On peut la parcourir dans tous les sens, s'y perdre aves délices, s'y retrouver avec bonheur. Mille petites routes s'insinuent entre les vallées glaciaires et les sommets volcaniques de l'Auvergne, traversent d'adorables villages groupés autour d'un château, révèlent des paysages jardinés par l'homme depuis des siècles ou, au contraire, restés pratiquement inviolés. Escales choisies.

Clermont-Ferrand

Parce que la ville a prospéré grâce à la multinationale Michelin, on imagine une cité industrielle sans grand charme, noyée sous le béton, le bitume et le caoutchouc. Erreur! Même sous une pluie obstinée, comme c'est le cas en ce jour de juin, la vieille ville dégage un cachet particulier grâce à ses imposantes maisons en pierre de lave noire, à ses rues pentues, à ses placettes bordées de grands tilleuls où murmurent des fontaines. 

À l'ombre de l'austère cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption, dont les hautes flèches noires dominent toute la ville, les noms des rues racontent le passé de la cité autrefois fortifiée: rue des Gras (où l'on vendait des charcuteries), des Chaussetiers, de la Forge, de la Tannerie... Rue du Port (port au sens de lieu de commerce et d'échanges), les étonnants motifs arabo-andalous qui ornent l'extérieur de la basilique Notre-Dame attirent le regard. Joie: les églises de France ne sont jamais fermées. On a beau être athée, agnostique ou raëlien, on ne peut rester indifférent devant la finesse de ces mosaïques, la touchante naïveté des sculptures, l'harmonie de l'ensemble, la paix qui règne là...

Parmi les autres trésors de la ville, un hôtel particulier construit en 1513 révèle des arcades de pierre et un fronton ouvragé d'une élégance remarquable. Nous n'avons pas essayé la crêperie qu'il abrite, mais ses salles voûtées et sa jolie terrasse valent qu'on y prenne au moins un verre.

De la très jolie place Blaise-Pascal, où se dresse la fontaine d'Amboise, on devrait avoir une vue superbe sur les vertes ondulations de la chaîne des puys, ces volcans maintenant endormis qui ont façonné le paysage auvergnat. Hélas! les pavés luisent sous la bruine qui enveloppe la ville, et l'horizon se noie dans un brouillard impénétrable. Consolons-nous dans le minuscule estaminet Les 2 Comptoirs, où la proprio, Sylvie, concocte à la demande des tapas créatives et succulentes dans un sympathique décor rétro.

Le Puy-de-Dôme

Classé Grand Site de France, le Puy-de-Dôme, à une petite quinzaine de kilomètres de Clermont-Ferrand, est le plus haut de la chaîne. Un train panoramique à crémaillère (réalisé par SNC-Lavalin) permet d'accéder au sommet, que l'on peut aussi gagner à pied par l'abrupt sentier des Muletiers. C'est, dit-on, le chemin par lequel les pèlerins accédaient au temple de Mercure, construit au IIsiècle de notre ère, dont les ruines sont toujours visibles.

Mais rien à faire: encore aujourd'hui, le panorama qu'offre l'excellent restaurant du sommet se résume à un écran blanc et opaque. On se contentera donc d'admirer (et de savourer!) les élégantes assiettes qui se succèdent dans ce menu à 35 euros.

Après avoir mangé nos émotions, à défaut de pouvoir zyeuter les volcans en personne, on ira visiter Vulcania, un parc d'attractions sur le volcanisme bien fait, instructif et ludique. On y apprend des tas de choses sur les géants endormis de l'Auvergne, mais aussi sur d'autres volcans du monde. On y passerait facilement une journée entière.

PHOTO THINKSTOCK

Le Puy-de-Dôme

Le château d'Anjony

Plus encore que la vallée de la Loire, l'Auvergne est le pays des châteaux: la Route historique des châteaux d'Auvergne en regroupe 42 ouverts à la visite, soit deux fois plus que la région de la Loire!

