météo (notamment le froid du Nord) pourra davantage dicter ce choix. Chose certaine: les routes de classe F sont en tout temps interdites aux véhicules à deux roues motrices.

Quel véhicule louer?

Le véhicule récréatif est parfait pour qui veut faire le tour de l'île: il offre un bon abri aux intempéries et beaucoup de liberté. Pour visiter le coeur de l'Islande, toutefois, il faut prévoir un véhicule 4X4. De nombreuses entreprises louent des VR compacts, tels des Renault Kangoo, au confort rudimentaire. L'aménagement intérieur est souvent artisanal. D'autres louent des modèles de grande dimension (le modèle Fiat Ducato, notamment) dont la conduite peut être compliquée par le vent. Nous n'avons testé qu'une entreprise, Go Campers, et ce, de façon incognito; nous la recommandons sans hésiter.

Assurances

Plusieurs locateurs incluent une assurance collision dans leurs prix de location. C'est loin d'être suffisant. La franchise à payer en cas d'incident est astronomique: souvent plus de 3000 $. Pour réduire cette somme, il faut ajouter une assurance collision supplémentaire. Une protection contre les dommages causés par le gravier est aussi fortement recommandée, même sur les routes asphaltées. Quant à l'assurance contre les cendres et le sable, on peut s'en passer à condition de suivre de près les prévisions météo, surtout pour éviter le sable soulevé par de forts vents.

Hébergement

Avec l'augmentation du nombre de touristes dans l'île, l'hébergement peut être compliqué, en particulier dans le sud et le sud-ouest. Il faut donc réserver bien à l'avance ses nuitées si on souhaite dormir dans une auberge ou un hôtel. Les campings n'acceptent pas les réservations. Tous sont ouverts aux VR et offrent des services limités. Les prix varient entre 12 $ et 16 $ par personne, par nuitée. Les douches, la majorité du temps payantes, sont en nombre restreint, ce qui peut causer des problèmes quand les campings sont pleins...

Budget

En Islande, tout coûte cher et l'afflux récent de touristes semble avoir fait grimper encore davantage les prix dans les campings, les musées... L'essence se vend autour de 2 $ le litre, un peu moins pour le diésel. Six bières achetées au Vínbúðin (version islandaise de la SAQ) coûtent entre 25 $ et 30 $. Deux burgers et deux colas: 50 $. Le coût de location du VR oscille entre 130 $ et 700 $ par jour, selon le modèle choisi, assurances non incluses. En général, la location de sac de couchages, de chaises de plage et de GPS est en sus.