Léo Ganter, un Irlandais pure laine, possède une maison dans une petite île non loin de la région du Connemara, dans l'ouest de l'Irlande. Une île minuscule qu'habitent une vingtaine de familles, dont huit qui y résident à l'année.

Léo est un homme choyé. Car il possède tout : les grands espaces remplis d'infini, le silence, la beauté et la sainte paix... Lorsque à Dublin, nous avons rejoint Léo, qui devait nous servir de guide et chauffeur pour la semaine, celui-ci nous avait parlé de sa maison dans l'île, mais sans nous dire qu'il s'agissait d'une des plus belles régions de l'Irlande.

Après des centaines de kilomètres de route, nous avons rejoint une région sauvage couverte de tourbières, de montagnes et dentelée de falaises abruptes tombant dans la mer. Un lieu solitaire balayé par les vents de l'Atlantique (John Wayne y a tourné un film), où l'on parle encore le gaélique et fabrique à la main des instruments de musique traditionnels.

«Il ne fait pas toujours beau ici, nous avait dit Léo en faisant visiter son paradis. Parfois, la brume enveloppe le paysage. Et il pleut souvent.» Sans doute est-ce la raison pour laquelle Léo possède aussi une maison à Dublin, la capitale. Et l'autre raison, c'est que Léo Ganter a un faible pour cette ville, qu'il adore faire découvrir aux visiteurs.

Dublin et les écrivains

e ne suis pas nécessairement une amoureuse des villes, mais j'ai aimé Dublin. La première impression qui s'en dégage en est une de tranquillité et de sécurité. Avec ses rues bordées de belles maisons à l'architecture géorgienne, cette cité de 1,2 million d'habitants ne possède aucun édifice en hauteur. C'est une ville qui respire. D'autant plus qu'elle est agrémentée de paisibles espaces verts, dont le St. Stephen's Green, un parc planté d'arbres majestueux qui se mirent dans un lac. Et vous ne verrez aucun policier à Dublin porter une arme.

Dublin est une ville jeune et prospère. En effet, 45 % de la population a moins de 30 ans. On retrouve ces jeunes dans les quartiers animés, tel celui de Temple Bar, un quartier culturel branché où cafés et restos voisinent ateliers d'artistes, théâtres, galeries d'art, ainsi que sur Grafton Street, une rue piétonne jalonnée de belles boutiques.

Temple Bar se trouve à proximité du Trinity College, la plus célèbre université de la république d'Irlande, au coeur de Dublin, réputée pour sa bibliothèque de manuscrits anciens. Fondée en 1592 par Elizabeth I, l'université, protestante à l'origine, n'a accepté les catholiques qu'à partir de 1970 seulement. Aujourd'hui, la majorité des étudiants sont catholiques.

L'institution a été fréquentée par l'écrivain Samuel Beckett. D'autres, tels Johathan Swift, George Bernard Shaw, Oscar Wilde, tous nés à Dublin, ont préféré la société londonienne à la puritaine Dublin. Mais elle a quand même servi de toile de fond à plusieurs oeuvres littéraires, dont celles de James Joyce, et particulièrement son Ulysse. Joyce aurait habité au moins 36 maisons dans la ville. Un petit musée a été reconstitué à sa mémoire à Sandycove, à l'extérieur de Dublin, dans une tour dominant la mer, où a vécu l'écrivain.

James Joyce et les écrivains irlandais fréquentèrent les pubs de la ville, comme le font aujourd'hui des milliers de jeunes Dublinois. Car l'emblème de Dublin est le pub. Il s'en trouve plus d'un millier dans la capitale, de tous les genres, pour tous les goûts et de toutes les dimensions. Le Pub Dawson, sur Dawson Street, est le plus petit de Dublin.

Mais les plus beaux sont les pubs anciens, datant de l'époque victorienne, avec des comptoirs en marbre ou en acajou. On y boit la Guinness, la fameuse bière brune avec son collet de mousse, un autre symbole de la ville. On peut visiter le musée attenant à la vieille brasserie dont l'origine remonte à 1759. La Guinness Storehouse est l'attraction la plus populaire d'Irlande. Le visiteur monte au dernier étage de l'édifice pour boire une brune et admirer la ville.

Le Cork et le Kerry

Après cette incursion à Dublin, nous avons pris la route pour le Cork et le Kerry, dans le sud de la république d'Irlande. Le Cork impressionne par ses vallées verdoyantes et sa côte dentelée, qui est magnifique. C'est à Cobh, sur la côte, qu'au XIXe siècle, (1844 à 1848) des milliers d'Irlandais ont fui la famine pour le Nouveau Monde. Ceux qui choisirent le Canada durent s'arrêter à la station de quarantaine de la Grosse Île, dans la région de Québec, qui, aujourd'hui, nous rappelle la tragédie des milliers d'Irlandais qui n'ont jamais atteint la terre promise.

Le Kerry (au sud-ouest) est une région montagneuse et d'aspect plus sauvage. Ses paysages sont spectaculaires. La route menant du Cork au Kerry traverse des villages aux maisons multicolores et de paisibles paysages où vont paître vaches et moutons.