Parmi eux, le château d'Anjony, dans l'adorable village de Tournemire, est habité par la même famille depuis 600 ans. Rien que ça! Monsieur le marquis d'Anjony, huitième du titre, habite la «nouvelle» partie, construite au XVIIIe siècle par un aïeul qui voulait un peu de confort moderne (!). 

Le donjon, dans un état de préservation inouï, se visite, et c'est parfois le marquis lui-même qui en fait les honneurs. Fresques du XVsiècle, chapelle du XVIe, objets amassés au cours des croisades par on ne sait plus quels ancêtres... on nage en plein roman! 

Le village lui-même, splendide, minuscule et assoupi, se visite en quelques minutes. Pas difficile: une seule rue toute bossue, une très jolie chapelle romane, un unique hôtel-restaurant, quelques vénérables maisons, des vues superbes de tous les côtés, et voilà. Ça n'a (presque) pas changé depuis le Moyen Âge.

PHOTO CHRISTOPHE FINOT, TIRÉE DE WIKIMEDIA

Le château d'Anjony, dans le village de Tournemire.

Salers

Pas encore un village médiéval? Eh oui. L'un n'attend pas l'autre, que voulez-vous. Pas moyen de s'ennuyer. Celui-ci, perché au sommet d'une colline (comme toujours, puisqu'on voulait voir arriver les ennemis de loin), a perdu son château, rasé en 1666, mais il conserve ses fortifications.

Remarquablement vivant comparativement à d'autres «beaux villages de France», il compte plusieurs commerces, dont un prodigieux magasin de parapluies d'Aurillac (ville voisine), pas donnés, mais plus jolis et originaux les uns que les autres, et du genre qui dure. Par beau temps (ce qui n'est toujours pas le cas en ce troisième jour de pérégrinations, d'où l'intérêt des parapluies!), il offre des vues magnifiques sur la campagne environnante. Et malgré la pluie, on adore se perdre dans le labyrinthe de ses venelles en pente. 

Au coeur du village, l'hôtel Saluces, qui fait aussi bar et maison de thé, propose huit chambres toutes différentes, toutes admirables de bon goût et de sobriété. Dans la grande salle commune de cette maison du XVIIIe siècle, un bon feu crépite dans le «cantou», âtre immense qui est presque une pièce dans la pièce. On imagine, pendue à l'énorme crémaillère, une grande marmite de ce plat emblématique qu'est la potée auvergnate, et tout à côté, un bébé endormi dans son ber.

PHOTO FABIENNE COUTURIER, LA PRESSE

Même sous la pluie, Salers a de quoi séduire.

Charroux

Autre «beau village de France», Charroux clôt avec grâce cette grande boucle à travers l'Auvergne. Perdu au fin fond de la campagne, on n'y arrive pas par hasard (ou alors on tombe dessus complètement par hasard!), tant la route pour s'y rendre emprunte de chemins de traverse. Même le GPS s'y perd! Cet éloignement a probablement protégé le village des déprédations causées ailleurs par la Révolution. Cela explique sans doute aussi qu'il n'ait jamais servi de lieu de tournage malgré sa beauté parfaite. 

Amoureux de leur village, ses quelque 385 habitants font tout pour le garder vivant. Ils organisent toutes sortes de manifestations, dont, en novembre, une fête de la soupe très courue: les villageois préparent chacun une marmite de soupe que les visiteurs, nombreux, peuvent déguster après avoir acheté un bol au potier du village. Simple, non? 

On trouve en outre, au hasard des petites rues pavées, une moutarderie-huilerie (à voir, le pressoir et le moulin, si anciens qu'ils n'ont plus d'âge), une fabrique artisanale de jus de pomme, plusieurs échoppes et bon nombre de restaurants, de gîtes et d'hôtels. 

C'est tout petit, mais on s'imagine tout à fait y passer plusieurs jours, juste pour musarder, absorber de la beauté, respirer, se sentir dans un autre monde, hors du temps. 

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Les frais de voyage liés à ce reportage ont été payés par Atout France et ses partenaires.

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA

La porte d'Orient vue depuis la Grande Rue, à Charroux.