L'une des principales villes du Kerry est Killarney, touristique et accueillante avec ses nombreux restaurants et ses boutiques ouvertes tard en soirée. Accueillante, croyez-vous? Lors de notre passage, 10 000 motos Harley-Davidson avaient envahi la ville, pour un congrès de quelques jours.

Mais nous avons vite retrouvé la paix dans le Killarney National Park, qui s'étend au sud et à l'ouest de la ville, sur plus de 10 000 hectares. Il s'agit d'un superbe parc, avec montagnes et de beaux lacs tranquilles, dans lesquels miroitent châteaux et abbayes.

On dit que les lacs de Killarny ont inspiré de nombreux artistes. À contempler les eaux calmes de celui qui s'étend devant le Muckross House, on se sent interpellé à la méditation. Ce grand manoir de 65 pièces datant de la fin du XIXe siècle, est entouré d'arbres exotiques, de jardins d'azalées et de rhododendrons.

La reine Victoria fut de passage deux jours à Muckross House en 1861, mais pour accueillir cette invitée de marque, les propriétaires investirent tellement dans l'aménagement de la maison qu'ils connurent la banqueroute. Mais, semble-t-il, la visite de la reine Victoria a lancé le tourisme à Killarney.

C'est aussi dans la région du Kerry que se trouve l'une des plus belles péninsules d'Irlande, la péninsule de Dingle. On peut en faire le tour en une demi-journée et l'excursion en vaut vraiment la peine. Les paysages sont dramatiques et surgissent dans un horizon rempli d'infini : des caps abrupts verticaux s'opposent à la mer horizontale et sur les versants broutent paisiblement des troupeaux de moutons.

La route est parsemée ici et là de fermes, de maisons de pêcheurs et aussi de quelques gîtes, comme celui que tient Caitlin Firtear. Cette dernière loue aux touristes quelques chambres ayant vue sur la mer. Devant la côte, s'égrènent aussi quelques petites îles sauvages, dont certaines habitées par des écrivains. «Les maisons ici se vendent à prix de fou, dit Caitlin. Et souvent, elles n'ont ni eau ni électricité.»

Après avoir traversé l'estuaire de Shannon, avec le traversier, (de Tarbert à Killimer) nous sommes allés contempler les plus belles falaises de la côte ouest, les Cliffs of Moher, des parois spectaculaires, hautes d'au moins 200 m et dominant la mer. Ces falaises striées sont habitées par des milliers d'oiseaux marins et des sentiers sont aménagés pour y marcher tout le long de la mer.

À l'horizon se profilent les trois îles Aran, des îles isolées aux falaises vertigineuses, où l'on parle encore le gaélique et porte le costume traditionnel. Un peu plus au nord, dans le comté de Clare, le canton de Burren, un plateau calcaire sauvage et dénudé est réputé pour sa flore exceptionnelle.

Galway, troisième ville d'Irlande, est une charmante ville universitaire, avec des rues tortueuses remplies de pubs, restaurants et boutiques, où il est agréable de déambuler à toute heure.

La région de Galway possède plusieurs lacs et rivières où l'on pêche le saumon et la truite de mer. Le Ballynahinch Castle Hotel, situé dans un paradis de tranquillité, a été classé parmi les plus beaux hôtels. Propriété d'un prince indien durant les années 20, qui en avait fait sa résidence d'été, l'hôtel a accueilli les grands de ce monde venus taquiner le saumon, tels que le président Gerald Ford, Ted Kennedy...

C'est à l'ouest de Galway que s'étend la magnifique région du Connemara. L'un des endroits importants est le Connemara National Park qui regroupe quatre monts de la chaîne montagneuse des Twelve Bens. Ce parc, où vivent des poneys sauvages, est réputé pour sa faune et sa flore exceptionnelles et classé zone d'intérêt scientifique. Au pied des Twelve Bens, le Kylemore Abbey, un superbe château néogothique se réflète dans les eaux du Kylemore Lough. C'est d'un romantisme fou. Propriété des Soeurs Bénédictines, cet ancien château privé est aujourd'hui un couvent de jeunes filles.

Mon incursion dans le sud et l'ouest de la république d'Irlande fut de courte durée, mais je conserve en mémoire tant de belles images et de merveilleuses impressions - ses paysages, ses gens accueillants, sa musique - que j'y voyagerai encore souvent et longtemps.

Repères

> Pour y aller : Air Transat offre des vols à partir de Toronto jusqu'à Dublin.

> Quand y aller : entre juin et septembre est le meilleur temps pour aller en Irlande. Il fait encore clair à 23 h et le jour se lève à 4 h.

> Où rester? Des coups de coeur :

Marfield House, à Gorey, au sud de Dublin. Une grande maison de style Regency, datant de 1840 et appartenant à la famille Bowe. Entourée de beaux jardins fleuris, cette maison possède 20 chambres et suites. www.marfieldhouse.com

Cashel House, dans le Connemara. Une grande maison bourgeoise située au milieu de nulle part et entourée d'un immense jardin entretenu par la propriétaire elle-même. Chambres chaleureuses avec vue sur le jardin. En 1969, le général de Gaulle est venu dans la maison pour un séjour de 15 jours, pendant lequel il a commencé à écrire ses mémoires. De Gaule a son banc dans le jardin. www.cashel-house-hotel.com

> Informations : www.tourismireland.com ou 1 800 223-6470